11 janvier 2023. Une date à la symbolique forte. On a clos ce mercredi les évènements du centenaire du Territoire de Belfort (nos articles), né en mars 1922. Mais cela n’a pas été fait n’importe quand : le jour du bicentenaire de la naissance d’Aristide Denfert-Rochereau, défenseur de la place de Belfort en 1870-1871, évènement historique précurseur de la naissance du 90e département français. Pendant 103 jours, le colonel a organisé la défense de la place, assiégée par les Prussiens. La reddition est ordonnée, mais les soldats quittent la ville sans avoir perdu.
Ce mercredi matin, le conseil départemental a dévoilé une œuvre d’art magistrale, imaginée par Philippe Lebru et son équipe d’Utinam, une manufacture contemporaine d’art horloger basée à Besançon (Doubs), en présence de Jean-Paul Denfert-Rochereau, arrière-arrière-petit-fils du colonel. La Marche du lion est un lion mécanisé. L’œuvre trône sur un socle de 1,2 m de hauteur. D’une longueur de 2,2 m et pesant 100 kilos, l’animaloïde, d’une hauteur d’1,3 mètre,des pattes au sommet de la tête, reproduit la marche du félin. 35 pas en 3 minutes, pour lui donner de la prestance. Surtout que le lion avance d’abord tranquillement, puis accélère, avant de ralentir. La tête et la queue balance au rythme de la marche.
Plus de 1 500 pièces composent cette œuvre, associant savamment savoir-faire horloger et micromécanique ; Philippe Lebru est bien connu pour ses œuvres d’art horlogères. Localement, il a réalisé l’horloge située sur le fronton du musée des beaux-arts de Besançon. Mais il est aussi présent à Los Angeles, Genève, Paris, Singapour ou encore Tokyo.
Performance technique et esthétique
« C’est une réalisation stupéfiante », a validé le descendant de Denfert-Rochereau, rappelant les vertus morales de son aïeul : dévouement, désintéressement, courage, patriotisme, liberté d’esprit. Autant de traits d’un caractère fort qu’il a tracé en citant une lettre de l’épouse du colonel Denfert-Rochereau ou la notice d’un ouvrage de l’école Polytechnique à laquelle a appartenu Aristide Denfert-Rochereau. Des mots prononcés non sans émotion. Autant de valeurs que voulait transmettre Philippe Lebru, en valorisant le lion, « la signature de ce territoire ». Une signature que l’on retrouve aussi dans le pays de Montbéliard, avec Peugeot, qui arbore fièrement un lion sur ses carrosseries. Et c’est à Montbéliard qu’est enterré Aristide Denfert-Rochereau. Philippe Lebru voulait mettre en mouvement ce lion qui fait la fierté de ce territoire. « Je voulais sortir le lion de sa pierre », indique-t-il. Ainsi, avec ce premier automate qu’il réalise, il honore Denfert-Rochereau, dit le lion de Belfort, et Bartholdi, qui a sculpté le Lion installé fièrement en contrebas de la citadelle, élue monument préféré des Français en 2020.
« Le colonel Denfert-Rochereau a sauvé l’honneur de la France et de l’armée », rappelle Florian Bouquet, président Les Républicains du conseil départemental du Territoire de Belfort. Sa résistance a permis de verrouiller la porte de Bourgogne. Mais celui qui était animé par « la flamme républicaine », « n’a pas reçu les honneurs qu’il méritait à la fin du conflit », déplore-t-il. « Il a permis de faire résonner l’histoire de notre ville avec l’histoire de la France », a complété Delphine Mentré, adjointe au maire de Belfort, en charge de la culture ; 220 000 visiteurs viennent à la citadelle de Belfort chaque année.
L’œuvre d’art doit repartir à Besançon pour être finalisée, surtout après la petite casse intervenue quelques heures avant sa présentation, empêchant le lancement du mouvement. C’est le lot d’une œuvre unique, qui pose des défis à chaque étape de sa construction. « C’est quelque chose qui relève de la performance », insiste Philippe Lebru. Une performance autant esthétique que technique. Un an de travail a été nécessaire pour la réaliser. Et pour être fidèle, l’équipe d’Utinam, a étudié la démarche du lion et observé son squelette, pour mieux le représenter. « Le projet proposé par Philippe Lebru est en parfaite adéquation avec ce qu’est notre département, confie finalement Florian Bouquet. Un territoire en pointe dans le domaine de l’innovation tout en étant un ardent défenseur de sa propre histoire. »