Alstom a officialisé le rachat de Bombardier transport, ce vendredi 29 janvier, pour 5,5 milliards d’euros. On loue la constitution du 2e groupe mondial ferroviaire et la complémentarité des deux entités. Les syndicats ne sont pas tout à fait de cet avis. Et questionnent la stratégie.
Alstom a officialisé le rachat de Bombardier transport, ce vendredi 29 janvier, pour 5,5 milliards d’euros (notre article). On loue la constitution du 2e groupe mondial ferroviaire et la complémentarité des deux entités. Les syndicats ne sont pas tout à fait de cet avis. Et questionnent la stratégie. – mis à jour le 3 février à 09h27.
Pour Alstom, le rachat de Bombardier transport fut « une opportunité », rappelle André Fages, délégué syndical de la CFE-CGC et membre de L’European working forum, un comité regroupant les représentants du personnel de la douzaine de pays où est implanté Alstom en Europe. Après la déconvenue Siemens, personne ne s’y attendait. Pis, la direction a été chiche en explications dénonce le syndicaliste.
Ce qui inquiète le représentant du personnel du syndicat catégoriel, c’est la situation de Bombardier transport. « Il est bien malade, assure-t-il. C’est une société moribonde. » Et ce n’est pas la crise sanitaire qui a arrangé la situation. « Au premier semestre 2020, Bombardier a craché 1 milliard de dollars de cash pour surmonter ça », relève le syndicaliste. Alstom, de son côté, s’en sort bien, malgré la crise sanitaire et économique. Pour la CGT, c’est tout simplement « une opération capitalistique », dénonce Eddy Cardot, délégué syndical. Qui poursuit : « On va être Québécois. » Dorénavant, la premier actionnaire de ce nouvel ensemble est la caisse des dépôts et de placement du Québec (CDPQ), avec 17,5 %.
« La variable d’ajustement, c’est la masse salariale »
André Fages pointe aussi du doigt les nombreux soucis opérationnels de l’industriel canadien, évoquant notamment les problèmes techniques des rames du métro de New York ; il y a un an, l’agence qui gère le réseau new-yorkais a même retiré 298 rames fabriquées par Bombardier, « en raison de problèmes de sécurité sur les portes », note Radio Canada. En janvier 2019, des livraisons avaient aussi été suspendues. Et de nombreux retards avaient été enregistrés.
Cette situation réveille de vieux souvenirs douloureux aux plus anciens d’Alstom, à l’époque du Grand Alstom, où l’activité ferroviaire côtoyait encore les chantiers de l’Atlantique et la filière énergie. Les anciens espèrent que le rachat de Bombardier n’est pas une idée cavalière comme fut la décision de racheter une activité de turbine à ABB ; un choix catastrophique qui conduit, en 2003, au plan de sauvetage piloté par Nicolas Sarkozy et à l’entrée au capital de Bouygues. « L’histoire ne se répète pas, mais elle a [parfois] le hoquet », craint André Fages.
La grande inquiétude des syndicats concerne les emplois. « Nous savons que dans ce genre d’opération de fusion, la variable d’ajustement, c’est la masse salariale », observe André Fages, qui regrette l’absence de positionnement quant au maintien des emplois. « Nous n’avons pas de vision à moyen terme », poursuit-il. « À un moment donné, il y aura de la casse, prévient Eddy Cardot. Peut-être pas dans l’immédiat, mais dans les années à venir. » Cette crainte de “la casse sociale” est également partagée par la CFDT confirme Alain Lugenbuhler, délégué syndical à Belfort.
Les représentants du personnel ciblent notamment la situation des deux usines du Nord : celle de Crespin, qui appartenait à Bombardier transport, et celle de Valencienne. Les deux adressent des marchés similaires, pour des métros et des trains péri-urbains. « Les synergies vont-elles permettre de garder les 4 000 salariés à Crespin et Valencienne », questionne Eddy Cardot. Aujourd’hui, il y a de la charge, mais qu’en est-il dans 3 à 4 ans s’interroge le représentant du personnel. Va-t-on garder les bureaux d’études, les deux usines de fabrication. « Nous avons des craintes pour les collègues du nord », avoue André Fages. « Nous, on proposait de faire un groupement d’intérêt économique », rappelle Eddy Cardot, car « du travail, il y en a pour tout le monde ».
Sous-charge à Belfort
L’inquiétude pousse jusqu’au site de Belfort. Si des promesses ont été faites sur le TGV du futur, rien n’est encore acté rappellent les syndicats. Les équipes prient pour obtenir le contrat de fabrications de locomotives en Ukraine, sachant que les projets marocain et suisse se terminent. On évoque déjà une sous-charge à Belfort. « Nous n’avons pas encore de garanties pour la suite ni de commandes pour l’instant », interpelle Eddy Cardot.
La principale crainte réside dans la concurrence avec Bombarbier. Belfort fabrique une locomotive, la Prima M4, autant pour un usage de fret que de passagers, vendue à 30 exemplaires au Maroc. En Allemagne, « Bombardier fait une locomotive semblable en tout point, la Traxx », observe André Fages. Bombardier l’a vendue à « 700 ou 800 exemplaires », relève-t-il. Eddy Cardot partage cette même « inquiétude autour des doublons sur les locomotives ». Quel avenir pour les modèles belfortains ?
Certes, Belfort accueille la plateforme modulaire de locomotives Prima H4. Cette modularité permet d’installer quatre motorisations différentes : hybride ; bi-mode ; double-engine ; et bi-mode batterie. Des annonces sont aussi attendues autour de la locomotive de fret fonctionnant grâce à l’hydrogène énergie. Mais pour l’instant, pas de visions claires ici. « C’est quoi la stratégie ? Comment voit-il l’avenir ? Qui va faire quoi ? » Autant de questions d’André Fage, qui n’ont toujours pas de réponses.