C’est actuellement l’un des chantiers les plus importants du nord Franche-Comté. L’usine Stellantis engage un second plan d’investissement d’ampleur, après l’aménagement du nouveau montage et la réduction de son empreinte foncière. Le constructeur automobile revoit entièrement l’usine « peinture ». Un chantier qui dépasse les 100 millions d’euros. Il en profite pour construire une nouvelle chaufferie biomasse et installer 7,2 hectares de panneaux photovoltaïques, en ombrières. C’est notamment ce qu’est venu découvrir le nouveau patron de Stellantis, Antonio Filosa (lire notre article), mercredi, en réservant ses premières visites du groupe au berceau historique de Peugeot.
La « peinture » est une usine dans l’usine. Son process utilise 25 % de l’énergie (électricité et gaz) du site Stellantis explique Patrice Huck, responsable environnement et énergie de l’usine de Sochaux. Les principales consommations résident dans des étuves, qui permettent de cuire les peintures. « Il faut cuire la peinture pour qu’elle acquiert ses caractéristiques mécaniques, explique Julien Risset, en charge de l’usine peinture et des services techniques. Nous avons aussi besoin d’énergie pour les bains de cataphorèse. »
L’actuel process « peinture » a plus de trente ans. Le nouveau, qui sera connecté aux ateliers de montage fin 2025, s’installe dans l’ancien bâtiment du ferrage ; une ancienne enveloppe qui permet d’éviter de construire un bâtiment neuf. Cette usine sera aussi compactée, dans la même logique que le montage, passant ainsi de 136 000 à 35 000 m2. On simplifie le nombre de stades du process. « Nous n’aurons plus qu’un stade de cuisson », confie Julien Risset, contre deux auparavant. Et c’était déjà une usine en avance, indique Stellantis.
« Dans la nouvelle peinture, nous allons réduire la consommation d’énergie totale de 30 % », dévoile-t-il. Les étuves ne seront plus chauffées au gaz, mais à l’électricité. Et la consommation d’eau doit diminuer de 50 %. La nouvelle méthodologie doit « être au meilleur niveau technologique », assure l’équipe en place, avec de nombreuses innovations attendues. Ce nouveau système doit permettre de « baisser de 92 % les émission de CO2 par rapport à aujourd’hui ». Des éléments importants pour garantir la compétitivité du site.
14 km de tuyauterie à changer
Le système de chauffage de l’usine Stellantis représente 50 % de l’énergie totale consommée par le site. Il est utilisé pour chauffer le site et pour les process, comme ceux de la peinture. Pour décarboner, il faut donc s’y intéresser. C’est chose faite avec le chantier d’installation de la nouvelle chaufferie. Deux chaudières biomasse sont en cours d’aménagement ; l’une de 8,8 MW et l’autre de 2,7 MW. « L’intérêt de la petite chaudière biomasse, c’est de tourner avec ce système biomasse, en saison estivale, sans devoir faire tourner un équipement de 8 MW pour un besoin d’1 MW », explique Emmanuel Riche, d’Engie Solutions, responsable du chantier biomasse de Stellantis. La nouvelle chaufferie assurera 55 % des besoins du site en production d’eau chaude, soit une consommation estimée de 53 GW/h, indique Engie Solutions. Le système biomasse va permettre d’économiser 15 000 tonnes d’émissions équivalent CO2, par an, soit 50 % des émissions actuelles.
Cette chaufferie, alimentée par du bois issu de forêts situées dans un rayon de 100 km, dispose de trois silos de stockage, représentant un volume de 1 400 m3, soit quatre jours de capacité, en fonctionnement intensif. Un système de traitement des fumées est aussi prévu. Ce nouvel équipement s’accompagne d’un autre changement d’importance : l’ensemble du réseau de chaleur du site, en vapeur, passe en réseau basse température. Ce sont ainsi 14 km de tuyauterie qu’il faut changer ; une tuyauterie installée en aérien, dans un dédalle de bâtiments et dans un site centenaire. « Pour produire de la vapeur, il faut une quantité d’énergie plus importante », justifie Emmanuel Riche.
Et il faut également de l’énergie pour alimenter les pompes qui maintiennent la pression dans les canalisations, même quand on n’a pas besoin du système, le week-end par exemple. « Le système basse température est plus intéressant en termes d’exploitation », valide Jérôme Bouilly, responsable des services techniques du site de Sochaux. « Nous allons gagner en flexibilité dans le pilotage de l’installation », poursuit-il. Et réduire ainsi les besoins en énergie. Le rendement sera aussi amélioré : l’équipement sera neuf et les canalisations aussi.
Une nouvelle centrale solaire
Dernière composante de cette politique de décarbonation : une ferme solaire, dédiée à de l’autoconsommation, contrairement aux panneaux installés sur les parkings d’expédition, le long de l’A36, qui sont loués à un opérateur d’énergie. Stellantis a obtenu, à la fin de l’hiver, son permis de construire pour installer un champ photovoltaïque de 16 MWc, qui s’étend sur 7,2 hectares. Les panneaux solaires seront installés en ombrières, sur les parkings des collaborateurs et des parkings d’expédition situés dans l’enceinte de l’usine. 95 % de l’énergie produite par la ferme solaire sera consommée, même le dimanche ou pendant les congés d’août, dévoile Patrice Huck. Elle a justement été dimensionnée pour ne pas avoir de surproduction. Sur l’année, cela assurera 15 % de la consommation électrique globale.
L’énergie représente un coût important de la voiture, replace Julien Risset. Diminuer sa consommation énergétique, c’est donc améliorer sa compétitivité argumente-t-il. « C’est une nécessité économique et une contrainte normative », conclut-il. Et « on ne va pas s’arrêter là », assure encore le cadre. Plusieurs projets sont dans les cartons, notamment des systèmes de récupération de la chaleur fatale. Une manière de valoriser de l’énergie, pour encore réduire sa consommation.
> Article paru dans le hors-série print « Comment décarboner l’industrie », publié en mai 2025 par Le Trois. Acheter la version numérique (4,5€) : https://letrois.info/kiosque/comment-decarboner-lindustrie/ | pour acheter la version papier (7€), sur demande à : redaction@letrois.info