Caroline Nelly PERROT – AFP
“Pour la première fois depuis Airbus, la France et l’Europe créent une nouvelle filière industrielle”, s’est réjoui le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire, sur le site d’Automotive Cells Company (ACC), coentreprise de Stellantis, TotalEnergies et Mercedes lancée en 2020. “L’Union européenne doit montrer ses muscles industriels”, alors que la “Chine ne nous fera aucun cadeau”, a-t-il souligné, saluant en ACC “un succès franco-allemand”.
Pour le ministre allemand des Transports, Volker Wissing, “cette usine, avec les deux autres d’ACC prévues en Allemagne et en Italie, contribue à ce que l’Europe soit encore demain à la pointe du progrès mondial”. “C’est un pari de créer une filière de batteries en Europe”, a reconnu le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, soulignant que “la batterie produite ici émettra 40 % moins de CO2 au mégawatt heure que la même batterie produite en Chine”.
Les PDG de Stellantis, Carlos Tavares, et de Mercedes, Ola Kallenius, étaient également présents à Billy-Berclau pour l’inauguration de cette méga-usine, qui doit produire 40 GWh d’ici 2030.
"Vallée de la batterie"
D’immenses machines connectées vont y aplatir, découper, empiler des feuilles d’aluminium enduites d’une pâte de minéraux rares, la base de ces cellules de batteries, qui seront ensuite assemblées et remplies d’électrolyte par des ouvriers en blouses blanches dans des salles immaculées. La production doit démarrer à l’été et la commercialisation à la fin de l’année 2023.
Le secteur automobile prend à grand renfort d’aides publiques un virage à marche forcée vers l’électrification, accéléré par l’interdiction des moteurs thermiques dans l’Union européenne à partir de 2035. Le groupe ACC sera l’un des premiers à produire en Europe. Il sera suivi par trois autres usines de batteries en France, toutes implantées dans les Hauts-de-France, où émerge un écosystème qu’élus et industriels ont baptisé Vallée de la batterie.
Le groupe sino-japonais AESC-Envision compte fournir Renault Electricity à partir de début 2025, la start-up grenobloise Verkor produira à partir de mi-2025 à Dunkerque, et le groupe taïwanais ProLogium vise une entrée en production fin 2026. Au total, une cinquantaine de projets de ce type ont été annoncés à l’échelle européenne ces dernières années, pour ne pas laisser l’Europe à la merci des fournisseurs asiatiques, et particulièrement chinois, qui représentent plus de 80% de la production mondiale de batteries (lire notre article).
"Casse sociale"
Le gouvernement français s’est fixé comme objectif de produire dans le pays deux millions de véhicules électriques par an d’ici à 2030, souligne Bercy. Le site d’ACC à lui seul devrait à cette date produire de quoi équiper 500 000 véhicules chaque année.
La France entend fournir à son industrie automobile suffisamment de batteries assemblées dans le pays d’ici à 2027, et même en exporter par la suite. Mais elle reste handicapée par le prix de son énergie, comparée à la Chine ou aux États-Unis, qui subventionnent massivement cette industrie.
Signe du soutien public, sur les sept milliards d’euros d’investissements nécessaires pour le projet ACC, le groupe a reçu plus d’1,2 milliard de fonds publics, dont 845 millions d’euros d’aides françaises. La technologie lithium-ion utilisée sur la première ligne d’ACC reste toutefois gourmande en matériaux stratégiques dont la chaîne d’approvisionnement est largement dominée par la Chine – manganèse, nickel ou graphite.
La transition vers l’électrique représente également un défi social majeur, avec la disparition annoncée de dizaines de milliers d’emplois, tandis que la Vallée de la batterie doit recruter et former plus de 20 000 personnes en quelques années. Une centaine de personnes ont d’ailleurs manifesté mardi à Douvrin à l’appel de la CGT du site local de Stellantis, voisin d’ACC et voué à la fermeture, dénonçant la “casse sociale sans précédent qui se prépare dans la filière thermique”.