La direction de General Electric Hydro France devait présenter son plan de restructuration aux salariés, à l’Atria, ce lundi. L’évènement a tourné court. Les salariés ont exprimé leur colère. Et l’ont manifestée en centre-ville. Ils sont écœurés. L’incompréhension est forte face à ce nouveau sacrifice de compétences. Reportage.
La direction de General Electric Hydro France devait présenter son plan de restructuration aux salariés, à l’Atria, ce lundi. L’évènement a tourné court. Les salariés ont exprimé leur colère. Et l’ont manifestée en centre-ville. Ils sont écœurés. L’incompréhension est forte face à ce nouveau sacrifice de compétences. Reportage.
« Belfort doit se remettre en question ! » Cette phrase, prononcée par Jean-Michel Milles, responsable Engineering de General Electric Hydro, a fait l’effet d’une bombe. En début d’après-midi, la direction de General Electric Hydro France présentait aux salariés de l’entité belfortaine les contours du plan social, au centre des congrès Atria, à Belfort. Un plan social qui scelle le sort d’Hydro à Belfort. Aucun poste n’est conservé. 89 disparaissent. Mais quand les salariés ont entendu cette invective, qui nous a été rapportée, ils se sont levés comme un seul homme. Outrés. Dégoutés.
« Depuis des années, on nous dit que nous sommes une petite structure à l’efficacité opérationnelle », remarque Sébastien Marpeaux, un acheteur. Et aujourd’hui, elle serait le problème. La pilule ne passe pas. On supprime « les premiers de cordée », s’étonne le salarié. Si quelques salariés sont restés pour poser des questions, les réponses ont été plutôt floues. « Ils nous ont présentés ce qu’il va se passer, sans entrer dans les détails », regrette la déléguée syndicale CFE-CGC. Quand des précisions sont demandées, on invoque le cadre légal de la procédure.
« On attend des justifications »
À 14 h 45, les salariés reviennent dans la salle. Ils poussent la direction à sortir. « Barrez-vous ! » entend-t-on résonner. La Marseillaise est aussi chantée. L’équipe de la direction sort sous les huées. Sans vouloir répondre aux questions. « Nous avons un service com qui fait ça très bien », glisse Nicolas Serrie, président de GE Hydro France en sortant de l’Atria. Justement, le service communication, que dit-il ? « Dans un contexte de marché particulièrement difficile, nous avons ouvert la semaine dernière une procédure d’information-consultation avec les instances représentatives du personnel de GE Hydro Solutions, concernant un projet de simplification de nos activités en France et de renforcement du site de Grenoble », écrit le communiqué de presse de la direction. “Le bla-bla habituel”, s’emporte un salarié pour critiquer ces éléments de langage répétés par la direction. “Des moutons”, balance un autre.
« Mais il n’y a rien qui dit qu’on sera meilleurs », s’étonne Émilie Bader, après avoir posé des questions au sujet de ce « renforcement » de Grenoble. « On attend des justifications techniques et financières, mais rien », critique pour sa part Sébastien. Du côté de la direction, on évoque la recherche de « meilleures performances économiques et financières ». On pointe du doigt une « concurrence des autres énergies renouvelables » et « une pression très forte sur les prix ». Mais pas plus de détails.
Délocalisation
Le choix est pris de délocaliser les activités d’engineering de Belfort, tournées sur l’alternateur, vers la Chine et l’Inde. « C’est écrit noir sur blanc », confie la déléguée syndicale CFE-CGC. Pourtant, ces équipes, « on les materne à longueur de journée », souffle Sébastien Marpeaux. Allez comprendre la logique. « Chaque réorganisation a été un recul », poursuit-il. « On licencie avant et on réfléchit après », dénonce pour sa part Julien Fontanive, délégué syndical CFDT. « Il n’y a pas de cohérence, c’est une logique purement financière », critique-t-il.
L’organisation du géant américain est pointé du doigt. Il y a une dizaine d’années, « nous étions n°1 mondial », se souvient Sébastien, un salarié. L’entité Hydro appartenait encore à Alstom power. À l’époque, l’entité belfortaine pouvait assurer 4 projets complets par an, que ce soit des projets neufs ou de réhabilitation. Aujourd’hui, c’est le volume enregistré à l’échelle mondiale. « On a perdu en efficacité », souffle Sébastien. « Quand je suis arrivé en 2014, c’était presque une PME, confie Stéphane. C’est le jour et la nuit. » À Belfort, certains ont un chef Indien. D’autres, un Américain. Parfois, un chef en France, à Grenoble. Pas simple de s’y retrouver. Un discours que l’on a déjà entendu il y a un an… En parallèle, les effectifs sont grattés. « En cinq ans, nous sommes passés de 12 à 3 acheteurs », dénonce Eddy. Et pourtant, « le volume a été multiplié par 2 », poursuit-il. « Il n’y a pas de place à la contre-proposition ou à la critique positive », se plaint un autre salariés.
Bras de fer ?
Ce mardi se tient une réunion pour discuter l’accord de méthode, qui doit déterminer le cadre des discussions. Les représentants du personnel ne savent pas encore s’ils vont y assister. Entame-t-on un bras de fer avec la direction ? Elle ne semble pas disposer à réduire la voilure du plan, seulement à évoquer « la taille du chèque » ou « les modalités d’accompagnement des mobilités vers Grenoble », dénonce Émilie Bader. « Ils se moquent de nous », tance un salarié, qui rappelle que le terrain a été préparé depuis le déput de l’année, en baissant la charge du travail d’engineering. Selon nos informations, aujourd’hui, le chèque de départ est réduit à la protion congrue. Les indemnités légales, plus 3 mois de salaire. On taille aussi dans les effectifs, alors que le p-dg de General Electric, Larry Culp, vient d’être reconduit à son poste et qu’il pourra prétendre à une prime de 230 millions de dollars en 2024 s’il atteint ses objectifs financiers. Le goût est amer à Belfort.
Sur le parvis du centre des congrès de l’Atria, les salariés, près de 70, déroulent des banderoles. « GE tue l’hydro », peut-on lire sur l’une. « GE Hydro Belfort doit vivre », peut-on lire sur l’autre. Puis une, plus grande, où l’on remercie, ironiquement, Jérôme Pécresse, le p-dg de GE Renewable, maison-mère de GE Hydro. Les salariés ont ensuite constitué un cortège. Ils sont allés à la préfecture, puis à la mairie de Belfort, où Damien Meslot a reçu une délégation. Des motions devraient être présentées en conseil municipal et en conseil d’agglomération. La rencontre avec Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a été reportée car le ministre est positif au virus responsable de la covid-19. Le maire a assuré vouloir appuyer de tout son poids pour aider les salariés. « Plus on en parle, plus ça dérange General Electric », a-t-il déclaré auprès des salariés. « Il faut que Hydro soit la goutte d’eau qui fasse déborder le vase ! » a conclu Sébastien Marpeaux. L’appel est lancé.