Plus de 150 salariés de la branche nucléaire de General Electric à Belfort ont empêché le départ, ce jeudi matin, d’un convoi exceptionnel transportant un rotor de turbine à vapeur, destiné à la centrale nucléaire d’Hinkley Point C, en Angleterre. Après l’avoir fait reculer, ils ont installé leur campement pour bloquer l’accès du site. Les salariés veulent transformer le plan social en gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC).
Plus de 150 salariés de la branche nucléaire de General Electric à Belfort ont empêché le départ, ce jeudi matin, d’un convoi exceptionnel transportant un rotor de turbine à vapeur, destiné à la centrale nucléaire d’Hinkley Point C, en Angleterre. Après l’avoir fait reculer, ils ont installé leur campement pour bloquer l’accès au site. Les salariés veulent transformer le plan social en gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC).
Cela devait être un simple accompagnement d’un fleuron technologique de General Electric : l’accompagnement d’un rotor de turbine à vapeur de 250 tonnes, destiné à la centrale nucléaire d’Hinkley Point C, en Angleterre. Un élément de la fameuse turbine Arabelle. « Un moment symbolique », scande au micro Laurent Humbert, délégué syndical CFE-CGC.
Près de 200 salariés de l’entité nucléaire ont finalement empêché le départ, à l’heure, du convoi. Le refus de Bruno Le Maire d’organiser une table ronde les a profondément déçus (notre article). Alors que la manifestation se dispersait, le convoi exceptionnel a tenté d’avancer. Une poignée de salariés s’est alors allongée sur la chaussée pour le bloquer, à la mi-journée. Dans l’après-midi, des barnums ont été installés et des roulements mis en place pour organiser le piquet de grève, au moins jusqu’à vendredi matin. « On s’organise pour maintenir le blocage », confirme Laurent Humbert. L’image est forte. Et plutôt rare. Ce sont des cadres et des techniciens qui tiennent le piquet. Laurent Santoire, de la CGT, appelle de ses vœux « une mobilisation suffisamment forte pour casser le mur du refus ! »
Près de 200 salariés de @generalelectric de la branche nucléaire de Belfort bloquent la sortie d’un rotor de turbine Arabelle destiné à la centrale nucléaire d’Hinkley Point C en Angleterre. pic.twitter.com/zVXbZwyoLS
— Le Trois (@letrois_info) April 29, 2021
Changer le plan en GPEC
Si le courrier de Bruno Le Maire a profondément agacé, les organisations syndicales ne rejettent pas tout. Elles gardent notamment de sa missive sa position quant à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Elle pourrait « au côté de mesures d’âge, contribuer à la construction d’un plan équilibré entre le besoin d’évolution des activités et l’enjeu essentiel de préservation des compétences clés », écrit le ministre de l’Économie. La GPEC présente « tous les avantages », estime Christian Mougenot, de la CFDT. Selon le délégué syndical, elle permet d’éviter les départs contraints et de conserver les compétences en interne, « pour assurer l’avenir ». « Elle permet aussi de coller au profil du repreneur », insiste Christian Mougenot, relevant que « notre avenir n’est probablement pas avec General Electric ». « C’est un argument pour arrêter ces suppressions brutales, insensées et chères », ajoute-t-il. Selon lui, 45 millions d’euros sont budgétisés pour ce plan.
Ces compétences permettent de concevoir et d’intégrer « la meilleure turbine à vapeur du monde », rappelle Olivier Morvan, de la CFE-CGC, responsable de la formation client ; il leur explique comment fonctionnent les éléments de l’îlot conventionnel (turbine, alternateur). Par sa conception et ses caractéristiques, la turbine Arabelle génère un gain de 10 % de puissance supplémentaires par rapport à ses concurrentes insiste Olivier Morvan, intarissable sur le sujet. Elle fournit donc 10 % d’électricité en plus, « ce qui peut changer la rentabilité de la centrale », ajoute-t-il, alors que le coût de ces équipements, au regard du coût total de la centrale, est « modeste », glisse-t-il. C’est la turbine Arabelle qui valorise la vapeur issue de la réaction nucléaire du réacteur insiste Olivier Morvan.
Piquet de grève et couvre-feu
Les organisations syndicales peuvent-elles installer un piquet de grève alors que le territoire national est soumis à un couvre-feu, dès 19 h. « Le couvre-feu concerne l’espace public, indique la préfecture du Territoire de Belfort. Pas l’espace privé dans l’enceinte de GE. » Les salariés ont installé leur campement à l’entrée du site. « Dès lors qu’une action revendicative est déclarée, elle est autorisée au titre du droit de manifester, qu’il s’agisse d’un cortège mobile ou d’une manifestation statique, ajoute la préfecture. Nous rappelons néanmoins que ces manifestations doivent se dérouler dans le respect des gestes barrières, en particulier avec le port du masque. »
Les salariés de la branche nucléaire de @generalelectric de #Belfort font reculer le départ d’un rotor de turbine à vapeur qui devait partir aujourd’hui en Angleterre, à #HinkleyPointC . Ils disent non aux 144 suppressions de poste encore ciblées pic.twitter.com/2U95SAAwj2
— Le Trois (@letrois_info) April 29, 2021
« Inacceptable » selon GE
Frédéric Wiscart, patron de la branche nucléaire et charbon, a été sollicité par l’intersyndicale CFE-CGC, CGT, CFDT et Sud. À la mi-journée, il a accepté de rencontrer les organisations syndicales si elles laissaient partir le convoi, pour évoquer cette GPEC. Le blocage a été maintenu. « Nous parlons de cette GPEC depuis le mois de décembre », s’insurge Laurent Humbert, qui émet donc quelques doutes sur l’écoute du jour. Les cadres et techniciens montent d’un ton et accentuent la pression, alors que deux réunions finales sont programmées mardi et mercredi. « On est censé (il met des guillemets, NDLR) finaliser le nombre de suppressions de postes et les conditions de départ », relève Laurent Humbert. Et les organisations syndicales de rappeler qu’il est nécessaire de « maintenir » la pression pour « négocier jusqu’à la dernière minute ».
« Nous respectons le droit des employés à manifester, déclare General Electric dans un communiqué, avant d’ajouer : Toutefois, ce blocage de la sortie de matériel du site de Belfort aujourd’hui (jeudi, NDLR) est inacceptable. Ce blocage a retardé le travail réalisé par les employés du site et porte atteinte à notre capacité à livrer nos clients. » Laurent Humbert relève que le retard d’acheminement du rotor ne « les embête pas vraiment ». L’équipement sera stocké en Angleterre. Les équipes n’auront réellement accès au site de la centrale qu’en 2022, précise-t-il, pour installer la turbine. General Electric rappelle une nouvelle fois que les discussions ont permis de préserver 94 postes sur les 238 initialement menacés.