16 h 50. Place des chefs, non loin de la Grande scène, sur la presqu’île du Malsaucy. « Tu auras 2 euros de consigne à récupérer au stand derrière toi », indique la meilleure ouvrière de France Clotilde Jacoulot, alors qu’elle donne au client sa commande de chips aux légumes servi dans un bol marron, en ABS (polymère thermoplastique) et bois. La cheffe, qui tient la boutique Jacoulot Primeurs à Morteau (Doubs), fait de la pédagogie. Le bol en question est consigné.
Pour cette 33e édition, les Eurockéennes de Belfort tente d’introduire de la vaisselle consignée, l’une des multiples initiatives visant à limiter l’empreinte carbone du festival (lire notre article). 18 stands alimentaires, sur 49, participent à l’opération, soit 37 %, répartis sur la place des Chefs, aux Saveurs du monde et sur le camping.
Le dispositif est mis en place avec l’entreprise Ecocup (aujourd’hui Re-uz), qui gère déjà la récupération, le nettoyage et le réapprovisionnement des gobelets aux bars du festival, depuis 2007. « Nous avons découvert ce dispositif au Paléo festival (En Suisse, NDLR) », confie Anthony Fernandes, coordonnateur de la restauration, des bars et du merchandising. En France, le festival We love green est le précurseur de la démarche. Début juin, 9 restaurateurs ont participé à ce dispositif pour la première fois en France. Les Eurockéennes sont les premières a lancé ce dispositif à une telle échelle dans l’Hexagone. « C’est la première demande en France. C’est notre évènement test », confirme Colin Colin Tolazzi, responsable lavage pour Ecocup aux Eurockéennes ; son unité est capable de laver 4 000 verres par heure.
Pendant tout le festival, les équipes se succèdent à la grande halle des Eurockéennes, près du camping, pendant 14 heures chaque jour, afin de laver les verres et désormais les couverts. « Le défi, c’est que chaque jour, les restaurateurs aient le stock suffisant de vaisselles », s’engage Anthony Fernandes. Il faut collecter, laver, re-packager et redistribuer. La gestion des flux est rigoureuse. « C’est un gros dispositif logistique », admet le coordonnateur, satisfait de cette première édition. Quatre types de contenants sont utilisés : deux tailles d’assiettes et deux tailles de bols. Le plat peut passer au micro-onde.
(3,6 tonnes de déchets en moins
« Nous avons travaillé en amont avec les restaurateurs pour adapter l’offre à ces contenants », explique Anthony Fernandes, conscient que des choses seront à adapter lors des prochaines éditions. Il n’est pas forcément facile de caler une part de pizza, par exemple. Il faudra trouver le bon catalogue de contenants, pas encore très étoffés. Mais il ne faut pas non plus qu’il y ait 10 références. Quelques restaurateurs grognent sur la couleur, mais l’enthousiasme est plutôt unanime.
« C’est très pratique pour nous », témoigne à ce titre Clotilde Jacoulot. « C’est trop bien, parce ce que c’est ce qu’on fait au quotidien chez nous, poursuit-elle. En plus, on n’a pas à gérer les stocks. » Puis d’ajouter : « C’est aussi facile parce que la déconsigne est rapide. » C’était un point de vigilance d’Anthony : que la déconsigne soit installée à proximité. Les trois stands de déconsigne sont situés juste à côté des stands de restauration. Ils sont tenus par les Restos du cœur, avec une mission importante : bien « nettoyer » les assiettes pour qu’elles n’aient plus de déchets alimentaires avant d’être mises dans les machines à laver. La consigne peut être donnée par le festivalier à l’association ; le premier jour, 2 000 euros avaient déjà été collectés par Les Restos du Cœur.
La volonté est clairement d’étendre le dispositif. Mais le défi est colossal. Aujourd’hui, 30 000 contenants sont disponibles et réutilisés pendant le festival. Si on l’étend, il faudrait tripler le volume, donc la capacité de nettoyage et d’approvisionnement des stands.
Les Eurockéennes estiment que la mise en place de cette consigne doit permettre d’éviter 3,6 tonnes de déchets, soit 2,25 % du tonnage global des déchets (160 tonnes en 2019, déjà en baisse de 9 % par rapport à 2018). À l’époque, 54 % des déchets générés étaient recyclés et la tendance s’accroît. Depuis le milieu des années 2010, les déchets alimentaires sont collectés et transmis à une usine de méthanisation ; 4 tonnes ont été ainsi captés en 2019. Cette réduction des déchets est déjà très visibles pour les équipes en charge de la collecte des poubelles. « Il y a beaucoup moins de débordements », assure Anthony. Cette année, les invendus alimentaires qui peuvent être repris seront aussi récupérés par les Restos du Cœur pour leurs bénéficiaires indique le festival.
Dans cette logique de limiter les déchets et de réduire leur production, les Eurockéennes n’éditerons plus en grand nombre de gobelets siglés de la nouvelle édition ; quelques exemplaires seront disponibles en boutique, « pour les collectionneurs », dixit Anthony Fernandes. Le festival peut tourner sur la masse de gobelets créés sur les éditions précédentes. Car le meilleur des déchets est bien celui que l’on ne crée pas.