Plusieurs élus l’affirment : la crise sanitaire et l’étude du passe vaccinal ont échauffé les esprits et décuplé les phénomènes de violence. Témoignages d’élus et décryptage avec Marie-Laure Pezant, lieutenante chargée de mission sécurité à l’association des maires de France (AMF).
Plusieurs élus l’affirment : la crise sanitaire et l’étude du passe vaccinal ont échauffé les esprits et décuplé les phénomènes de violence. Témoignages d’élus et décryptage avec Marie-Laure Pezant, lieutenante chargée de mission sécurité à l’association des maires de France (AMF).
Il y a quelques jours, Denis Sommer, député LREM de la 3e circonscription du Doubs a révélé avoir subi des menaces de morts à plusieurs reprises (lire notre article), ces dernières semaines. Notamment depuis le début des débats à l’Assemblée nationale sur le passe vaccinal, lorsqu’il a affirmé son soutien à ce projet de loi. Il affirme, au micro de France Bleu Belfort-Montbéliard : « On m’annonce des coups de couteau, une décapitation même. » Le député, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions et qui affirme vouloir « tourner la page », n’est que l’un des nombreux exemples d’élus ayant subit des violences depuis le début de la crise sanitaire.
« On sent des pressions. Nous recevons régulièrement des messages peu agréables, des lettres anonymes », abonde Frédéric Barbier, député du Doubs, membre du parti Territoires de Progrès et rattaché à l’assemblée nationale au groupe de La République en Marche (LREM). Une impression confirmée par Ian Boucard, député Les Républicains (LR) du Territoire de Belfort : « Oui, dans les messages qu’on reçoit, nous voyons un phénomène de radicalisation. La plupart du temps, j’évite d’ouvrir les mails. J’ai reçu des menaces qui me disaient que je serais pendu à la libération. » Michel Zumkeller, député UDI, confirme avoir reçu le même type de menace : « J’ai reçu un mail où l’on me menace de me mettre une balle dans la tête, avec mon adresse. C’est un signe que la démocratie va mal. » Il poursuit : « Nous recevons très régulièrement des mails de mécontentement, mais d’une telle violence, c’était la première fois. »
Dans tous ces témoignages, un point d’orgue : l’anonymat. « Avec l’anonymat, les gens se lâchent beaucoup plus qu’avant. Les réseaux sociaux, les mails, les fake news : tout cela accroît et exacerbe les tensions. C’est sûrement pour cela qu’il y avait moins de violences il y a quelques années », pointe Frédéric Barbier. Ian Boucard et Frédéric Barbier se rejoignent sur un autre point : il est rare (même si elles existent) que les violences soient physiques. La plupart des violences se passent aujourd’hui derrière les écrans. « Les moyens modernes multiplient la violence », analyse Michel Zumkeller.
Pour mieux appréhender ce phénomène, l’association des maires de France a créé, en octobre 2020, un observatoire des violences faites aux élus. Marie-Laure Pezante, lieutenante de police chargée de mission sécurité et prévention et en charge de l’observatoire relève une « accélération des faits de violence », liée à une « médiation forte » et une « libération de la parole sur les réseaux sociaux, notamment ». « Au moment de la crise des Gilets jaunes, le phénomène était déjà palpable. Aujourd’hui, [avec la crise sanitaire], nous atteignons des stades critiques avec une explosivité des violences », poursuit la lieutenante. Elle remarque une tendance qui se dégage : « Évidemment, cela passe par les réseaux sociaux en grande partie. Mais depuis peu, il y a une augmentation de la personnalisation dans les menaces. En menaçant la famille, en s’en prenant aux véhicules, au domicile. C’est ce qui inquiètent les élus. »
Une colère montante
Pour Ian Boucard, cette colère envers les élus s’est décuplée au fur et à mesure de la crise sanitaire : « Les gens vrillent avec la crise et ce qu’elle implique. Certains lâchent complètement les chevaux, ils ne supportent plus la contradiction. » Une dynamique que confirme Michel Zumkeller mais aussi le sénateur Cédric Perrin (LR) : « Le covid mène les gens vers un degré d’énervement qui n’existait pas avant. » Le sénateur poursuit : « Cette dynamique de violence n’est pas propre aux élus. Mais dans leur colère, les gens voient dans les élus des boucs-émissaires. Ils ont le sentiment que les élus font tout. D’où le fait qu’ils s’en prennent à nous. »
Marie-Laure Pezant s’inquiète, dans cette dynamique, de l’approche des élections présidentielles. « Les élus vont être amenés à se prononcer à l’approche des élections. Il y a peu, encore, un élu a été attaqué pour avoir affirmé son soutien à Emmanuel Macron. » Elle précise que des groupes de travail doivent avoir lieu en début d’année, notamment pour renforcer la coopération entre les élus et à la justice. « Il existe des conventions entre les procureurs et les maires, par exemple, dans certaines villes. Certains parquets ont créé des référents pour répondre aux élus face aux violences. Avec ces actions, on constate une légère inflexion de l’action de la justice, mais dans l’ensemble, cela reste encore très hétérogène », conclut la chargée de mission.