Cet article est le deuxième d’une série de trois, réalisée lors d’une immersion de 48 heures pendant la manœuvre Diodore 25. En partenariat avec Ici Belfort-Montbéliard, Le Trois a pu suivre l’unité commando et pénétrer dans les postes de commandement. Le premier épisode était un reportage avec les unités commandos du 1er RA (lire notre article). 3e et dernier épisode : une interview du général Guillaume Danès, commandant du CAPR.


Combien d’hommes du 1er régiment d’artillerie sont-ils mobilisés dans l’exercice Diodore 25 ?
87 personnes sont mobilisées sur la totalité de l’exercice Diodore, avec un pic de présence lors du Live ex, la partie de l’exercice lors de laquelle nous mettons des gens réels sur le terrain, par opposition à la partie de l’exercice réalisée en simulation, qui était la phase précédente. Sur ces 87 personnes, il y a le poste de commandement du régiment et l’environnement nécessaire au fonctionnement de la numérisation de l’espace de bataille et les transmissions. Sur le terrain, le groupement est composé d’une batterie de lance-roquettes unitaires (lire notre article), d’un détachement d’acquisition dans lequel nous avons des équipes d’acquisition dans la profondeur, ainsi qu’une équipe drone. Enfin, nous avons un train de combat de niveau 2, c’est-à-dire l’échelon logistique régimentaire qui s’occupe du ravitaillement en vivres, en munitions et du soutien mécanique.

Au cours de cet exercice, vous allez mettre en place une nouvelle compétence : le détachement d’acquisition dans la profondeur. Qu’est-ce que c’est ? Quelle est sa mission ?
Le détachement d’acquisition dans la profondeur (DAP) est effectivement une compétence expérimentale au 1er régiment d’artillerie. Ce DAP reconstruit une compétence que l’armée de terre possédait il y a une vingtaine d’années. On les appelait équipe d’observation dans la profondeur (EOP). Elles avaient disparu quand nous avons estimé qu’il n’y avait plus de menaces symétriques importantes (des guerres entre armées de taille et d’équipement équivalent, NDLR). Très clairement, c’étaient les conséquences de l’effondrement du bloc soviétique. Aujourd’hui, elles sont retravaillées et montées en puissance. Ce sont de petites équipes agiles, rustiques, particulièrement aguerries et bien équipées technologiquement. Elles ont vocation à s’infiltrer sur des distances de plusieurs dizaines de kilomètres derrière les lignes ennemies, pour renseigner sur le deuxième échelon et permettre de les frapper à l’artillerie là où c’est pénalisant (systèmes de défense sol-air, postes de commandement, pôles logistiques, NDLR).

Peut-on parler d’unités commando ?
Exactement. Ce sont des unités commando.

C’est assez technique. Vous vous entrainez quotidiennement au régiment et là vous mettez en action ce pourquoi vous vous entraînez ?
Ce n’est pas la première fois que nous le faisons. Ces équipes d’acquisition dans la profondeur, nous les développons depuis trois ans. Aujourd’hui, nous avons deux équipes complètes au régiment. Nous avons une cible de quatre équipes en 2027. Nous les formons au régiment. L’an dernier, nous avons envoyé l’un de nos lieutenants se former en Angleterre, pendant treize semaines, lors d’un stage commando. C’était le premier non Britannique à décrocher cette qualification depuis sa mise en place [au début des années 1980]. Grâce à cela et à ce que nous avions conservé des anciennes équipes d’observation dans la profondeur, il a construit un stage de deux mois et demi au sein du 1er RA, pour former les jeunes équipiers d’acquisition dans la profondeur aux différentes procédures et techniques.

Combien d’hommes et de femmes composent-ils ces unités ?
L’équipe que nous avons ici est composée de six personnes. Il y a le chef d’équipe, son adjoint qui a la qualification JTAC (joint terminal attack controlleur), capable de commander des appuis feu aériens (Lire article). Ensuite, nous avons un radio et des opérateurs.

Quelles sont les qualités attendues ?
D’être assez complet. Pour les aptitudes intellectuelles, il faut être à la fois vif d’esprit pour comprendre les enjeux d’une situation, pouvoir décider rapidement de la meilleure option à prendre, donc réactif, mais en même temps être rigoureux dans la planification, parce qu’il faut prévoir les cas non conformes. Il faut aussi une capacité à apprendre vite et par cœur un certain nombre d’informations, afin de visualiser et reconnaître instantanément des matériels ennemis. Sur le plan physique, il faut que [les membres de l’unité] soient capables de porter des charges lourdes pendant longtemps et d’être toujours opérationnels à la fin.


Embarquent-ils beaucoup de matériel ? Vous évoquiez du matériel très technique…
Ils ont besoin de transmission pour garder la liaison avec leur détachement de liaison, situé bien plus en arrière, qui remonte des informations vers le centre opérationnel. En même temps, il faut aussi prévoir de l’autonomie pour la durée de leur infiltration. Cela peut être une infiltration de plusieurs jours, avec une stabilité de mission d’une à deux semaines. Il faut un stock de piles, de l’eau, des vivres s’ils ne peuvent pas se ravitailler sur place.

Il ne faut pas que l’on sache qu’ils pénètrent derrière les lignes ennemis. Ni qu’ils en sortent ?
Exactement. Il faut être capable d’y aller et d’en revenir, si possible. Dans un environnement, en principe, très peu permissif.

Est-ce que ce sont forcément des unités à pieds ou peuvent-elles utiliser des véhicules, des hélicoptères ?
Différents modes d’action sont possibles. Sur l’exercice, nous en jouons deux. L’EAP (équipe d’acquisition dans la profondeur, NDLR) du 35e RAP (régiment d’artillerie parachutiste, NDLR) s’infiltre en hélicoptère de manœuvre. L’EAP du 1er RA s’infiltre en véhicules et en profite pour tester le système de communication Hydre qui permet de communiquer à longue distance, en s’appuyant sur différents types de réseau en chemin.
Qu’est-ce que Diodore 25 ?
L’exercice Diodore 25 se déroule du 3 au 28 mars, dans les camps de Champagne pour les postes de commandement et dans le quart nord-est de la France pour la partie tactique, en terrain libre. Il est organisé par le commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (CAPR), dans lequel est intégré le 1er régiment d’artillerie de Bourogne. 1 500 soldats sont mobilisés sur cet exercice, notamment dans la partie « réelle ». Une première partie a été faite grâce à des outils de simulation. C’est un exercice « laboratoire », inscrit dans une démarche de transformation de l’armée de terre pour renforcer sa puissance de combat. On teste notamment un centre de commandement dédié à intervenir sur les arrières de l’ennemi, entre 50 et 500 kilomètres de la ligne de front, la task force deep. Il vise à mieux intégrer les compétences de renseignement, de cyber-électronique, d’artillerie et d’aérocombat. L’exercice intègre et teste de nombreuses innovations avec des industriels de la défense, notamment autour de l’intelligence artificielle. « C’est un outil que nous testons sur la gestion et le traitement des données pour appuyer la compréhension de l’état-major », explique le lieutenant-colonel Frédéric, chef du bureau opération et engagement du CAPR.