Dans l’espace presse, concentré, Ilyes Ghouil a la tête dans ses mails. Il porte un polo floqué à l’effigie de son entreprise, son bébé : Météo Franc-Comtoise. Vous l’avez peut-être déjà croisé sur Facebook, Instagram, Twitter, ou même sur son site, qu’il alimente chaque jour pour donner les prévisions météo les plus fiables possible. Pendant les quatre jours des Eurockéennes, il a sa place au festival, pour établir des prévisions et prévenir les potentielles dégradations en temps réel. « Il y a un an, quand il y a eu les orages aux Eurockéennes, je suivais les radars. Si j’avais eu un contact avec les Eurockéennes à ce moment-là, j’aurais été ferme et j’aurais demandé de faire évacuer immédiatement le site. » Il explique avec ferveur le phénomène qui s’est déroulé lors de l’édition 2022. « Une super-cellule visible deux heures plus tôt, et qui, quarante-cinq minutes avant l’orage, s’est dirigée vers l’ouest,; je l’ai vue en direct arriver sur les Eurocks.»
Cette passion pour la météorologie, il l’a depuis tout petit. Il se rappelle de l’hiver de ses 10 ans, l’hiver 2012. Et de la dernière grosse vague de froid qui a eu lieu, avec un mètre de neige et -25°C. « Ca a été le déclic. » Il se lance, à 14 ans, regarde s’il existe un site local de météo, une page Facebook. Il n’en trouve qu’une en Franche-Comté, qui n’est plus alimenté depuis longtemps. « C’était le 1er octobre 2016 », explique-t-il, le sourire aux lèvres. C’est parti. 20 000, 50 000: le nombre de personnes qui le suivent augmente peu à peu. Jusqu’à bientôt atteindre 150 000 abonnés sur sa page.
« Se baser sur le présent pour anticiper le futur »
Le secret pour établir ses prévisions ? « Se baser sur le présent pour anticiper le futur. » Et des recherches poussées, basées sur des analyses de simulation radar. « Toutes les stations météo reçoivent ces données dans des super-calculateurs. Des machines extrêmement coûteuses, changées tous les deux ans. Elles reçoivent 21 milliards de millions de données par seconde. » Il en parle des étoiles plein les yeux. Grâce à ces données, il établit ses prévisions, en regardant les données de Météo France, mais aussi suisses, anglaises, américaines pour des prévisions à plus longue durée. Et ce, plusieurs fois par jour.
Cette manière de puiser des sources, il l’a apprise seul. « Je suis 100% autodidacte. » Sa formation scolaire était bien loin de tout cela. Il mène une alternance dans les métiers agricoles entre Belfort et Besançon, avec l’ambition de devenir maraîcher. Mais entre-temps, la page Facebook décolle. Un choix est à faire. Il reste à ses premières amours: la météo. Au lendemain de ses 18 ans, il fonde son entreprise.
Quand il fait beau, Ilyes s’ennuie. Ou presque. Tous les matins, il passe sur France Bleu Belfort-Montbéliard pour les prévisions du jour. Il alimente les réseaux, le site, envoie des bulletins météo à plusieurs reprises dans la journée à des partenaires. Le jeune prodige est aussi régulièrement contacté par la presse pour des explications sur des phénomènes météo. Mais ce qui l’anime le plus, ce sont les intempéries. D’autant plus qu’à côté de sa passion pour la météo, il est également traqueur de foudre. Il rêve de se rendre dans l’allée des tornades, aux Etats-Unis. « Mais d’abord, je dois encore consolider le site, je ne peux pas me le permettre aujourd’hui », confie-t-il avec beaucoup d’humilité.
Souvent derrière ses écrans, il passe aussi un temps important dans la nature pour relayer les phénomènes météorologiques. Il y a trois jours, il était à Ornans, pour témoigner de la sécheresse du Doubs entre Pontarlier et Morteau. « J’essaye de passer des messages sur le réchauffement climatique, de démentir les propos erronés en apportant mon expérience. » Il ajoute : « Ca ne marche pas toujours. Il y a ceux qui ne croient pas du tout au réchauffement climatique. Mais j’ai appris à l’ignorer. »
Une confiance acquise avec les Eurockéennes
Se perfectionner ? Toujours. Il veut aller plus loin avec son site internet. « Jusqu’ici, j’étais plus porté sur les prévisions météo. Je veux évoluer en allant sur plus de direct. » Il évoque aussi de nouvelles cartes plus précises, en cours de création pour l’automne. « J’ai été beaucoup aidé », confie-t-il. Il évoque son lien très fort avec une connaissance devenue un « deuxième papa », Andéol, qui l’aide pour tout. « Il a conçu tout mon site internet. » Il se sent entouré et confiant pour entamer de nouveaux projets.
En prime, la confiance est tissée avec le public. Les médias. Et désormais le festival des Eurockéennes. Il a contacté la direction cette année en montrant toutes les prévisions qu’il avait pu faire au moment du violent orage qui a causé l’annulation pendant deux jours des Eurockéennes. « Avant, ils avaient déjà un partenariat avec Météo France, ils ne voyaient pas forcément l’intérêt. Mais là, ils ont aussi pu voir que la dégradation avait été sous-estimée. Mes prévisions en direct les ont convaincues. » Il est désormais LE monsieur météo du festival, dévoué à la tâche sur le festival.
Son regard est déjà tourné sur cette soirée : celle du 29 juin. « Je serai sûrement là jusqu’à 3, 4h. Mais ce n’est pas grave. » Ce jeudi matin, il a pu évoquer ses prévisions devant Météo France, la préfecture, les sapeurs-pompiers, la direction et le service sécurité du site. « C’est encore un nouveau palier de franchi », explique-t-il fièrement. La route est toute tracée. Direction son site, ou celui des Eurockéennes, pour avoir des précisions et savoir s’il faudra sortir les bottes ou pas. On vous le donne en mille : ce sera le cas ce jeudi soir, mais aussi samedi. Pour ce jeudi 29 juin, une dégradation pluvio-orageuse avec des rafales de vent autour de 40/50 km/h vers 22/23h. « Nous aurons des averses avec quelques coups de tonnerre », explique-t-il. Dans la nuit, une pluie orageuse est prévue vers 3 h. Nous voilà prévenus!