Ils sont nombreux à immortaliser les Eurockéennes. Chaque édition voit passer des dizaines de photographes. Chaque été, ils capturent l’essence du festival, marquent une édition d’un style, d’un regard. Parmi eux, Vincent Arbelet a su se démarquer avec un fil rouge : sortir les artistes de la scène pour les ramener à la nature. Depuis plusieurs années, il photographie les musiciens loin des projecteurs, sur les rives du Malsaucy, là où le festival prend racine.
En 2023, en revisionnant ces clichés, Jean-Paul Roland, directeur des Eurocks, a été saisi par leur force. « Quand j’ai revu ces photos, j’ai voulu qu’on en fasse quelque chose, montrer ce travail photographique particulier », explique-t-il. Le projet devient alors un livre, mais pas un livre « sur les Eurocks ». Le festival n’est ici qu’un prétexte, un « décor de fond ».
Dans l’objectif de Vincent Arbelet, les artistes tombent le masque. Ni lumières artificielles, ni scène, ni public. Juste eux, la nature et le photographe. « Ce qui est fou, c’est de retrouver l’artiste dénudé de folklore, de mise en scène », souligne Jean-Paul Roland. Et le jeu fonctionne. Des stars confirmées se prêtent à l’exercice, des musiciens émergents posent avant la célébrité. Tous sur un pied d’égalité.
« Sorte de vérité »
Les photos, Jean-Paul Roland les voit comme « une sorte de vérité ». Celles qui échappent au bruit, à la frime, au décorum. Pour accompagner ces images, il pense à une voix littéraire capable d’en prolonger la portée. Il envoie alors un mail à Jean-Daniel Beauvallet, co-fondateur des Inrockuptibles, journaliste, vieil ami qui lui a, autrefois, présenté l’homme d’affaires Matthieu Pigasse.
« J’ai pensé que ces clichés pourraient peut-être t’inspirer quelques souvenirs personnels, anecdotes, aphorismes, ou justes maximes sur la musique, sur la vie, sur un peu tout au final », lui écrit-il dans un mail, le 17 juillet 2023. L’idée séduit Jean-Daniel Beauvallet, qui relève le défi. Le résultat : Standing on the Beach, clin d’œil assumé à The Cure. L’ouvrage, tiré à une centaine d’exemplaires aux éditions Braquage, mêle photos et textes, littérature légère et commentaires savoureux.
Beauvallet y distille métaphores, jeux de mots, poèmes, arbres généalogiques détournés… Le texte joue avec l’image, la complète, fait sourire tout en livrant des infos au détour d’une page. Il y glisse aussi un essai sur la photographie rock, ce qu’elle a été, ce qu’elle est devenue : « On a le sentiment que la photographie amenait à la musique. Maintenant, c’est moins le cas. C’est ce qu’il raconte dans cet essai », confie Jean-Paul Roland.
Des jeux, des symboles et deux playlists
L’objet-livre ne s’arrête pas à son contenu : la mise en page elle-même s’amuse. Le graphiste multiplie les clins d’œil : jeux sur les nombres, sur les gestes, sur la disposition des images. Les lecteurs curieux, et les grands amateurs, s’y perdront avec plaisir, à la recherche de ces dialogues secrets entre texte et photo.
Deux playlists Deezer viennent compléter l’oeuvre. L’une compile les artistes photographiés, l’autre, concoctée par Beauvallet, reflète son univers musical et ses inspirations. Parmi les clichés marquants, Jean-Paul Roland cite la double photo de Travis Scott, le regard de Zaho de Sagazan, ou encore un portrait de Fishbach. Plus qu’une galerie de visages, Standing on the Beach incarne une démarche. « Les Eurocks doivent rester un prétexte à la création d’art », résume-t-il. Et ce livre en est la démonstration.
Infos pratiques : Standing on the Beach est disponible depuis le 16 mai, à la Fnac, dans les librairies indépendantes de Belfort, ou en commande directe chez les éditions Braquage. 22 euros.