Au mois de septembre, un train hydrogène d’Alstom a parcouru 1 175 km avec un seul plein (lire notre article). Sacrée performance, qui justifie toute la pertinence de cette technologie pour cette mobilité. C’était en Allemagne, où des trains hydrogène de transport de passagers sont déjà en service commercial. Une transposition est en cours en France. Un TER de ce type devrait débuter ses tests en Bourgogne-Franche-Comté en 2023, et être mis en service commercial en 2025, entre Auxerre (Yonne) et Laroche-Migennes (Yonne) ; le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté a acquis trois TER hydrogène de la gamme Regiolis à Alstom.
En 2021, Alstom s’est aussi considérablement renforcé dans ce domaine, en faisant l’acquisition d’Helion Hydrogen Power, basée à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Cette ancienne filiale d’Areva énergies renouvelables est spécialisée dans les piles à combustible. La société se nomme dorénavant Alstom hydrogen SAS. « Avec cette acquisition, Alstom (…) enrichit son portefeuille de solutions innovantes et compétitives », relevait le groupe à l’époque de l’acquisition.
Si le dossier hydrogène est bien avancé dans le transport de passagers, il n’a pas atteint le même niveau de maturité dans le fret. Et Alstom cultive sur ce dossier une certaine discrétion ; il ne veut pas encore communiquer. En juillet, le feu vert de la Commission européenne pour une aide de l’État de 247 millions d’euros dans le cadre du projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) doit permettre de poursuivre le développement. Cette enveloppe sera à partager entre Belfort, qui produit des locomotives, intègre les technologies et fournit les données d’entrées au projet, Tarbes, spécialisée sur la chaîne de traction, Aix-en-Provence, dédiée à la pile à combustible, et Saint-Ouen, le siège d’Alstom, comme le dévoilait le gouvernement au printemps.
Un projet de tender hydrogène
Dans ce dossier, Alstom et Engie ont annoncé en avril un partenariat pour développer de puissantes locomotives de fret (lire notre article), chargées de tracter des trains de 2 000 tonnes, propulsées par une pile à combustible. Cette solution, octroyant quelques centaines de kilomètres d’autonomie, permettrait d’alimenter des locomotives électriques dans des secteurs non électrifiés, soit 15 à 20 % d’un trajet selon des études. Mais ce faible pourcentage est aujourd’hui suffisant pour justifier un recours à une locomotive diesel. « L’idée est d’optimiser l’utilisation des locomotives électriques existantes, et quelque part de tuer le diesel, évitant de consommer des millions de litres par an pour le fret », avait déclaré à l’AFP Raphaël Bernardelli, vice-président d’Alstom, lors de cette signature.
À Belfort, on se penche sur la question de l’hydrogène dans les locomotives depuis 2019 apprend-on en interne, avec un rythme un peu plus soutenu depuis dix-huit mois. Le premier dossier doit justement répondre à cette part non électrifiée dans le trajet. C’est le projet HTPG, pour hydrogen tender power generator. Ce programme vise à concevoir un tender sur lequel il y aurait un stockage d’hydrogène et une pile à combustible capable de générer de l’électricité, ainsi que tout le matériel nécessaire au fonctionnement, comme un convertisseur de puissance ou une batterie ; ce wagon sera accroché à la locomotive. Ce projet se dessine comme modulaire, afin d’adapter le tender aux besoins de puissance et de stockage nécessaires au trajet. Le tender pourra être connecté à une locomotive électrique. Si elle est sur un réseau électrifié, elle utilisera son pantographe. Si elle est sur une voie non-électrifiée, elle bénéficiera de l’électricité générée par la pile à combustible.
Adapter la locomotive H4
Le second projet, plus récent, consiste à adapter la locomotive Prima H4, développée pour le réseau suisse SBB. Cette locomotive est aujourd’hui bi-modes, diesel-électrique. La motorisation électrique est assurée grâce à un pantographe. La motorisation diesel permet de rouler sur des voies non électrifiées. Le moteur diesel engage un alternateur qui produit de l’électricité pour entraîner la chaîne de traction. Le projet d’Alstom consiste justement à remplacer ce couple diesel-alternateur par une pile à combustible.
Ces deux projets sont complémentaires. Le premier accroît la capacité de projection des locomotives électriques, même sur des voies non électrifiées, alors que le second vise à proposer aux clients une alternative pour décarboner un parc composé de locomotives diesel.
Au printemps, lors de la signature du partenariat d’Alstom avec Engie, on évoquait une mise en service pour fin 2025. La SNCF promet la fin du diesel en 2035. Ce déploiement s’inscrit aussi dans un besoin de renouvellement important des locomotives de manœuvre en France, dont le parc est vieillissant.
- Cet article a été initialement publié dans le hors-série dédié à la filière hydrogène, publié par Le Trois, en novembre 2022 (7,5 euros ; à commander à redaction@letrois.info)