L’institut national de la statistique et des études économiques (Insee) vient de publier l’évolution de l’emplois salarié, par département, entre le 4e trimestre 2019 et le 2e trimestre 2021. L’idée est de mesurer les effets de la crise. Et la plus forte chute de l’emploi salarié est enregistrée dans le Territoire de Belfort. Analyse de la situation avec le géographe Laurent Chalard, qui s’est étonné des anomalies administratives, dont celle du nord Franche-Comté.
L’institut national de la statistique et des études économiques (Insee) vient de publier l’évolution de l’emplois salarié, par département, entre le 4e trimestre 2019 et le 2e trimestre 2021. L’idée est de mesurer les effets de la crise. Et la plus forte chute de l’emploi salarié est enregistrée dans le Territoire de Belfort. Analyse de la situation avec le géographe Laurent Chalard, qui s’est étonné des anomalies administratives, dont celle du nord Franche-Comté.
Entre le 4e trimestre 2010 et le 4e trimestre 2019, juste avant la crise, on enregistre une croissance de l’emploi salarié de 4,9 % en France. « Les plus fortes croissances, observe Laurent Chalard, géographe et membre du Think tank European Centre for International Affairs, sont essentiellement dans les départements qui abritent de grandes métropoles. » Il cite Lyon, Bordeaux, Toulouse. C’est un phénomène « d’hyper-métropolisation ». Inversement, constate-t-il, on observe à l’occasion de cette décennie un décrochage de l’emploi salarié dans de nombreux départements ruraux et de tradition industrielle. Un département comme celui des Ardennes accuse par exemple une chute supérieure à 8 %. Le Territoire de Belfort enregistre quant à lui une baisse de 3,4 % et le Doubs une baisse de 0,1 %. « Le Territoire de Belfort est déjà dans le bas du tableau, mais ce n’est pas la situation la plus catastrophique », observe le géographe. Onze départements enregistrent des résultats moindres.
Pendant cette période, le phénomène de métropolisation observée à l’échelle nationale ne se décline pas à l’échelle de l’aire urbaine Belfort-Montbéliard. « Si sur le papier, on a la taille d’une petite métropole, avec le tissu économique, dans les faits ce n’est pas le cas », poursuit-il. « Le décrochage de l’emploi dans le Territoire de Belfort est lié à la désindustrialisation qui s’accélère, liée aux différents PSE à General Electric et Alstom », analyse Laurent Chalard. Il rappelle qu’auparavant, la crise de l’emploi dans l’aire urbaine était associée au pays de Montbéliard et au recul de l’emploi à PSA. Dans les années 2010, Belfort est aussi concernée.
« L’un des grands perdants de la crise sanitaire »
Depuis la crise sanitaire, « on constate une modification totale de l’évolution de l’emploi salarié », entre le 4e sanitaire 2019 et 2e trimestre 2021. « Le phénomène d’hyper-métropolisation disparaît ». Parmi les plus fortes baisses, on constate la présence de départements franciliens. Le département de la Haute-Garonne, en forte dynamique lors de la dernière décennie, est aussi inférieur à la dynamique nationale, de + 0,6 %. « Parmi les plus fortes croissances, on constate des départements ruraux, notamment de l’ouest et du sud », relève le géographe. Même la Lozère bénéficie de cette croissance, liée « au phénomène d’exode urbain ». L’arrivée de nouveaux habitants, favorisée par le télétravail, entraine la création de nouveaux emplois dans les territoires.
Mais le département français qui enregistre la plus forte baisse de l’emploi salarié depuis le début de la crise est le Territoire de Belfort, avec – 3,6 %, passant de 50 500 emplois à 48 700. Le Doubs est aussi dans le wagon de queue avec une chute de 1,9 %. En 18 mois, le Territoire de Belfort a perdu autant d’emplois salariés qu’en neuf ans. Le territoire est « sur une mauvaise pente », remarque Laurent Charlard. Il n’a pas bénéficié, lors de la dernière décennie, des dynamiques de métropolisation, ni de l’exode urbain des derniers mois observe le géographe. « C’est lié à la désindustrialisation, mais il y a aussi une perte d’emplois dans le secteur tertiaire marchand et non marchand, donc cela touche tout le monde », analyse le géographe. Cela rejoint la dynamique de perte d’habitants constatée début 2021 (lire notre article). Le fait que le Territoire de Belfort soit l’un des territoires les plus touchés par la crise sanitaire, au printemps 2021, peut expliquer cette tendance. D’autres territoires de l’Est de la France ont aussi cette dynamique baissière depuis 2019, comme le Haut-Rhin, – 1,1 %, la Meuse avec – 1,3 % ou le Doubs, avec – 1,9 %. Cela joue sur l’image du territoire et dans la dynamique d’exode urbain ; on a moins envie d’aller dans les territoires où le virus a beaucoup circulé résume en substance Laurent Chalard.
« La crise n’a pas enclenché la dynamique de déclin, appuie-t-il. Par contre, elle l’accentue, alors que d’autres territoires, c’est l’inverse. » Et de poursuivre : « L’aire urbaine est l’un des grands perdants de la crise sanitaire pour le moment », observe-t-il. Il estime qu’il faut un « électrochoc » chez les élites. « Il y a un phénomène structurel et le risque est l’émergence d’un cercle vicieux », craint-il également. La chute de l’emploi industriel entraîne une chute des habitants et une réduction des commerces. Il invite « à ne pas sous-estimer » ce déclin et à interpeller l’État central avec ces données. Il pointe du doigt le manque de diversification du tissu économique. « Il ne faut pas se concentrer que sur un secteur. L’hydrogène, c’est bien, mais ce n’est pas le seul. » Cette situation lui fait dire qu’il faut surtout « placer » le nord Franche-Comté à l’échelle nationale en lui donnant une identité globale, que ce soit autour de la gouvernance que d’une identité perceptible à l’échelle nationale. Il redit l’importance de construire un territoire à l’échelle du nord Franche-Comté (lire notre article).