Article rédigé par Atmo BFC, association en charge de la qualité de l’air – PARTENARIAT
Un phénomène météorologique étrange mais commun
Dans le répertoire des vents régionaux bien connus des météorologistes, le « sirocco » est un vent en provenance du Sud/Sud-Est, très chaud et très sec, habituellement rencontré en l’espace de très brèves périodes aux alentours de l’été, notamment en Corse et sur le pourtour méditerranéen. Ce phénomène se produit surtout lorsque ce courant d’air est dirigé vers le nord via une dépression sur le secteur de la Méditerranée. En tout début du printemps, c’est bien ce vent en provenance du Sahara qui a soufflé ce weekend de Pâques, en passant par la Bourgogne-Franche-Comté samedi, charriant avec lui quantités de sable dans l’atmosphère.
Le vendredi 29 mars, alors que d’importantes tempêtes de sable étaient en cours au Nord de l’Algérie, un flux rapide a transporté les masses d’air chargées en particules sur une bonne partie de l’Europe. La France et l’Italie ont été les premiers pays touchés. Les poussières de sable ont atteint la Bourgogne-Franche-Comté à partir du samedi 30 mars.
A des milliers de kilomètres de chez nous, les minuscules grains de sable (ou poussières sahariennes) ont été entraînés en haute altitude puis amenés par des vents puissants. A leur arrivée chez nous, ils se sont ensuite déposés un peu partout au sol, surtout si une pluie fine les a fait redescendre… ce qui explique que les voitures et équipements extérieurs ont été recouverts d’une pellicule jaunâtre.
La réponse des appareils de surveillance
Ce phénomène nous montre que la pollution de l’air peut aussi avoir une origine naturelle. Ainsi cette pollution aux poussières désertiques s’est traduite samedi matin par un ciel jaune orangé observé dans les régions du quart sud-est de la France.
La plupart du temps, ce phénomène reste sans incidence pour la qualité de l’air, puisque les poussières sont véhiculées à haute altitude (entre 1 et 5 km). Cependant, ce samedi, les masses d’air ont pu parvenir à plus basse altitude, ce qui s’est traduit par une hausse des concentrations de particules PM10 sur les appareils de mesure de la qualité de l’air.
Le panache de poussières sahariennes est arrivé par le sud en fin de journée, vendredi 29 mars. La station de Dole a été la première de la région à enregistrer de fortes concentrations, suivie par celle de Champforgeuil, près de Chalon-sur-Saône, dans la nuit. En quelques heures, les stations de la Côte d’Or et du Doubs, ainsi que dans le Morvan, étaient toutes concernées. Le lendemain matin, samedi 30 mars, la plupart des stations de Saône-et-Loire, du Jura, du Doubs et de Côte d’Or mesuraient encore des concentrations en particules PM10 très élevées. Ce n’est que plus tard dans la journée que le panache s’échappait au Nord Est de la région, provoquant cette fois-ci une hausse des niveaux en Haute-Saône et sur la zone de Belfort-Montbéliard.
Les données horaires les plus élevées de la région durant le weekend :
- Champforgeuil = 237 µg/m3 (30/03 à 6h heure locale)
- Montceau-les-Mines = 209 µg/m3 (30/03 à 5h)
- Saint-Brisson (Morvan) = 186 µg/m3 (30/03 à 5h)
- Dole = 169 µg/m3 (30/03 à 9h)
- Dijon Péjoces = 165 µg/m3 (30/03 à 8h)
- Montandon = 154 µg/m3 (29/03 à 23h)
- Besançon Prévoyance = 131 µg/m3 (30/03 à 11h)
- Baume-les-Dames = 124 µg/m3 (30/03 à 12h)
- Belfort Octroi = 113 µg/m3 (30/03 à 13h)
- Vesoul = 100 µg/m3 (30/03 à 11h)
- Châtenois = 96 µg/m3 (30/03 à 9h)
- Dijon Trémouille = 95 µg/m3 (30/03 à 8h)
- Montbéliard Centre = 95 µg/m3 (30/03 à 14h)
Pas de hausse des niveaux observée sur Nevers (6 µg/m3 quand Morvan était à son maximum), ni sur Auxerre et Sens.
Des particules bien issues d’un phénomène autre que la combustion
Les poussières issues des épisodes de Sirocco ont une nature chimique spécifique, distincte des particules émises par les activités humaines. En particulier, elles sont dépourvues de « black carbon », un élément surveillé par le réseau de mesure d’Atmo BFC, présent dans les particules dites primaires, c’est-à-dire émises directement par les activités humaines.
Certains appareils de mesure spécifiques au « black carbon » et intégrés au réseau de surveillance d’Atmo BFC ont permis de souligner la faible contribution des particules issues de la combustion de matières fossiles (trafic routier) et de la combustion de biomasse (chauffage) dans le pic enregistré ce samedi 30 mars 2024.
