« Votre budget ne répond toujours pas aux problématiques écologiques et sociales qui s’imposent à nous.» Cette phrase, c’est Mathilde Regnaud, conseillère municipale d’opposition de gauche, qui l’a prononcée au cours du conseil minicipal de Belfort, lors de la présentation du budget ce lundi 19 décembre. Investissement, dette, augmentations liées aux fluides et aux charges de personnel, maintien des subventions aux associations…En l’espace d’une demi-heure, le budget a été balayé et les principales lignes présentées aux élus (voir l’encadré ci-dessous). Mais cela n’a pas convaincu les oppositions. Pour Mathilde Regnaud, par exemple, le budget manque de vision globale sur l’avenir. Elle met en perspective une étude de l’Insee, qui envisage pour 2040 une baisse de la population de 23 000 habitants pour la ville de Belfort. « Quelles conséquences pour les finances communales et les services publics ? », s’est-elle interrogée.
Elle déplore que la politique actuelle ne soit « qu’une politique de gestion courante, de réponses ponctuelles et insuffisantes » et non une politique capable de répondre aux « grands enjeux ». Qui sont pour son groupe : l’environnement, la justice sociale et la démocratie. « Est-ce qu’une ville où l’on plante des arbres, où l’on lance quelques chantiers de rénovation thermique dans un quartier, où l’on a des éclairages LED, où l’on s’apprête à avoir des bus à hydrogène suffit ? Non, ça ne suffit pas, même si c’est utile.» Elle met en perspective une ville comme Strasbourg, qui s’est fixé un objectif de -40% de consommation énergétique d’ici 2030.
Elle se penche, également, sur la situation sociale de Belfort, qualifiée de « grave », « sans que l’on y trouve de réponses suffisantes dans le projet de budget qui nous est présenté.» Elle met en exergue un taux de pauvreté nettement supérieur à celui des territoires de comparaison. « 25% des Belfortains vivent sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire dans un ménage disposant de moins de 1 102 euros par mois.» Elle en vient aussi sur la santé : « La création de la maison de santé du Techn’hom n’a pas réglé, et de loin, les problèmes d’accès aux soins à Belfort.» `Et « à aucun moment vous ne traitez ces questions dans votre projet de budget.»
La France de Pompidou
De son côté, Bastien Faudot, lui aussi conseiller d’opposition de gauche, a déroulé un discours empreint d’humour, mais pas moins critique. « En réalité, vous tentez de prolonger l’ancien monde, la France de Pompidou, avec des bagnoles et du commerce en périphérie », a-t-il rétorqué au maire de Belfort, Damien Meslot (Les Républicains). Il déplore que le budget actuel, tel qu’il est pensé, ne réponde pas à la crise actuelle. « Pire, à mon sens, il témoigne d’une continuité certaine entre la politique poursuivie au niveau national par M. Macron et celle que vous mettez en œuvre ici à Belfort. »
Premier point : les salaires des agents, qui ne suivent pas l’inflation. Une crise de la dette, qui s’est alourdie de « 45% » sous le mandat de Damien Meslot, selon lui. Il lui reproche, également, de mal cerner les enjeux de la crise énergétique, par son soutien « aveugle » il y a quelques années à la vente d’Alstom à General Electric. Ou encore pour un projet de ferme solidaire qui « émet 5 fois plus de CO2 que le nucléaire et les métaux utilisés pour les cellules photovoltaïques.» Ainsi que les enjeux concernant le commerce de proximité. « Vous avez fait venir Amazon, vous faites venir de l’import de fruits et légumes, et vous avez favorisé le développement des zones périphériques. Plus 21 500 m2 en huit ans.» L’éducation n’est pas en reste : « L’investissement dans les écoles depuis huit ans n’a jamais été aussi faible. En moyenne, moins de 800 euros par an, quand il était de 2 à 3 millions d’euros par an sous vos prédécesseurs. »
Un programme à tenir
Les arguments de l’opposition n’ont pas fait trembler Damien Meslot, qui s’est défendu point par point sur son budget. C’est d’abord son adjoint aux finances, Sébastien Vivot, qui a défendu le projet 2023. « Si je comprends bien, vous nous reprochez de ne pas mettre en oeuvre votre programme, mais celui pour lequel nous avons été élus avec 57% des voix.»
