Nouvelle étape dans le plan social qui agite l’entité turbines à agz à General Electric, à Belfort. La direction a remis ce vendredi à la Direccte les éléments du plan. Un accords a été trouvé entre elle, la CFE-CGC et Sud sur les mesures d’accompagnements.
Nouvelle étape dans le plan social qui agite l’entité turbines à gaz à General Electric, à Belfort. La direction a remis ce vendredi à la Direccte les éléments du plan. Un accord a été trouvé entre elle, la CFE-CGC et Sud sur les mesures d’accompagnement. Sans surprise, les représentants du personnel émettent aussi un avis défavorable sur les raisons de ce plan. Et l’avenir n’est toujours pas garanti. Les négociations vont encore être serrées. Décryptage.
Le dossier de General Electric avait un peu disparu des radars. Depuis six semaines, les négociations ont été menées de manière intensive et discrète entre la direction et les représentants du personnel. Elles portaient particulièrement sur les mesures d’accompagnement dans le cadre du plan de réduction des effectifs. Des effectifs qui devront être de 1 275 salariés fin 2020.
« Un accord sur les conditions de départs a été signé par les syndicats CFE-CGC et SUD mardi 26 novembre au soir », précisent les deux syndicats signataires dans un communiqué. Ce que confirme au Trois la direction, jointe ce jeudi. « C’est un accord défensif qui limite l’impact du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) mais qui reste insatisfaisant puisqu’il comporte encore des suppressions d’emplois », poursuivent les deux syndicats dans un tract distribué aux salariés ce vendredi matin. « Durant ces négociations, notre but a été un plan sans départ contraint, et nous avons bataillé pour que les mesures d’accompagnement favorisent au maximum les départs volontaires », poursuivent-ils. Une vision partagée par la direction, via un porte-parole.
Les syndicats estiment que les mesures d’accompagnement sont satisfaisantes. Rien n’est définitif, car la direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi (Direccte) étudie depuis ce vendredi le dossier et la procédure. Compte tenu de l’accord majoritaire signé sur les mesures d’accompagnement, elle a 15 jours pour homologuer le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Selon nos informations, les négociations ont notamment porté sur des délais important pour prétendre à un départ en pré-retraite et sur les primes d’accompagnement.
300 départs avant le 31 mars
Une première vague de départs volontaires est ouverte du 6 janvier au 31 mars. L’objectif est d’arriver à un effectif de 1 400 salariés. Un important travail a également été mené sur la définition des catégories professionnelles. Un détail technique qui a son importance dans la mise en œuvre du plan. Car aujourd’hui, « quelqu’un qui n’est pas concerné par le plan peut, s’il le veut, partir, à la condition qu’une personne concernée par le plan puisse reprendre son poste », explique Philippe Petitcolin, de la CFE-CGC, joint par téléphone. En garantissant des familles professionnelles plus large, on ouvre des possibilités de transferts, par exemple entre les équipes achats et les équipes approvisionnements. Ce qui n’est normalement pas le cas.
Au cours du premier semestre 2020, les partenaires sociaux et la direction vont également négocier deux choses : une gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC), un document qui projette les futurs besoins en emplois ; et le projet industriel de Belfort. Le cœur de la négociation se situe dans ces échanges. Car ce projet industriel est l’un des éléments obtenus par l’intersyndicale, au mois d’octobre, pour venir à la table des négociations. L’un des objectifs sera de diminuer la deuxième vague de suppressions de postes, en montrant que la reprise du marché nécessite de conserver des emplois.
La seconde période de départs volontaires est ouverte en septembre et en octobre 2020 ; selon le modèle actuel, cela implique 125 nouveaux départs, afin de passer de 1 400 salariés à 1 275. Si elle n’est pas assez satisfaisante, s’ouvrira une période de reclassement interne. Et si besoin est, il y aura des licenciements secs, ce que souhaitent éviter les syndicats. « Si nous devons en arriver là, les premières lettres de licenciement seraient envoyées le 1er décembre 2020 », explique Philippe Petitcolin. Sud et la CFE-CGC ne perdent pas espoir de pouvoir infléchir cette deuxième vague. Sans certitudes.
