Taimaz SZIRNIKS – AFP
Polluer moins
Tous les constructeurs automobiles doivent respecter une moyenne annuelle d’émissions par voiture vendue en Europe. Cette norme dite CAFE (Corporate Average Fuel Economy) les oblige à vendre progressivement des véhicules de moins en moins polluants, avec en ligne de mire la fin des véhicules thermiques en 2035.
La norme a été globalement respectée jusqu’ici par les constructeurs, mais le CAFE a franchi un nouveau palier en janvier 2025, à 93,6 grammes de CO2/km en moyenne (une Renault Clio thermique de base en émet 120 par exemple, une Clio hybride 95 et une Mégane électrique zéro).
Électrique en baisse
Les ventes de voitures électriques neuves ont patiné en Europe en 2024 et leur part de marché a baissé pour la première fois, à 13,6% sur l’année. Les constructeurs espèrent que ces ventes vont de nouveau accélérer avec une rafale de nouveaux modèles électriques, plus abordables, de la Fiat Grande Panda à la Skoda Elroq en passant par la Renault 5 ou la petite Hyundai Inster.
Mais leurs concurrents chinois pourraient compliquer la donne en prenant des parts de marché sur l’électrique avec leurs prix très compétitifs, et malgré les barrières douanières qui leur sont imposées. Le CAFE pourrait ainsi devenir amer pour les constructeurs: si les ventes de modèles électriques ne rebondissent pas à environ 25% du marché, ils pourraient risquer autour de 50 milliards d’euros de pénalités sur la période 2025-2029, selon les calculs du cabinet Alix Partners.
Moins de thermiques
« Il y a deux solutions: soit vous payez des pénalités, soit vous coupez dans les [ventes de voitures] thermiques », expliquait fin 2024 Josep Maria Recasens, le directeur opérationnel de la filiale électrique de Renault, Ampere. Pour le consultant Alexandre Marian d’Alix Partners, le levier principal des constructeurs sera plutôt « d’améliorer la performance [environnementale] des véhicules thermiques », par exemple en remplaçant la boîte de vitesse manuelle par une automatique. Les constructeurs pourront aussi augmenter le prix des thermiques pour compenser l’écart avec des électriques encore bien chères à l’achat, ce qui réduira de facto leurs volumes de production, comme a prévu de le faire Stellantis.
Financer les "ennemis"
Une autre option est d’acheter des crédits d’émissions à des constructeurs moins polluants. Le groupe Stellantis ainsi que les constructeurs Toyota, Ford, Mazda et Subaru ont déjà indiqué être prêts à acheter des crédits d’émissions de CO2 au pionnier de l’électrique Tesla. Mercedes a de son côté décidé de former un groupement avec Volvo et Polestar, les marques européennes très électriques contrôlées par le groupe chinois Geely. « Ça reviendrait à financer mes ennemis », se désolait en 2024 un dirigeant de Renault.
Le leader européen Volkswagen envisage de son côté de rejoindre un groupement, mais seulement dans « un second temps », selon une source au sein du groupe. Mais il ne lui restera plus que des constructeurs chinois pour s’allier. D’après ses chiffres de vente 2024, le géant allemand est le constructeur le plus éloigné de ses objectifs CO2 pour 2025, selon les calculs publiés jeudi par le cabinet britannique Rho Motion.
Et même avec ces précautions, les constructeurs pourraient ne pas atteindre leurs objectifs d’émissions, notamment du côté du groupement Tesla-Stellantis-Toyota, selon Rho Motion. Les experts calculent que les amendes de l’ensemble du secteur automobile européen pourraient atteindre 10 milliards d’euros en 2025.
Flexibilité
Le lobby automobile ACEA, soutenu par les gouvernements français ou italien, a demandé à la Commission européenne de ne pas sanctionner les constructeurs, suscitant l’inquiétude des ONG environnementales. Après avoir temporisé, la Commission européenne a indiqué mercredi qu’elle envisageait des « flexibilités » pour épargner les constructeurs.
« Nous identifierons des solutions immédiates pour préserver la capacité de l’industrie à investir, en examinant les flexibilités possibles afin de garantir que notre industrie reste compétitive, sans réduire l’ambition globale des objectifs pour 2025″, a affirmé la Commission européenne.