Antoine Guy – AFP
Italien né à Naples, pur produit de la maison Fiat-Chrysler, formé à Milan et longtemps en poste au Brésil puis aux Etats-Unis: le prochain directeur général de Stellantis Antonio Filosa incarne le virage radical pris par le constructeur automobile, après l’ère du très francophile Carlos Tavares.
Cet Italo-brésilien de bientôt 52 ans était jusqu’à présent directeur pour l’Amérique du Nord et du Sud du groupe aux 14 marques, ainsi que directeur mondial de la qualité, poste auquel il avait été promu en février, quelques mois après le limogeage de Carlos Tavares intervenu début décembre. Filosa était considéré comme l’un des favoris à la succession de Carlos Tavares. Il aura fallu six mois au conseil d’administration pour atterrir sur un nom, pendant lesquels le président du groupe et héritier de la famille Agnelli John Elkann a tenu par interim les rênes opérationnelles.
Antonio Filosa, cheveux gominés en arrière, a effectué toute sa carrière dans le groupe Fiat-Chrysler, devenu Stellantis en janvier 2021, à la faveur de la fusion avec le groupe français PSA (Peugeot, Citroën, DS). Entré chez Fiat en 1999, il a été envoyé au Brésil en 2005, où il a gravi les échelons pendant près de 20 ans avant de devenir, au moment de la fusion, le directeur des opérations pour toute l’Amérique du Sud, continent où Stellantis domine le marché.
Négociateur
En 2023, il est appelé à Auburn, dans le Michigan, pour diriger la marque Jeep, l’un des fleurons du groupe aux Etats-Unis. Stellantis y réalise la majeure partie de sa marge opérationnelle grâce à ses marques américaines (Jeep, Chrysler, Dodge, Ram). Il enregistre des succès commerciaux notables, comme avec la Jeep Avenger, première Jeep électrique et élue « voiture de l’année » par la presse européenne en 2023.
Il est en première ligne dans les négociations avec le syndicat des ouvriers de l’automobile (UAW), qui mène une grève importante dans l’usine de Toledo, dans le cadre d’un conflit global avec les trois principaux constructeurs automobiles américains. Une issue est finalement trouvée quelques mois après son arrivée.
À la tête du groupe, il devra continuer à réparer une relation toujours tendue avec l’UAW. Les échanges se passent « beaucoup mieux » depuis le départ de Tavares, en grande partie grâce aux efforts de Filosa, a déclaré le 6 mai à Automotive News le vice-président du syndicat et principal interlocuteur de Stellantis, Kevin Gotinsky. L’ascension de Filosa se poursuit en octobre 2024, quand il prend la direction du groupe pour l’Amérique du Nord, avant de voir ses fonctions étendues à l’Amérique du Sud et à l’ensemble des marques américaines peu après le départ de Tavares en décembre.
Tropisme italien
Il est alors confronté à la colère des concessionnaires américains, qui n’arrivent plus à écouler les stocks en raison de la stratégie de Carlos Tavares : soucieux de préserver les marges du groupe, celui-ci rechigne à baisser des prix, jugés trop élevés par les consommateurs.
En prenant la tête des activités en Amérique, Antonio Filosa a réduit « considérablement les stocks excessifs des concessionnaires » et rétabli le dialogue avec ces derniers, a salué Stellantis dans le communiqué intronisant le nouveau patron. La nomination d’un Italien, dont la carrière s’est quasiment exclusivement effectuée outre-Atlantique, tranche avec la règle établie depuis la création de Stellantis.
Auparavant, avec un Italien (John Elkann) à la présidence du groupe et un directeur général francophile et proche de la famille Peugeot, incarné par Carlos Tavares, Stellantis restait centré sur l’Europe avec un équilibre entre la France et l’Italie. Désormais, le quatrième constructeur automobile mondial penche nettement plus vers les États-Unis, avec à sa tête deux Italiens issus du groupe Fiat-Chrysler.
Un temps pressenti, le Français Maxime Picat, ancien proche de Tavares à la direction de PSA et aujourd’hui directeur des régions Asie et Moyen-Orient, n’a finalement pas été retenu.