Sur la place de la Grande-Fontaine, à Belfort, Bernard Cuquemelle, ancien professeur d’histoire, attend Christophe Grudler, son ami, le député européen, journaliste et historien de formation. Et depuis 2015, p-DG des Editions du Lion. Il le rejoint rapidement. Dans la vitrine des Éditions du lion, qui se situe justement sur cette place, un ouvrage retient l’attention. Dans un format imposant, vêtu d’une robe rouge rubis, un livre est exposé dans la vitrine. Il s’agit du Livre d’or du siège de Belfort (1870-1871), érigé par les deux amis. Un livre tout neuf, sorti il y a à peine quelques jours en cette fin du mois de décembre, date de notre rencontre.
À l’étage, Christophe Grudler s’installe et saisit un exemplaire. Il sourit et s’enthousiasme : « Nous sommes… extrêmement contents ! », rapporte-t-il. L’ouvrage en question est un travail des deux hommes qui s’est étalé sur les cinq dernières années. Ce n’est pas leur premier bébé. Les deux hommes ont déjà publié deux ouvrages du même type, sur les enfants morts à Belfort pendant la Première Guerre mondiale ainsi que sur les enfants du Territoire de Belfort décédés pendant la Première Guerre mondiale. C’est d’ailleurs dans le même format qu’ils ont choisi d’éditer ce nouveau sujet. Un sujet qui s’est imposé naturellement, pour les 150 ans du siège de Belfort.
Lorsque l’on demande à Christophe Grudler comment il trouve du temps pour se consacrer à ce type de recherches, il rit. « En week-end, en soirée.» Bernard Cuquemelle, lui, est à la retraite. Il a passé un temps considérable dans les archives municipales, départementales. Sur internet. Au téléphone. Dans les cimetières. Dans les villages, à la recherche de monuments aux morts. Avec pour but : rendre hommage à la mémoire des 2 000 hommes et femmes françaises qui ont laissé leur vie dans ce combat, en tentant de dresser une biographie pour chacun, ainsi que les 500 soldats allemands identifiés, morts à Belfort ou près de Belfort. « Jusqu’ici, personne ne s’était encore intéressé aux hommes et femmes de ce combat », explique Christophe Grudler, qui de son côté, a profité de ses déplacements pour écumer les cimetières et les monuments aux morts, un peu partout en France, à la recherche de nouvelles informations sur les victimes du siège.
« L’histoire du siège de Belfort est extrêmement connue partout, mais il n’y a jamais eu d’inventaires des victimes, que ce soit du côté français ou allemand », relève Bernard Cuquemelle. Lors de ses quatre années, ils seront passés par Toulouse, Grenoble, ou encore en Allemagne, avec une attention particulière pour les villes le long du Rhône, où l’on retrouve des monuments intéressants car « l’union patriotique a été très active.» Retrouver tous ces hommes et ces femmes n’a pas été simple, racontent les deux historiens : absence d’actes de décès dans la plupart des cas, archives des régiments et des hôpitaux non retrouvées, soldats dispersés dans toute la France, fiches matricules non disponibles, etc…
Un recueil d’anecdotes et d’histoires
Dans cet ouvrage, les deux hommes ont d’abord fait preuve de rigueur. En cherchant avec exactitude les moindres détails sur chacun des hommes et femmes de ce conflit pour dresser une biographie de chacun. Mais au-delà des noms, les hommes ont cherché à dépeindre au mieux les histoires originales, touchantes, parfois dures, qu’ils ont pu retrouver au cours de leurs recherches.
Ils y parlent des tirailleurs toulousains, qui se sont rendus à Belfort lors de ce siège pour combattre, et qui conservent dans leur ville de nombreux monuments honorifiques à l’effigie de cette bataille. Ils y parlent d’Adolphe Thiers, président de la République française de 1871 et 1873, et expliquent pourquoi il était considéré comme un « véritable dieu à Belfort ». Ils y dépeignent les destins méconnus du siège. Celui du préfet Lépine, du lieutenant Georges Ancely, qui a photographié les défenseurs de Belfort et qui a constitué sans le savoir une base photographique exceptionnelle pour les archives. Celui de femmes, aussi, déguisées en homme pour combattre. Celle de la femme qui a logé des mobiles du Rhône et qui s’est installée là-bas ensuite avec leurs aides, en y montant son propre restaurant.On pourra découvrir la véritable histoire de la veuve de Belfort. Ou l’histoire de la messagère de Belfort, découverte par hasard en retrouvant son nom dans un cimetière.
« Tout ça, ce fut un travail de fourmi », acquiescent les deux hommes en souriant. « On peut dire que l’on aura passé chaque week end ensemble, les quatre dernières années, pour que le projet se concrétise. Sans compter les soirées au téléphone ! », se remémore Bernard Cuquemelle. Un travail qui aura permis la publication d’un livre de 264 pages, tout en couleur. Avec des images d’illustrations d’archives nombreuses. « Ce que l’on fait, c’est de la nouvelle histoire », analyse Bernard Cuquemelle, qui se réjouit de pouvoir publier ce travail de recherche. « Tout cela va contribuer aux mémoires. Nous avons retrouvé de nombreuses familles qui n’avaient pas du tout connaissance que leur ancêtre avait participé au siège de Belfort », raconte Christophe Grudler. Est-ce que l’histoire s’arrête ici ? Pas vraiment. Les deux amis s’imaginent déjà ressortir une version actualisée, grâce à de nouveaux documents qui auraient pu émerger dans les familles en entendant parler du bouquin. Et ils travaillent déjà sur un prochain ouvrage, qui portera sur la Seconde Guerre mondiale. Les recherches sont déjà en cours.
Ouvrage à retrouver aux Editions du Lion, dans les librairies, ou bien en cliquant ici.