Après sept ans sur les rails, la ligne directe entre le Territoire de Belfort (Meroux-Moval) et Bienne sera interrompue en décembre 2025. Le conseil régional Bourgogne-Franche-Comté a décidé de stopper le projet transfrontalier qui permettait de relier Bienne à la gare TGV de Belfort-Montbéliard, en passant par Délémont, Porrentruy et Delle. Dès la date butoir, les trains venant de Suisse s’arrêteront automatiquement à Delle. Il faudra reprendre un train français pour se rendre à la gare TGV. C’est ce qu’on appelle une rupture de charge.
Cette décision, prise unilatéralement, est regrettée par les Suisses qui espèrent que la France « proposera des correspondances de qualité entre Delle et la gare TGV de Belfort-Montbéliard et Belfort-Ville », expliquent-ils dans un communiqué. La décision est d’autant plus contestée que la ligne interrompue de Delle à Belfort a été financée en partie par la Suisse. En tout, la Confédération helvétique et le Canton du Jura ont investi plus de 27 millions d’euros.
Une ligne qui n’a jamais décollé
Travaux durant les deux premières années, pandémie, manque de matériel roulant, défaut de correspondances, tarification onéreuse… les maux sont nombreux. La ligne n’a jamais été très fréquentée depuis son avènement en 2018. Il n’a aussi jamais été possible de rejoindre Belfort directement. Il fallait changer de train à Meroux-Moval, à proximité immédiate de la gare TGV, avec des correspondances pas toujours adéquates. Des conditions que le sénateur du Territoire de Belfort (Les Républicains) et co-président de l’association Interligne TGV, Cédric Perrin, avait pointées il y a plus d’un an (lire notre article). Résultat : les promesses déçues ont eu raison de la fréquentation. La ligne avait pour objectif d’atteindre les 1 600 voyageurs par jour. En 2022, Cédric Perrin confirmait que la ligne ne voyait pas plus de 400 âmes par jour.
Sur le papier, le prolongement de la liaison de Bienne à Belfort avait un bel intérêt : rejoindre depuis la Suisse, avec un seul train, la gare TGV Belfort-Montbéliard pour ensuite se rendre à Paris ou encore dans le sud de la France plus rapidement. En France, la liaison permettait d’étoffer offre de transport scolaire et devait être une solution pour les nombreux frontaliers.
Mais cela n’a pas fonctionné, ce qui a poussé la Suisse à revoir le projet et en créer un autre : « Convergence 2026 ». Elle proposait d’assurer avec son matériel roulant l’ensemble des liaisons de Belfort à Délémont en passant par Delle, en partance directe de Belfort-Ville, pour convaincre une clientèle plus large. Un cadencement à la demi-heure était prévu, pour offrir une offre semblable à celles des RER. Mais en mai, la Région a annoncé qu’elle refusait l’offre. Elle préfère privilégier une exploitation distincte entre la France et la Suisse. Une décision regrettée par le canton du Jura qui « reste persuadé que le modèle proposé aurait pu connaître un succès important ».
L'offre future encore floue
Côté suisse, le Canton du Jura a immédiatement réagi dans son communiqué expliquant que puisqu’elle récupérait une partie de sa flotte ferroviaire, elle améliorerait les liaisons internes sur son territoire. À ce jour, sur le canton, il existe déjà 115 kilomètres de lignes de train, 400 km de lignes de bus, 12 lignes de bus de nuit. Les cadences sont très régulières, très tôt, très tard, et sept jours sur sept. Ce qui lui a permis d’augmenter entre 2004 et 2018 la fréquentation des transports de 65%.
Côté français, la Région a affirmé, lors du comité de pilotage franco-suisse sur les relations ferroviaires qui s’est tenu début juillet « sa volonté de mettre en place, en décembre 2025, une offre sur l’axe Delle-Belfort ». Les élus régionaux du groupe Ecologistes et solidaires souhaitent même aller plus loin en reliant Delle à Montbéliard sans rupture de charge. Quant à Cédric Perrin, le sénateur souhaite que les dysfonctionnements récurrents de la ligne TER Belfort-Delle soient discutés dans le cadre des négociations du volet « mobilités » du Contrat de Plan État-Région (CPER) 2021-2027.
110,5 millions d'euros pour la réouverture de la ligne Belfort-Delle
En 2018, la réouverture de la ligne Belfort-Delle a permis la liaison jusqu’en Suisse. Le projet a mobilisé de nombreux acteurs, avec des sommes importantes réparties de la sorte :
- la Région Bourgogne Franche-Comté : 30,9 M€
- l’État français : 30,5 M€
- la Confédération helvétique : 24,7 M€
- le Département du Territoire de Belfort : 5,1 M€
- SNCF Réseau : 4 M€
- l’Union européenne : 9,3 M€
- la République et Canton du Jura : 3,2 M€
- le Grand Belfort, Communauté d’Agglomération : 2,3 M€
- la Communauté de Communes Sud Territoire : 0,5 M€