Pic de pollution avéré
Le matin du samedi 30 mars, le modèle de prévision de qualité de l’air PREV’Est prévoyait un dépassement des valeurs réglementaires pour les départements de Côte d’Or, du Doubs, du Jura et de la Saône-et-Loire.
En définitive, le panache est resté près de 24 heures sur la région Bourgogne-Franche-Comté. Les départements de Saône-et-Loire et du Doubs ont été sièges d’un dépassement du seuil d’information et de recommandation fixé à 50 µg/m3 en moyenne journalière, avec respectivement 65 et 52 µg/m3 pour la journée du samedi 30 mars.
Chez nos confrères d’Atmo Auvergne Rhône-Alpes, AtmoSud, Atmo Occitanie et Qualitair Corse, dont les régions ont été aussi touchées par cet épisode, les concentrations en poussières du Sahara ont même entraîné des dépassements du seuil d’alerte en particules PM10 (80 µg/m3/j). Le site Prev’Air, (http://www2.prevair.org/) qui permet de connaître les prévisions de qualité de l’air sur l’ensemble du territoire national ainsi que les mesures aux stations, indique un maximum de 217 µg/m3 enregistré au niveau de deux stations corses (Ajaccio Canetto et Bastia Giraud) en moyenne pour la journée de ce samedi 30 mars.
La fin de l'épisode
Les précipitations survenues dès la nuit de samedi à dimanche et jusqu’en journée ont permis de « lessiver » l’atmosphère, en transférant les particules collectées sur le passage des gouttes de pluie vers le sol. Ce phénomène, qui a permis de réduire les niveaux de particules dans l’air, a donné lieu au dépôt d’importantes quantités de sable au niveau du sol, des voitures, des équipements extérieurs… Les appareils de mesures ainsi que les outils de prévisions confirmant dès lors la fin de l’épisode de pollution.
Une gêne potentielle pour les personnes sensibles et vulnérables
En temps normal, les conséquences sur notre santé restent limitées. En effet, du fait de leur diamètre relativement important (10 µm équivalent à 1/5ème du diamètre d’un cheveu), ces particules sont retenues dans les voies supérieures de notre système respiratoire et ont donc moins de facilité à pénétrer dans l’organisme, ce qui est moins le cas des poussières plus petites issues de phénomènes de combustion (trafic routier, chauffage biomasse). Les poussières de sable sont par ailleurs moins agressives sur les cellules de notre appareil respiratoire en raison de leur composition chimique. Cependant, en concentrations importantes, ces particules, bien que d’origine naturelle, peuvent entraîner une gêne respiratoire pour les populations les plus sensibles (nourrissons, enfants de moins de 6 ans, femmes enceintes, fumeurs, personnes âgées, personnes souffrant de pathologies respiratoires ou cardiovasculaires…).
Les bons gestes pour se protéger de la pollution de l'air
De manière générale :
- Il n’est pas nécessaire que je modifie mes habitudes
- En cas de symptômes ou d’inquiétude, je prends conseil auprès de mon médecin ou de mon pharmacien
- Je veille à ne pas aggraver les effets de cette pollution par d’autres facteurs irritants (tabac, usage de solvants en intérieur, chauffage au bois…)
- Je ne modifie pas mes pratiques habituelles d’aération et de ventilation
Pour les personnes sensibles et vulnérables (femmes enceintes, nourrissons, jeunes enfants, personnes de plus de 65 ans, personnes souffrant de pathologies cardiovasculaires, insuffisants cardiaques ou respiratoires, asthmatiques, personnes se reconnaissant comme sensibles lors des pics de pollution) :
- Je limite les déplacements sur les grands axes routiers et à leurs abords, aux heures de pointe
- J’évite toute activité sportive ou physique intense, en plein air comme à l’intérieur
- Je veille à ne pas aggraver les effets de cette pollution par d’autres facteurs irritants (usage de solvants sans protection appropriée, tabac…)
- Je respecte scrupuleusement ou adapte sur avis de mon médecin le traitement médical à visée respiratoire en cours…
Un retour du phénomène dans les prochains jours ?
Toute l’année, la surveillance de la qualité de l’air est assurée par l’équipe de prévisionnistes d’Atmo BFC. Chaque jour, les données de mesures de la veille, les cartes de prévisions de qualité de l’air et les bulletins météo sont minutieusement analysés. Lorsque les seuils réglementaires sont dépassés ou susceptibles d’être dépassés, une concertation est organisée entre les différents acteurs (DREAL et Préfectures concernées) de sorte à organiser l’information de la population et mettre en place, le cas échéant, les mesures réglementaires prévues en cas de pic de pollution.
Pour les prochains jours, les équipes sont sur le qui-vive pour suivre et anticiper dès maintenant le possible retour du phénomène.
Rendez-vous sur le site www.atmo-bfc.org pour suivre les données de qualité de l’air en direct et s’inscrire gratuitement aux bulletins d’alerte.