Au moins 20 ans. C’est le temps écoulé depuis la dernière fabrication d’un élément industriel d’une centrale hydro-électrique dans la cité du Lion, estime la direction de la société BH2M, née d’un plan social dans l’entité Hydro de General Electric (lire par ailleurs), à l’automne 2020 ; l’établissement de Belfort était le centre d’excellence des alternateurs de cette entité, que le conglomérat américain avait décidé de fermer. L’anomalie est aujourd’hui réparée.
« C’est le jour de l’emballage », se réjouit Arnaud Allemann, directeur commercial de la start-up, qui compte seize salariés. Dans cette travée industrielle du Techn’Hom, juste en face du bâtiment qui abrite la fabrication de la turbine Arabelle (lire notre article), le cadre regarde les équipes œuvrer. Le stator affiche près de 40 tonnes sur la balance, 3,5 mètres de diamètre et développe une puissance de 36 MW. Juste à côté de la nouvelle pièce trône l’ancien stator de l’usine hydro-électrique, qui date de 1968.
Cette pièce, fixe, accueillera un rotor, dont le mouvement permettra de transformer l’énergie mécanique en énergie électrique. C’est la moitié d’un alternateur, schématise Arnaud Allemann. L’équipement prend la destination de l’usine hydro-électrique d’Eget, rattachée au barrage de l’Oule (Hautes-Pyrénées), exploité par la société hydro-électrique du midi (Shem).
Bientôt un alternateur complet ?
Aujourd’hui, le plan social est très loin. La société, créée pour préserver les savoir-faire historiques rares de la cité du Lion en hydro-électricité, continue de grandir. BH2M « propose une large palette de prestations dans le domaine des alternateurs hydroélectriques, allant de la fourniture de composants de rechange à la conception de machines neuves, en passant par le diagnostic sur site », indique le site Internet de l’entreprise. Celle-ci fait des prestations d’amélioration, d’optimisation et de rénovation des alternateurs des centrales hydro-électriques. Et maintenant, elle fabrique aussi ces éléments. Elle a passé le pas de l’industrialisation.
Cette fabrication est une véritable prouesse, réalisée en onze mois. « C’est une machine assez complexe, qui nécessite pas mal de compétences », détaille Arnaud Allemann. Ces compétences BH2M les a ; surtout, la taille de la société lui permet d’être réactive. D’être une petite structure permet à BH2M de proposer de nouvelles solutions et de nouvelles approches technologiques. La start-up a développé un mix de solutions techniques et d’outils qui permet de répondre au défi de l’optimisation du parc existant, soit en ayant une « meilleure opérabilité », avec moins de temps d’arrêt pour maintenance du système, ou en ayant une meilleure performance de l’équipement explique Sébastien Bruna, le président de cette société par actions simplifiée.
De potentiels clients ont été accueillis à Belfort pour montrer la fabrication de ce stator. Des négociations sont justement en cours avec des opérateurs pour produire des équipements similaires. BH2M serait notamment capable de faire des rotors d’alternateur. Selon un spécialiste, l’âge moyen des machines du parc hydro-électriques d’EDF est de 68 ans. « Le gros du marché à venir, c’est la construction de ces stators, c’est-à-dire leur changement », explique Sébastien Bruna, La fabrication de cette machine pour l’usine d’Eget fournit une référence et une crédibilité à BH2M, pour les acteurs du marché. « C’est en faisant ce type de projet que nous entretenons les savoir-faire et les compétences autour de l’alternateur, replace surtout Sébastien Bruna. C’est notre cœur de métier. » La société a été créée dans ce but et espère pouvoir, un jour, fabriquer des alternateurs complets pour des clients.
La société a été soutenue par le fonds Maugis (lire notre article), qui ventile la pénalité de 50 millions d’euros attribuée à General Electric pour ne pas avoir créé 1 000 emplois après le rachat de la branche énergie d’Alstom en 2015. En 2024, le chiffre d’affaires dépasse le million d’euros. Après avoir failli disparaître, la branche hydroélectrique renaît à Belfort. Avec, surtout, une composante industrielle.
BH2M, née d’un plan social
Septembre 2020. C’est un nouveau coup de massue qui s’abat sur la cité du Lion. Après la saignée de General Electric dans l’entité turbine à gaz, en 2019, le conglomérat américain décide de fermer l’établissement belfortain GE Hydro (relire nos articles). 89 postes sont alors concernés. Si une quinzaine d’emplois est finalement maintenue, l’antenne belfortaine, centre d’excellence des alternateurs, disparait. Au cœur de la tempête, des salariés se mobilisent pour conserver les compétences en local. Ils tentent, dans un premier temps, un projet de reprise dans le cadre de la loi Florange. Tout employeur de plus de 1 000 salariés qui décide de fermer un établissement et de procéder à des licenciements économiques doit obligatoirement rechercher un repreneur. Si la démarche échoue, la dynamique, elle, est belle et bien enclenchée. Quelques mois plus tard, onze salariés se lancent et créent BH2M ; ils ont tous des parts sociales de l’entreprise.