Le Trois –

Le théâtre antique de Mandeure, un joyau archéologique à valoriser

Le théâtre antique de Mandeure, dans le Doubs.

Les journées de l’Archéologie sont organisées les 19 et 20 juin au cœur du théâtre antique de Mandeure. Ce site, reconnu récemment comme le plus grand théâtre gallo-romain de France, a été classé grand site archéologique par le ministère de la Culture au mois de mai. Entretien avec Pierre Mougin, archéologue du site, qui en dévoile les subtilités.

Éva Chibane

Les journées de l’Archéologie sont organisées les 19 et 20 juin au cœur du théâtre antique de Mandeure. Ce site, reconnu récemment comme le plus grand théâtre gallo-romain de France, a été classé grand site archéologique par le ministère de la Culture au mois de mai. Entretien avec Pierre Mougin, archéologue du site, qui en dévoile les subtilités.

Pendant l’Antiquité, la ville de Mandeure était une ville romaine de première importance. Elle se nommait Epomanduodurum et s’étendait sur presque 200 hectares, à cheval entre les communes actuelles de Mandeure et Mathay. Ville de pont, elle était placée entre la route qui permet de joindre – en passant par le col Porrentruy – les lacs suisses et le col du Grand Saint-Bernard, et la voie fluviale Doubs-Saône-Rhône-Méditérannée. En novembre 2020, les autorités cantonales du Canton du Jura, en Suisse, ont découvert la partie d’une voie romaine reliant justement Mandeure (lire notre article) à la cité suisse.

Le théâtre, au cœur de la ville, est un véritable joyau antique. Il fait l’objet de recherches et de fouilles archéologiques depuis plus de deux siècles. Bâti une première fois en 41 apr. J.C. par l’empereur Claude, il est détruit puis reconstruit à de nombreuses reprises. Au cours du IIe siècle apr. J.C., le théâtre acquiert une impressionnante monumentalité. C’est sous le règne des empereurs de la dynastie sévérienne (192-232 apr. J.C.) que le théâtre antique prend sa forme et ses dimensions définitives. Les deux façades semi-circulaires sont devenues après chaque reconstruction plus grandes et le dispositif scénique a été adapté aux formes que prenaient les spectacles et cérémonies.  Quatres rangées de gradins étaient couronnées par un portique au sommet du théâtre et le dispositif scénique comportait une estrade maçonnée en grand appareil. Il faut s’imaginer le front de scène, qui était décoré de placages luxueux de marbres colorés et de colonnes de part et d’autre des portes centrales.

Sa configuration, sans mur d’enceinte, a beaucoup questionné les archéologues. Lieu de culte ? Lieu de cérémonie ? L’hypothèse d’un théâtre de représentation en bonne et due forme a mis du temps à être prise au sérieux. « Arcisse de Caumont soutenait le fait que l’on construisait des théâtres gaulois comme on faisait des théâtres romains. Il y a eu le mythe qu’on assistait forcément à des manifestations religieuses s’il n’y avait pas de mur de scène », raconte Pierre Mougin, archéologue du site.  C’est seulement dans les années 2000, lorsque Jean-Yves Marc, professeur d’archéologie à l’université de Strasbourg, prend en charge les recherches que l’on émet l’hypothèse que le site de Mandeure ait été un théâtre gaulois voué aux représentations, aux spectacles (mimes, pantomimes). Les stèles funéraires d’acteurs gaulois le mettent sur la piste. Les recherches s’enchaînent depuis.

Un site revalorisé par la recherche

Le théâtre de Mandeure est un site monumental. D’après reconstitution, le théâtre mesurait près de 30 mètres de hauteur sur 142 mètres de longueur. Depuis quatre ans, des recherches – assurées par une association d’équipes françaises et américaines (Carthage College) – ont permis de replacer le site dans l’histoire. Le théâtre antique est en fait le plus grand jamais recensé des provinces gauloises et des Germanies. Pierre Mougin en est très fier. Sa particularité ? Il a été oublié jusque dans les années 1990. Jean-Yves Marc a ravivé les recherches dans les années 2000.

« Le programme de l’université de Strasbourg a redonné de la splendeur au site », admet Pierre Mougin. Séverine Blin, son élève qui lui a succédé, a monté un dossier auprès du ministère de la Culture. La démarche a permis au site d’être reconnu grand site archéologique ces dernières semaines. « On est très fiers de ce truc-là. C’est incroyable. Quand on va sur le site du ministère de la Culture, on retrouve Mandeure et Palmyre sur la même page, se réjouit l’archéologue, avant de poursuivre : C’est une grosse reconnaissance pour les archéologues qui ont travaillé là. » Modeste, puisque lui-même y travaille depuis 45 ans. 

Bientôt un site touristique ?

En partenariat avec Pays de Montbéliard Agglomération (PMA) et l’INRAP, le site participe aux journées de l’Archéologie, mais aussi aux journées européennes du Patrimoine. L’occasion de s’imprégner de la grandeur du site. « On a beaucoup de monde. Les gens restent la journée et vont d’ateliers en ateliers. On a des gens du pays de Montbéliard, mais aussi du Doubs, ça marche bien des deux côtés. Le service animation de PMA s’occupe des activités, mais je participe, je donne un coup de main. Cette année, on a créé un pôle métallurgie antique en partenariat avec l’université de technologie de Belfort Montbéliard (UTBM). C’est la première année qu’ils vont venir aider. On va aussi avoir un four pour faire des ateliers de poterie, confectionné par Fiona Moro (qui travaille sur les techniques anciennes de poterie, NDLR). »

Si l’événement ramène du monde, l’archéologue espère qu’un jour, le site pourra se développer davantage. « Le but est d’en faire un site touristique. Mais pour ça, il faut une structure d’accueil. Pour le moment, on n’a même pas un WC de disponible. C’est un projet auquel on croit beaucoup. C’est PMA qui s’occupe de ça. Un dossier est en cours d’instruction pour faire une structure d’accueil. Mais on avance, on a même un panneau sur l’autoroute.» Il y a plus de dix ans que le pays de Montbéliard a racheté les terrains environnants, dont une barre de HLM qui a été détruite dans l’idée de faire construire un pavillon. Pour le moment, rien n’est fait.

Seules les modélisations 3D permettent de s’imaginer à quoi pouvait ressembler le théâtre antique avant. Mais Pierre Mougin a déjà des projets : « Ici, les gens étaient affreusement riches à l’époque gauloise. Il y avait des élites, qui entretenaient des relations importantes avec l’empire. Les élites ont construit un apparat monumental que l’on a retrouvé par milliers de blocs, que l’on conserve dans un dépôt pour le moment. C’est notre point fort. L’idée, c’est de créer un pavillon avec une galerie lapidaire. On a pleins de blocs pour que les gens puissent se ré-imaginer l’espace et pas simplement de l’herbe comme on peut voir sur le site aujourd’hui. Surtout pour les enfants. » C’est un projet en suspens, mais en attendant, les journées de l’Archéologie, programmées ce week-end, permettent de maintenir vivante cette idée. Et c’est aussi l’occasion de participer à des ateliers d’« archéologie vivante », comme Pierre Mougin aime les appeler.

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