Un avis négatif sur le plan social
En parallèle de l’accord sur les mesures d’accompagnement signé entre la direction et les syndicats Sud et CFE-CGC, le comité social et économique (CSE) de l’entité turbines à gaz de General Electric a remis un avis sur le plan social, joint au dossier déposé à la direccte. Sans surprise, cet avis est négatif. Il reprend les griefs formulés depuis le 28 mai, date initiale d’annonce du plan social. À l’époque, on dénonçait des effectifs passant sous un seuil critique, la perte de compétences et de savoir-faire, des délocalisations massives d’activités, l’absence de décideurs, et l’absence de projet d’entreprise avec un périmètre d’activités clair pour GEEPF. Certains éléments sont toujours valables. « Leur projet est basé sur un marché qui baisse », rappelle également Philippe Petitcolin. Pourtant, les perspectives sont là. La direction estimait les commandes totales mondiales de turbines à gaz 50 Hz entre 25 et 30 GW pour 2019. Les dernières estimations évoquent des commandes à 34 GW. « Nous serons aussi toujours en déficit tant qu’il n’y a pas de changement sur les règles des prix de transfert », tance Philippe Petitcolin. Des achats de brevet entre filiales du géant américain qui entament fortement la rentabilité de la production belfortaine. « Cette stratégie décidée par le groupe conduit à un déficit qui est structurellement délibéré. Tout ceci sans compter la délocalisation massive d’activités et la désorganisation du business », regrettent Sud et la CFE-CGC dans le communiqué de presse évoquant cet avis.
Rien n’est gagné
« La direction de GE n’apporte aucune garantie sur les compétences qui seront maintenues et par là, sur le projet industriel qui doit permettre à GEEPF d’être centre d’excellence 50 Hz », constate de son côté la CGT dans un communiqué, faisant écho aux inquiétudes de Sud et de la CFE-CGC. « Ce que nous comprenons, confie un autre syndicaliste, c’est que les Américains n’ont pas aimé devoir lâcher des emplois au mois d’octobre. » Ils tiennent mordicus à ramener les effectifs à 1 275 postes et au plan de réduction des coûts de 12 millions d’euros, sans concéder de nouvelles concessions. « Nous n’avons pas non plus la garantie d’un dirigeant à Belfort », souffle un autre syndicaliste. « L’avenir sera [donc] très dépendant de la capacité de la direction de GEEPF à peser sur les décisions potentiellement délétères du groupe et à remotiver les salariés dans un projet industriel d’avenir », annonce, à ce titre, le communiqué de presse de Sud et de la CFE-CGC, envoyé aux rédactions ce vendredi matin. Des points trimestriels sont programmés en 2020 avec le gouvernement pour suivre le dossier. S’il y a un problème, la procédure juridique peut être relancée confie-t-on auprès de Sud et de la CFE-CGC. L’accord de 2014 reste un maître-étalon dans ces négociations.
« Nous avons sauvé 307 postes, mais nous n’avons toujours pas de garanties sur l’avenir du site, constate finalement Philippe Petitcolin, avant de résumer : Nous nous sommes occupés de ceux qui partent. Maintenant, nous nous occupons de ceux qui restent. » Jusqu’au 20 décembre, direction et partenaires sociaux vont négocier autour du plan de 12 millions d’euros d’économie. Ils vont également cadrer les négociations du projet industriel, qui animeront le premier semestre 2020. Et qui doit donner ou non des perspectives d’avenir à Belfort.
Polémique sur les chiffres
Depuis le début des négociations, la CGT intervient comme un électron libre, dans une volonté de « ne pas donner de chèque en blanc à la direction », comme elle l’avait déclaré dans nos colonnes. Elle multiplie les actions pour mettre la pression, notamment vis-à-vis des négociations qui concernent le plan de 12 millions d’euros d’économie. Mardi, peu avant la signature d’un accord entre la direction et les syndicats SUD et CFE-CGC, elle a publié un communiqué pour évoquer « une manipulation des chiffres ». « Ce n’est plus 307 emplois qui seraient sauvés des 792 suppressions initialement prévues mais 245 emplois », déclare le syndicat. D’où vient cette interprétation ? Le plan social a défini comme effectif de référence celui du 30 avril 2019. Il y avait alors 1 760 salariés à GE EPF et 44 postes vacants. Au mois d’octobre, General Electric a accepté de porter l’effectif final à 1 275. Par rapport à l’effectif du 30 avril, cela correspond à la suppression de 485 emplois, contre les 792 annoncés le 28 mai, soit 307 emplois sauvegardés. Au mois de mai, lors de la première annonce, l’effectif final devait atteindre 996 salariés, car 28 postes devaient aussi être créés. Or, depuis l’annonce du plan, près de 60 personnes ont déjà quitté l’entité turbine à gaz. Ils sont donc décomptés des 307 emplois sauvegardés. Mais on doit toujours arriver à 1 275 employés à la fin. Cette différence d’interprétation des chiffres réside surtout dans l’approche : parle-t-on de postes ou d’emplois ? Et surtout, ce qu’il faut regarder, c’est le chiffre final à atteindre.