Les salariés de l’entité turbines à gaz de General Electric ont réussi ce lundi matin à empêcher la tenue de la première réunion lançant le plan de suppressions de postes. Reportage.
Les salariés de l’entité turbines à gaz de General Electric ont réussi ce lundi matin à empêcher la tenue de la première réunion lançant le plan de suppressions de postes. Reportage.
« C’était la première bataille et on l’a gagnée ! » Francis Fontana, délégué syndical Sud Industrie, crie sa satisfaction au micro, dans le hall du bâtiment 66, de General Electric, rue de la Découverte, à Belfort. Il est 9 h 06. La direction vient de rebrousser chemin, sous les huées. Elle n’a pas tenté de rentrer dans la salle du comité social et économique où devait se tenir la première réunion lançant le processus du plan de suppressions d’emplois. Face à elle, dans le hall, entre 800 et 1 500 salariés étaient rassemblés. Et devant la porte de la salle, un groupe de personnes empêchait l’accès. La réunion ne s’est donc pas tenue. L’échéance est repoussée.
« On va les faire plier »
Dix minutes avant, l’intersyndicale avait donc rassemblé dans le bâtiment près d’un millier de personnes. Certains venaient de Chonas, dans l’Isère, dont le site va fermer. D’autres venaient de l’unité de Bourogne. « Aujourd’hui, c’est la première bataille. On voit qu’on a des armes, que vous êtes avec nous », déclarait depuis une passerelle Philippe Petitcolin, délégué syndical CFE-CGC. Il harangue la foule et lui dit combien il est important que cette réunion n’ait pas lieu. « Vous êtes là pour dire stop ! » Il insiste sur l’illégalité du plan social. D’une part car les modalités de l’accord signé en 2014 entre l’État français et General Electric ne sont pas respectées. D’autre part car selon l’intersyndicale, la suppression d’emplois ne doit intervenir qu’en dernier ressort, lorsque toutes les options ont été étudiées et tentées. Notamment celles du reclassement ou de la diversification. « On va les faire plier », insiste Philippe Petitcolin à la fin de sa prise de parole.
Une lettre ouverte au président
L’intersyndicale a publié, ce lundi midi, une lettre ouverte (à retrouver ci-dessous) au président de la République et en « appelle solennellement » à son intervention. Un document de trois pages, signé par les représentants du comité social et économique de l’entité turbines à gaz de General Electric. Elle lui demande de faire respecter les engagements fixés dans l’accord de 2014, en contrepartie du rachat de la branche énergie d’Alstom. Elle demande également de faire « abandonner le projet de délocalisations et de suppressions d’emplois », ainsi « qu’à s’engager en termes d’investissements et de création d’emplois sur les axes de diversifications (après-vente, turbines à gaz, aviation, hydrogène, nucléaire) proposés par l’intersyndicale depuis près d’un an ». La lettre ouverte précise que si le chef de l’État ne bouge pas, elle sera contrainte « d’envisager également, d’une façon ou d’une autre, la mise en cause de la responsabilité de l’État ». Elle conclut sa lettre en rappelant sa confiance dans les institutions mais rappelle l’urgence de la situation.
Il est 9 h. La direction entre dans le hall pour se rendre à la réunion d’information-consultation. Des salariés empêchent l’accès à la salle. L’intersyndicale descend à leur rencontre et leur répète leur position. Le face à face est tendu. Le but de la réunion est « d’avoir un débat serein et constructif », a regretté Antoine Peyratout, directeur général à Belfort des turbines à gaz. « Nous allons re-convoquer une réunion dans les prochains jours », a-t-il annoncé, alors que les huées résonnaient dans le hall. Cette attitude et ce discours est provocateur estime plusieurs élus syndicaux, qui critiquent les nouvelles procédures d’information-consultation dans lesquelles les syndicats ne peuvent que discuter. « Les ordonnances protègent beaucoup plus les entreprises », souffle un salarié encarté à Sud Industrie. Il est 9 h 06. La direction tourne les talons.
Plus de 50 % des effectifs
L’intersyndicale a repris ensuite la parole pour continuer de mobiliser ses troupes. Francis Fontana a dénoncé « les voyous ». Cyril Caritey (CGT), a rappelé le sens du combat : « Pour nos enfants et les générations futures. » Les applaudissements s’intensifient. « Il faut que l’État prenne la mesure de ce qui se passe », a déclaré Francis Fontana. « La balle est dans son camp », a embrayé Philippe Petitcolin. « Tout le monde a bien conscience que ce serait une catastrophe pour le territoire. Ce plan est injuste et injustifié », a aussi déclaré Francis Fontana. « Il (Emmanuel Macron, NDLR) doit prendre des engagements sur l’avenir industriel en France, sinon on va compter les points, a tancé de son côté Cyril Caritey, aux journalistes l’interrogeant après l’assemblée générale. Les gens ont vraiment envie de conserver leur outil de travail. »
L’intersyndicale ne s’attendait pas forcément à cette affluence. Et elle a apprécié la dignité et le calme des salariés, alors que la situation est vraiment difficile. Près de 1 000 personnes, sur environ 1 900 salariés que compte l’entité turbines à gaz à Belfort étaient présentes. « Et sur près de 1 400 personnes mobilisables », estime un syndicat, qui soustrait les personnes attachées à la direction, les contrats courts, les personnes en déplacement et celles qui sont absentes. « C’était la première bataille, rappelle Philippe Petitcolin. Il y en a une autre samedi (à l’occasion de la manifestation citoyenne, NDLR). Il faut que l’on parle [de Belfort] dans le monde entier. »