Hugo Guéritaine
Tout était prêt pour accueillir les vacanciers. Ils vont devoir attendre pour se baigner. Après la 34e édition des Eurockéennes, le site du Malsaucy a rouvert ses portes mercredi 17 juillet. Mais l’agence régionale de santé (ARS) a détecté la présence de cyanobactéries dans le lac, interdisant totalement la baignade, comme l’a dévoilé France Bleu Belfort-Montbéliard, ce mardi. Une interdiction déjà subie ces dernières années (lire notre article).
Pourtant, la qualité de l’eau avait été jugée excellente quelques jours auparavant par l’agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté (ARS). « Notre communiqué était plus un bilan de l’année dernière », explique Jérôme Mathys, ingénieur d’études sanitaires à l’ARS. Comment expliquer la présence de cyanobactéries et quels sont leurs dangers ?
Limiter l’eutrophisation
« On ne peut pas expliquer la prolifération par un seul critère, il y a plusieurs facteurs, indique l’ingénieur. Les cyanobactéries n’ont pas été apportées par des humains. C’est plutôt un phénomène naturel qui a tendance à se répéter avec le réchauffement climatique. » C’est également ce que souligne le conseil départemental : « Habituellement présentes durant la période estivale, les cyanobactéries se développent de plus en plus tôt dans l’année, de manière plus intense. » Jérôme Mathys ne tient pas le festival des Eurockéennes pour responsable, alors que les reproches à son adresse se multiplient sur les réseaux sociaux ces derniers jours. « Il y a deux critères principaux pour la prolifération des cyanobactéries : l’ensoleillement – et non pas forcément la chaleur comme on pourrait le croire – et l’apport en nutriments, tels que l’azote et le phosphore venant du bassin versant », détaille-t-il.
« L’une des pistes d’amélioration serait de limiter l’apport en azote et en phosphore », indique Jérôme Mathys Ce processus d’accumulation d’azote et de phosphore s’appelle l’eutrophisation. Le conseil départemental du Territoire de Belfort explique : « La faible profondeur du Malsaucy et la présence de phosphore en permanence dans les sédiments sont la cause première de ce phénomène » Les nutriments comme l’azote et le phosphore proviennent en majorité des rejets agricoles, des eaux usées et de l’érosion des sols. « Les bassins versants du Malsaucy ne sont pourtant pas très agricoles ni très urbains”, observe le spécialiste. De reconnaître également : « Il n’y a [donc] pas d’explications claires. » Mais ce dont on est sûr, c’est que « l’eutrophisation est une pollution à la fois d’origine naturelle et un peu anthropique (c’est-à-dire due à l’activité humaine, NDLR) », ajoute-t-il, pour souligner la complexité du phénomène et son caractère multifactoriel. Ces axes de progrès « réclament des ententes entre les collectivités, des études supplémentaires et de l’argent », replace Jérôme Mathys.
La dangerosité des cyanotoxines
Les cyanobactéries existent depuis l’origine de la vie sur Terre. Leur dangerosité réside dans ce qu’elles émettent lorsqu’elles se multiplient : les cyanotoxines. « On en retrouve dans les prélèvements du Malsaucy depuis 2023. Elles représentent un risque sanitaire pour l’homme », avertit Jérôme Mathys. Les répercussions sur la santé sont multiples.
Selon le muséum d’histoire naturelle, il y a trois types de toxines produites par les cyanobactéries ; les hépatotoxines, qui agissent sur le foie ; les neurotoxines qui agissent sur le système nerveux ; et les dermatotoxines qui agissent sur la peau et les muqueuses. « Ça va des irritations cutanées, des atteintes oculaires ou encore des symptômes gastro-intestinaux pour ce qu’il y a de plus léger Jusqu’à des hépatiques rénales ou encore des troubles neurologiques ou neuromusculaires », liste le spécialiste. Ce n’est donc pas « à prendre à la légère » poursuit l’ingénieur de l’ARS. Le risque sanitaire concerne également les animaux ; la vigilance s’impose.
En attendant de nouvelles analyses de l’ARS, ce vendredi, la baignade reste en suspens. Les activités terrestres du programme d’été proposé par le conseil départemental du Territoire de Belfort sont maintenues. Le Département « a engagé des réflexions pour faire évoluer les activités sur le site du Malsaucy », comme l’évoquait déjà en 2023 Le Trois.