Il y en a eu beaucoup. La première année, il y a eu Charles Bell. Ce qui a été marquant avec ce peintre franc-comtois, c’est qu’après sa prestation, la moitié du public a pleuré. L’autre moitié est restée indifférente. Cela montre bien que tout le monde n’est pas forcément sensible au même speaker, mais les gens viennent pour écouter douze idées.
Il y a eu aussi Éric Brun-Sanglard, un designer aveugle. Il a éteint la lumière et demandé au public s’il le voyait. Évidemment, non. Il leur a répondu : « C’est comme ça que vous me voyez, vous. » Puis, il a expliqué comment il conçoit dans le monde du design, même en étant aveugle.
Je pense également à Violaine Sautter, qui a montré les premières photos en couleur prises à la surface de Mars : c’était très impressionnant. Ou encore à la force de caractère d’Adrien Duvillard, skieur alpin français, qui s’est pris un “mur”, à la fois moralement et physiquement, en skiant. Il a raconté comment il a tout de même travaillé pour aller jusqu’aux Jeux olympiques.
Il y a aussi eu tous les speakers locaux : Sophie Élizéon, préfète, qui a montré que même des personnalités comme elle pouvaient se prêter à l’exercice. Jean-Luc Cappozzo, trompettiste mondialement connu, mais paradoxalement méconnu dans sa région. Enfin, je pourrais en citer plein d’autres. Ce sont tous des personnes avec une sincérité et un naturel qui leur ont permis de transmettre des messages forts.
Y a-t-il eu des moments anecdotiques qui vous ont marqué ?
Je reviens à Charles Bell ! Il est venu pour le premier TEDx. C’est un homme qui a une grande sensibilité, qui s’exprime notamment par la peinture. Il vient d’une famille d’artistes et est connu pour peindre d’immenses fleurs, qui l’ont rendu célèbre. Pourtant, il est toujours resté humble.
Lors des répétitions, j’avais écouté son talk, et c’était très beau : il parlait de son territoire, du Haut-Doubs, et de sa peinture. Mais sur scène, il y a eu un blanc de 15 secondes. C’est long, 15 secondes. Puis, il a commencé à parler de quelque chose de complètement différent de ce qu’il avait préparé. Ce qu’il a raconté transmettait une émotion aussi forte que ses peintures. Et comme je le disais, cela a touché la moitié de l’assemblée, qui s’est mise à pleurer, tandis que l’autre se demandait : “C’est qui ce clown ?”.
Il y a aussi eu un producteur de séries qui détenait les droits pour les livres d’Harlan Coben. Il réalisait les meilleures audiences sur TF1 et signait des contrats à plusieurs millions d’euros. Sept minutes avant son passage sur scène, il avait disparu. Je suis parti à sa recherche et l’ai trouvé tournant en rond près des loges. Il m’a confié qu’il se sentait comme dans les couloirs de Polytechnique, lors de ses concours. Stressé. Il touchait les murs pour s’assurer d’où il se trouvait.
Après son talk, il m’a raconté que l’expérience avait été un déclic. Il ne se reconnaissait plus dans ce qu’il faisait et a décidé de se recentrer sur des projets qui lui ressemblaient davantage. Il s’est rapproché de Julien Lepers, récemment écarté de Questions pour un champion, et s’est lancé dans la production de documentaires sur le terroir. Un travail qui lui correspondait plus, même s’il rapportait moins.
Quels ont été les effets sur la communauté locale et régionale au cours de la décennie ?
Après le TEDx, la Chambre de commerce et d’industrie a formé de nombreux porteurs de projets qui ont concrétisé leurs idées après une édition. Une intervenante, qui avait écrit un livre sur le départ de sa fille pour le Djihad, est revenue à Belfort pour intervenir dans les écoles et sensibiliser sur ce sujet.
L’année dernière, un slameur a été remarqué par Stéphane Toucas, président du Comité départemental olympique et sportif. Ensemble, ils ont collaboré pour l’ouverture du village olympique de Belfort. On ne sait pas toujours après le TEDx les partenariats qui se créent, mais on sait qu’il y en a !
Le TEDx évolue-t-il pour répondre aux attentes du public ? Comment choisissez-vous les thèmes ?
Je ne réfléchis pas en fonction du public. J’ai réalisé le TEDx ici pour partager de nouvelles idées, sans chercher à savoir si cela allait plaire. Cependant, je m’interdis certaines choses, comme aller dans le pathos ou multiplier les prestations de coachs bien-être ou zen, des thématiques avec lesquelles je ne suis pas toujours à l’aise.
Quant aux choix des thèmes, c’est difficile à dire. Il y a des tendances de départ, mais l’idée est toujours de faire émerger des réflexions et d’amener les gens à se questionner différemment. Par exemple, cette année, nous aborderons la thématique de la fin de vie. Mais il ne s’agira pas de débattre pour ou contre : on se questionnera plutôt sur des notions comme la dignité ou les moyens disponibles.
J’espère simplement que les spectateurs repartiront avec de nouvelles idées ou de nouvelles envies grâce aux douze talks entendus. Finalement, à Belfort, nous avons un festival de cinéma, un festival de musique… et avec le TEDx, un festival des idées.
*Un TEDx est un événement organisé localement et de manière indépendante sous licence TED (Technology, Entertainment, Design). Ces conférences suivent le modèle des célèbres conférences TED, mais elles sont destinées à rassembler des communautés autour de nouvelles idées et initiatives à l’échelle locale. Les interventions, appelées talks, durent généralement entre 5 et 18 minutes.
Pour cette édition, plus aucune place n’est disponible. Début de l’événement pour les détenteurs de place : 17h30, à l’Atria, à Belfort.