La mention « Belfort 1870-1871 » est désormais inscrite sur le drapeau du 35e régiment d’infanterie, stationné à Belfort depuis 1873. Retour sur cette prestigieuse résistance, alors que le Territoire de Belfort célèbre ce vendredi 11 mars son 100e anniversaire, évènement qui découle directement de ces faits d’armes.
La mention « Belfort 1870-1871 » est désormais inscrite sur le drapeau du 35e régiment d’infanterie, stationné à Belfort depuis 1873. Retour sur cette prestigieuse résistance, alors que le Territoire de Belfort célèbre ce vendredi 11 mars son 100e anniversaire, évènement qui découle directement de ces faits d’armes.
103 jours de siège. Du 3 novembre 1870 au 13 février 1871. 73 jours de bombardement, dès le 3 décembre. 100 000 projectiles tirés sur Belfort. 700 maisons ou immeubles détruits. 1 600 morts, dont 300 civils, et 2 000 victimes prussiennes. 151 ans après, le symbole persiste : Belfort résiste.
Si Belfort se rend, en février 1871, la cité n’est pourtant pas vaincue. Le jeune gouvernement républicain autorise la reddition de la place, alors que la situation est désespérée et que « l’on se prépare à organiser une défense à outrance », rappelle le 35e régiment d’infanterie. La ville fait bloc derrière ses unités combattantes, menées par le colonel Aristide Denfert-Rochereau. Les défenseurs de Belfort peuvent finalement quitter la cité les armes à la main, la veille de l’entrée des troupes prussiennes, le 18 février, par la porte de Brisach.
Défense acharnée
Pendant le siège, le 35e régiment de marche est le fer de lance de la défense de Belfort. Il a été formé sur les cendres de la défaite de Sedan par décret, le 3 octobre 1870 à Belfort, avec des éléments des 45e et 84e régiments de ligne. De son côté, le 35e régiment de ligne a participé à la défense de Paris. En 1871, le 35e régiment de marche est dissout ; ses traditions sont transmises au 35e régiment de ligne, qui devient alors le 35e régiment d’infanterie. Il s’installe à Belfort en 1873. L’actuel régiment belfortain, qui a la particularité d’être le régiment de France à l’implantation la plus ancienne dans la même garnison, dispose donc d’une filiation avec les défenseurs de Belfort.
Pendant le siège, les faits d’armes du régiment sont légion. Le 15 novembre, le colonel Denfert-Rochereau « décide d’une sortie d’envergure dans le but d’enlever le village de Bessoncourt », rappelle le régiment dans un dossier de presse détaillant cette démarche de l’inscription au drapeau de la mention « Belfort 1870-1871 ». Cette tactique permet de ralentir les troupes prussiennes et de protéger la retraite des gardes mobiles. À de multiples reprises, les unités du 35e régiment de marche mènent des actions d’éclat, comme dans le bois de Bavilliers, au mois de décembre. Elles repoussent aussi des attaques, notamment au fort des Perches de Danjoutin, en janvier 1871. Après 65 jours de siège, un tiers des effectifs du régiment est déjà hors de combat, tués, blessés ou prisonniers.
Cette résistance s’inscrit dans un contexte bien particulier. Après la chute du Second Empire et la proclamation de la République, le jeune régime ne dépose pas les armes. « Le gouvernement de défense nationale demande le maintien des combats », rappelle le général Éric Bellot des Minières, inspecteur général des Armées, qui a présidé la cérémonie d’inscription de la mention au drapeau, ce mardi 8 mars, au cœur de la vieille ville. « La IIIe république se construit sur les fonts baptismaux de la résistance », confie-t-il.
Trouble politique et mémoire oubliée
Après le siège, « aucune reconnaissance collective n’est venue saluer le courage et le mérite des hommes du 35, qui ont pourtant défendu la ville de Belfort tout le long du siège malgré́ les pertes lourdes dans leurs rangs », constate le 35e régiment d’infanterie, qui a lancé la démarche de révision patrimoniale, sous la conduite du colonel Jean Augier, alors chef de corps du 35e régiment d’infanterie (2019-2021).
