Jade Belleville
« Qu’est-ce qu’il va se passer à Sochaux ? » s’interroge Laurent Oechsel, délégué syndical CFE-CGC central chez Stellantis. Une question qui est dans la tête des 336 salariés du site de Stellantis de Bessoncourt qui doivent déménager à Sochaux. Ce jeudi 20 juin, ils étaient une trentaine devant le site de Bessoncourt pour faire connaître leurs inquiétudes.
Le 25 avril, les salariés ont été informés du déménagement du service informatique. Ce transfert est prévu le 1er janvier 2025. Tracts à la main, Nicolas Guéritaine, délégué syndical CFE-CGC de Bessoncourt, déclare : « Ça a été une annonce brutale. » Selon le syndicaliste, la direction justifie ce transfert par le besoin de réduire l’emprise foncière « afin de diminuer l’empreinte carbone ». Le projet a été présenté par le comité économique et social.
Un gilet de la CFE-CGC sur le dos, Dominique, un employé, fait part de ses angoisses : « On a une crainte pour notre avenir. » Selon ce salarié, ce transfert peut remettre en cause la pérennité de l’activité. Il redoute son arrêt, à terme. La CFE-CGC, la CFDT et la CGT ont recours au cabinet d’expertise indépendant Secafi, pour les accompagner. Il doit analyser la stratégie informatique de Stellantis. « Le constat est sans appel. Pour eux, on va droit dans le mur », reprend Nicolas Guéritaine. « Une fois que l’on sera pieds et mains liés avec eux [Stellantis Sochaux], on est exposés », ajoute-t-il. « Stellantis semble moins investir dans l’informatique », s’étonne la CFDT. Elle « s’oriente vers une perte de compétences internes », et le constructeur automobile « risque de devenir dépendant des Cloud providers (entreprises qui proposent les solutions de stockage de données, NDLR) », redoutent encore les syndicats.
« Le confort de travail sur un site comme chez nous, on ne le retrouvera pas à Sochaux », déplore encore l’élu CFE-CGC. Durant les négociations, la CFE-CGC a fait part de leurs demandes, afin que ce transfert se passe au mieux. Pour les employés, il faut que les nouveaux locaux soient adaptés à leur métier. « Il faut deux ou trois écrans par personne, une garantie de confidentialité pour les personnes du service banque, ou encore des lieux isolés pour les appels téléphoniques », liste Nicolas Guéritaine. Les employés demandent aussi une plus grande transparence de la part de la direction, ainsi qu’une prise en charge des coûts financiers engendrés par le déménagement.
« Seulement la partie émergée de l’iceberg »
« Ce transfert est seulement la partie émergée de l’iceberg », précise Nicolas Guéritaine. « Avec la CFE-CGC, on a mis en garde la direction sur la fuite de compétences et le risque industriel, poursuit-il, avant d’alerter : On sous-traite, mais à un moment, la qualité se perd. » Les employés craignent également de nouvelles externalisations. En novembre 2023, quinze salariés ont été transférés vers le groupe Kyndril (lire notre article), dans le cadre d’un projet d’externalisation de l’activité des opérations de Datacenter et de réseaux.
Un drapeau de la CFDT à la main, Sophie Deville, déléguée syndicale CFDT de Bessoncourt, partage les mêmes inquiétudes face à l’avenir de l’informatique chez Stellantis. « On a l’impression que l’informatique va disparaître petit à petit. Chaque fois que des postes disparaissent en Europe, ils sont recréés dans des pays low-cost », replace-t-elle.
Après ce déménagement, il restera une vingtaine d’employés sur le site. Ils seront présents, afin de s’occuper du matériel encore sur le site. « Pour l’instant, tout ce qui est datacenter va rester ici mais l’année prochaine, 50 % de l’informatique sera dans le cloud. Dans cinq ans, il n’y aura plus de datacenter ici », indique Sophie Deville, elle aussi inquiète pour la disparition du service informatique.
La direction de Stellantis de Sochaux, sollicitée, n’a pas souhaité réagir.