Pour Damien Meslot, les statistiques de l’Insee, avancées par Mathilde Regnaud, ne sont pas toujours fiables. Évoquant l’année 1997, où des prévisions économiques sur deux ans étaient catastrophiques, ce qui avait poussé Jacques Chirac à dissoudre l’Assemblée. « Les deux années qui ont suivi ont été les meilleures en matière de croissance », a-t-il affirmé en riant. Sur le reste, il a reproché à la conseillère Mathilde Régnaud de ne pas avoir de vrais arguments pour faire changer les choses ni même de vision. Après une longue tirade pour lui exposer sa ligne écologique : autour de l’hydrogène, de parc solaire sur l’aéroparc, du verdissement de la ville, d’investissement dans l’eau, il a finalement exposé : « Alors oui, nous n’avons pas la même vision de l’écologie, mais pour le moment, je pense que c’est la nôtre qui est la meilleure.» Il lui reproche aussi d’exposer la situation de Belfort comme « cataclysmique », « alors que Belfort est la 5e ville-préfecture où il fait le mieux vivre pour le pouvoir d’achat.»
Quant à Bastien Faudot, le maire estime que l’élu d’opposition est simplement contre toutes les augmentations et toutes les dépenses. « Avant, il y avait 20 millions de dettes et toutes les zones étaient vides. Maintenant, toutes les zones sont pleines avec des accueils d’entreprises. Cela a nécessité des investissements dans le réseau électrique et routier.» Finalement, après ces échanges musclés, ce ne sont que 4 élus qui ont voté contre, et 35 pour.
Les chiffres clefs du budget
- 68 245 846 euros : Ce chiffre correspond aux dépenses réelles de fonctionnement de la ville. En augmentation de plus de 5,1 millions d’euros par rapport au budget 2022 : soit 8,2% en plus.
- 3,3 millions : Les recettes réelles de fonctionnement ont progressé de 4,4%, soit 3,3 millions d’euros. En tout, elles s’élèvent à 77 569 439 euros.
- 1,9 million : Sur le budget 2023, l’épargne brute chute. Ce qui cause cela : des dépenses d’énergie qui progressent de 1,9 million. « L’évolution de ce poste de dépense sur les exercices futurs reste incertaine », prévient la Ville, concernant le maintien des prix de l’électricité, l’impact de la fin du marché public du gaz Ville…. Mais aussi une augmentation de dépenses liées au personnel (1,3 million d’euros en plus) en raison de la revalorisation de la valeur du point d’indice en juillet 2022. Avec un total de 37,5 millions d’euros, elles constituent le principal poste de dépenses réelles de fonctionnement de la ville. L’épargne nette est également en diminution – 1,7 million d’euros, atténuée par une légère baisse de la charge de la dette liée à des fins de remboursement d’emprunts intervenus en 2022
- 22,9 millions : C’est le montant des investissements pour 2023. Avec pour objectif : « rendre la ville plus attractive et offrir un niveau de services toujours plus important aux Belfortains.» Dans ces investissements, une enveloppe de 14,5 millions est proposée pour les travaux d’amélioration, d’entretien, de maintenance et les équipements en moyens matériels. Un budget de 8,4 millions sera consacré en 2023 à plusieurs projets, dont la poursuite du programme d’aménagement du quartier de l’ancien hôpital, des études pour l’aménagement du secteur Dorey dans le cadre du programme de renouvellement urbain des résidences. Ou encore des travaux d’extension du musée d’art moderne, la rénovation des deux marchés, ou les travaux de réaménagement de la place de la République.
- 3,5 millions : Malgré les contraintes budgétaires, la ville de Belfort maintient son budget alloué au soutien des associations. En 2023, il est prévu de verser 3,5 millions d’euros aux associations en subvention directe.