Les Eurocks, ce sont des moments à 30 000 personnes devant une scène, comme jeudi soir, pour Iron Maiden, où une marée humaine se meut devant des artistes de renommée mondiale. Et les Eurocks, ce sont aussi des moments intimistes. Comme lundi, où des personnes en situation de handicap ont pu assister à un concert en avant-première d’Akira (No face) (lire son interview ici). Et comme ce vendredi. Le rendez-vous était donné à l’Ehpad Le Chênois de Bavilliers.
Ils sont une centaine, installés en silence dans la salle de réception de l’Ehpad Le Chênois à Bavilliers. Certains en fauteuil roulant, d’autres les mains croisées sur les genoux. Tous ont les yeux rivés vers la jeune femme entrée simplement, guitare en bandoulière, vêtue d’un jean et d’un petit haut vert. Mary Middlefield, musicienne suisse au folk mélodique, entame ses premières notes. En quelques instants, le silence laisse place à l’émotion.
Durant 45 minutes, l’artiste déroule ses ballades folk-rock et ses chansons pop. Des titres en anglais, portés par une voix douce et cristalline. Ici, pas de cris, pas de slam ni de pogos. Juste un public attentif, conquis. Une résidente lève les bras pour applaudir, un peu en décalé. Un homme se lève, lentement, pour se rapprocher. Sur une joue, une larme coule.
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« J'ai un peu envie de chialer »
« C’est la première fois que l’on fait un concert dans un Ehpad, c’est important pour nous de donner du sens », confie Hervé Casteran, responsable de la communication des Eurockéennes. « L’an dernier, on était en prison. Le but est d’ouvrir la culture à ceux qui en sont éloignés. Montrer que les Eurocks, ce n’est pas qu’un concert à 30 000 personnes devant Iron Maiden. »
Parmi les résidents, Jeanne est ravie. « C’est si beau », souffle-t-elle. À côté, son amie Ione, 95 ans, a retrouvé le sourire : « À mon âge, on ne se rappelle même plus du dernier concert qu’on a fait… Mais vous savez, j’ai adoré. Je n’ai pas osé demander une photo à l’artiste. » Qu’à cela ne tienne. Mary Middlefield revient aussitôt vers elle, guitare rangée, pour un cliché souvenir. Encore bouleversée par le moment, elle confie : « J’ai un peu envie de chialer. C’était vraiment intense émotionnellement. C’était un public mignon, attentif. Ça touche autant que ça broie… Ce sont des personnes qui vivent des situations très dures. Un public qui n’a pas accès à grand-chose. Ça fait plaisir de leur offrir un petit moment, même si ce n’est que 45 minutes. »
Elle-même n’était pas sûre d’être « la bonne candidate » pour ce type de concert : « Je suis la plupart du temps en train d’hurler, de danser, je me pointe à moitié dénudée… Mais ça m’a permis de retrouver mes morceaux comme je les ai conçus au départ, avec ma guitare. » C’était la première fois qu’elle se produisait seule, sans ses musiciens, juste elle et sa guitare. Un retour à l’essence même de sa musique.
Samedi, elle retrouvera l’effervescence du festival, sur la scène de la Loggia, à 17h. Pour ses toutes premières Eurockéennes, Mary Middlefield aura commencé là où personne ne l’attendait : dans un Ehpad.