Pourtant, les pompiers de Belfort ont une inscription de cet évènement à leur drapeau et la ville de Belfort a reçu la Légion d’honneur, en 1896. Le Lion de Belfort salue aussi cette résistance. « Les combats politiques et partisans du début de la IIIe République ont empêché́ une reconnaissance des combats pour la défense de Belfort », analyse le 35e régiment d’infanterie. « La vision républicaine symbolisée par la figure de Léon Gambetta, prônait la résistance à outrance contre l’envahisseur allemand », ajoute-t-il. Et honorer cette résistance, c’était pointer du doigt ceux qui avaient perdu à Sedan et à Metz.
Les mentions du 35e RI
Le drapeau du 35e RI comporte désormais 11 inscriptions : Wagram 1809, La Moskova 1812, Alger 1830, Sébastopol 1855, Belfort 1870-1871, Alsace-L’Ourcq 1914, Champagne 1915, Verdun 1916, Reims 1918, Résistance Bourgogne 1944, Afrique du Nord 1952-1962.
En 1880, quand sont distribués les drapeaux régimentaires, les souvenirs de la défaite sont encore vifs ; et les positions politiques du colonel Denfert-Rochereau (Républicain et libéral) « ne lui octroyaient pas de particulière mansuétude de la part de l’Assemblée de l’époque », suggère le régiment, rappelant la place des Monarchistes dans sa composition. La cohésion de l’armée était aussi « mise à mal » à la fin du XIXe siècle, marqué par l’affaire Dreyfus ou la crise boulangiste. On ne voulait pas raviver les plaies, rappeler l’humiliation et mettre de l’huile sur le feu avec l’Allemagne naissante (l’empire allemand est créé le 28 janvier 1871).
« Cette situation a duré jusqu’à la Première Guerre mondiale qui a ensuite balayé la défaite de la guerre franco-prussienne mais aussi occulté les sacrifices de l’époque », analyse le dossier, écrit par le sous-lieutenant Andreas, chargé de mission histoire et tradition au 35e régiment d’infanterie.
Symbole de défense nationale
Cette défense héroïque est un fondement mémoriel de l’histoire de Belfort. Et la cité l’a cultivé. Cette résistance a son symbole, le Lion. Mais il n’y avait pas de symbole militaire. « Cela manquait », convient le colonel Jean Augier, présent ce mardi 8 mars et « très ému » de voir cette démarche se concrétiser. « Honorer le souvenir des hommes du 35e de marche apparait comme légitime et nécessaire », insiste le régiment, qui a reçu un fort soutien politique des parlementaires locaux. « C’est un juste retour des choses », valide le général.
« Inscrire un nom sur un drapeau reste un acte exceptionnel », replace le général Éric Bellot des Minières. Cette inscription a été obtenue après une longue étude du dossier et est accordée par la ministre des Armées (lire notre article). « Cette inscription supplémentaire entrera en résonnance avec l’autorisation accordée par le Président de la République Félix Faure à la ville de Belfort d’orner, dès 1896, ses armoiries des insignes de la Légion d’honneur », avait écrit à ce sujet Florence Parly, ministre des Armées, en mai 2021, lorsqu’elle avait autorisé la démarche.
« Ce symbole de défense nationale est très actuel », estime surtout le général Éric Bellot des Minières, qui ne peut pas occulter la situation en Ukraine. « La défense de Belfort n’est pas le fait des seuls militaires », reconnait-il. De poursuivre : « C’est parce que les Belfortains ont voulu résister que Belfort a résisté. » Une mobilisation notamment incarnée par le maire, Édouard Mény. « Si vous avez le sentiment d’avoir une classe politique, une classe intellectuelle qui veut s’engager, vous aurez les bras armés », assure le général au Trois, en marge de la cérémonie. « La France ne peut pas être défendue sans les Français », estime-t-il. Et de conclure : « Aujourd’hui, plus qu’hier, c’est le symbole à retenir. »