Intelligence économique. L’expression fait florès depuis plusieurs années. Mais qu’est-ce que cela signifie ? L’intelligence économique, c’est le travail mené autour de l’information. Une information collectée, traitée, comprise et utilisée à un « niveau stratégique », pour son entreprise expose Ludovic Gilet, stratège en intelligence économique, comme il se définit sur LinkedIn. Cette information concerne son secteur économique, ses partenaires, ses concurrents, les marchés… Tout élément qui peut avoir un rôle dans la conduite de son affaire.
« La principale difficulté de mon activité, c’est que beaucoup ne savent pas ce qu’est l’intelligence et on passe beaucoup de temps à l’expliquer », raconte Ludovic Gilet. Sa société, Cardigan conseil, est un cabinet de conseils spécialisé en stratégie de renseignement d’affaires, qui s’adresse aux directions d’entreprises, petites ou grandes, et aux institutions publiques. Et il ne faut surtout pas la sous-estimer, estime Ludovic Gilet, qui s’est tourné récemment vers cette activité, après avoir eu des postes de direction commerciale, notamment dans une entreprise qui proposait une gestion électronique de la documentation.
Ce trentenaire a commencé ses études à l’IUT Nord-Franche-Comté et les a poursuivies à l’école de commerce de Rennes. Il s’est formé à l’école de guerre économique, auprès de Christian Harbulot, qui a également accompagné les leaders syndicaux de General Electric au cœur du conflit social, au début de la décennie (lire notre article).
« Des changements majeurs sont attendus dans le monde et on ne s’y prépare pas », s’étonne Ludovic Gilet. Si l’on identifie facilement la « menace » chinoise ou russe, il précise qu’il ne faut pas oublier non plus de se méfier de partenaires comme les États-Unis ou l’Allemagne. Et de citer l’exemple de la campagne de déstabilisation de l’Azerbaïdjan contre la France, face aux événements en Nouvelle-Calédonie, soulignant la multiplicité des risques et des auteurs.
« Qui sait quoi ? Qui a besoin de quoi ? »
L’intelligence économique, c’est aussi anticiper les risques qui mettraient en péril sa société. Il y a les menaces en cybersécurité, évoque, déjà, Ludovic Gilet. Mais souvent, les entreprises en prennent la mesure après avoir été attaqué, regrette-t-il. Il cite, par ailleurs, le risque réputationnel, l’attaque de ses produits via les normes ou encore les risques juridiques autour de sujets comme la corruption, le blanchiment ou le respect des règles de responsabilité sociale des entreprises (RSE) ; c’est par le risque juridique que les Américains ont affaibli Alstom, en utilisant l’extraterritorialité du droit américain pour dénoncer des faits de corruption en Asie de l’industriel français. Dans tous ces cas de figure, la maîtrise de l’information est essentielle.
La première des batailles, pour ce conseiller, c’est déjà « une prise de conscience de l’entreprise et une sensibilisation des salariés ». Ensuite, il faut définir une vraie stratégie de recherche de l’information à court, moyen et long terme, puis classer ces informations entre « utiles », « accessoires » et « vitales ». Ce travail, il faut aussi le faire à l’échelle de son entreprise pour identifier ses informations à risque et les protéger. Et dans l’entreprise, il invite surtout à sortir de la logique de « silos ». Il suggère de partager les informations et d’identifier les canaux : « Qui sait quoi ? Qui a besoin de quoi ? »
Le monde est « compliqué », convient-il. « Il faut penser la complexité et ne pas avoir peur » conseille-t-il. « Plus vous avez d’informations sur un environnement, plus vous êtes forts », termine Ludovic Gilet, souhaitant ne plus entendre le fameux refrain de dirigeants : « Je ne m’intéresse pas aux autres. » Le faire contribue pourtant à la pérennité de son entreprise.