Le Trois –

Frédéric Robischung : « Les contrats aidés ne remplacent pas la pénurie d’aides-soignantes »

Frédéric Robischung, directeur de la résidence Vauban EC

Au coeur de l’été, l’agence régionale de santé (ARS) alertait sur les tensions importantes en matière de personnel au sein des Ehpad. Pour y remédier, elle a lancé le dispositif “Un Ehpad, un contrat aidé” (1). Frédéric Robischung, directeur de la résidence vauban, EHPAD Pompidou, analyse les causes et les effets de ce nouveau dispositif.

Au coeur de l’été, l’agence régionale de santé (ARS) alertait sur les tensions importantes en matière de personnel au sein des Ehpad. Pour y remédier, elle a lancé le dispositif “Un Ehpad, un contrat aidé” (1). Frédéric Robischung, directeur de la résidence vauban, EHPAD Pompidou, analyse les causes et les effets de ce nouveau dispositif.

Accueillez-vous de manière positive le dispositif ? Est-ce une bonne chose ?

Frédéric Robischung – Pour le moment, nous n’avons pas encore accueilli quelqu’un avec le dispositif à la résidence Vauban et à la résidence Pierre Bonnef. A la Rosemontoise, ils ont recruté quelqu’un. Nous on va y rentrer à l’automne. Il y a des aspects très positifs. Les contrats aidés, c’est toujours la cerise sur le gâteau. On propose à nos résidents un service que nos soignants n’ont pas toujours le temps de proposer. Ils sont là pour des missions non qualifiantes : animation et surtout beaucoup de relationnel. On le voit l’été avec les emplois canicules mis en place par le Département. En juillet, août, quelqu’un vient dans chaque établissement pour les inciter à boire, pour les informer sur la prévention. Le retour qu’on a de ces contrats, c’est que les résidents attendent un échange. Nos soignants essayent d’entretenir ces moments-là, mais ils doivent assurer les soins. Donc ces moments sont très brefs. Ces contrats représentent ces 5 minutes où ils parlent de tout et de rien et surtout pas de la toilette, des médicaments ou du soin, ça leur fait beaucoup de bien. Ces contrats aidés, c’est des bras. Des aides au déplacement, au repas, épauler les animatrices. Ca libère du temps pour que les salariés diplômés soient dans leur cœur de métier.

Quel coût cela représente pour vous ?

FR Financièrement, ça représente 4 000 euros sur 12 mois. Ce n’est pas grand-chose. Mais le problème, c’est le long terme. Ce besoin créé : on ne pourra plus l’enlever. On le voit bien quand les emplois d’étés partent. On a des retours des résidents là-dessus, ils sont peinés de ne plus les voir. L’essentiel du bonheur dans le quotidien de nos résidents, c’est ces moments de partage et pas le soin. Donc, quand on va recruter ces contrats aidés, on va créer un besoin. On sait d’avancer qu’on devra les garder.On ne peut pas dire à nos résidents que c’est terminé après avoir bénéficié d’un service pendant 6 ou 18 mois. En finalité, ces contrats, on les garde la plupart du temps. Le problème, c’est que ces personnes devront être payées intégralement à nos frais par la suite. Les familles de nos résidents se plaignent déjà du prix de nos établissements, donc embaucher des personnes pour l’animation et le relationnel, ça pose des problèmes d’élévation du coût. Cela pose aussi des vraies questions d’organisation. On parle de jeunes au RSA, des jeunes des quartiers prioritaires : ça suppose un tutorat important au début pour refixer des bases. Arriver à l’heure, leur apprendre les bases du savoir vivre. On trouve des belles personnes, des gens qui ont envie de s’en sortir, qui ont eu un parcours familial difficile : ça peut leur être positif. Mais il faut du temps à nos équipes pour les former et ce temps-là, ils ne l’ont pas toujours.

Vous parlez de « créer un besoin » avec les contrats aidés, c’est-à-dire qu’il n’y en avait pas besoin de base ? Le communiqué de l’ARS, annonçant le dispositif, évoquait cette aide comme un besoin de votre part et pas seulement un plus ?

FR  Cette aide, pilotée par l’ARS de Bourgogne Franche-Comté répond à notre demande de renfort. Mais la tension se situe dans le manque d’aides-soignantes depuis 2 ans. Les contrats aidés sont une bonne chose, mais ils ne viennent pas remplacer ceux qui soignent. Et pour nous, c’est là que réside la grande tension. Ces contrats ont été créés pour nous soulager et c’est une bonne chose. Mais il ne règle pas le problème initial : la pénurie en termes de soignants. On a l’impression que ces contrats aidés sont recrutés pour nous aider sur la partie soin. Mais les contrats aidés, ce sont des gens non qualifiés. Le problème, c’est qu’effectivement, sur le marché en ce moment, des aides-soignantes, on n’en a pas ! Sur le site Claude Bonnef, il y a 2 posts ouverts et aussi 6 à 7 postes ouverts à la Rosemontoise. Il y a 24 mois, il y avait 50 postes ouverts. Depuis l’an dernier, on essaye de remédier à ça avec des contrats d’apprentissages. On embauche les apprentis diplômés, qui ont des qualifications. Les contrats aidés, il n’y a pas de validation des acquis de l’expérience. On a besoin d’avoir des soins de qualité, donc des personnes qualifiées. On tire la sonnette d’alarme sur cette pénurie de soignant. Le covid a fait que certains ont quitté le métier. Le positif, c’est que les contrats aidés peuvent permettre de libérer du temps à nos soignants une fois qu’ils sont autonomes, donc ils aident d’une certaine manière. Ils soulageront les soignants car la plupart de nos résidents deviennent ou sont dépendants et nous devons beaucoup les aider sur la partie administrative. Ces contrats vont permettent de les assister sur les tâches du quotidien.

La pénurie de soignant dans les EHPAD a-t-elle démarrée avec le Covid ?

FR Elle date déjà d’il y a deux, trois ans, mais ça s’est vraiment accentué avec le covid. La vaccination n’a pas fait changée drastiquement les choses. Ceux qui devaient partir sont partis avant. Dans l’ensemble, c’est vraiment le covid qui a creusé les choses. Quand on passe une annonce pour recruter une aide-soignante, si on a deux personnes qui candidatent : on est contents. Le problème, c’est que d’ici 3 à 4 ans, nous allons rentrer dans des soins sur des personnes du 4ème âge presque exclusivement. Ça inclut les personnes démentes, les personnes en grande dépendance. Aujourd’hui, au centre Vauban, nos soignants ne sont pas formés pour ça et pourtant, ça arrivera vite et on va avoir besoin de renfort. Le pourquoi du comment, c’est l’ouverture de 3 résidences séniors d’ici 3 à 4 ans à Belfort, rue des capucins, au centre-ville et vers l’étang des forges. Ces résidences représentent 400 logements minimum. La tranche des 70-85 ans préféreront aller là-bas, et ne pas côtoyer la grande dépendance. Les contrats aidés ne changeront pas le problème. Du point de vue de la démense cognitive : on sent qu’on aura besoin de former nos équipes et surtout de l’agrandir et aujourd’hui, ce n’est pas possible avec la pénurie.

  • (1) Les contrats aidés, financés par l’État, permettent à un employeur de bénéficier d’aides de l’Etat et d’un appui à la recherche de candidat. L’aide va de 40% à 80% selon le type de contrat. Un contrat Parcours emploi compétences tout public  (PEC) est pris en charge à 40%, un contrat avec un résident en quartier prioritaire ou en zone rurale : 80%.

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