Béret vissé sur la tête, lunettes en bois et chemise à fleurs, Patrick Plaisance arrive, le sourire aux lèvres, à la Maison pour tous de Bavans. C’est un lieu qu’il connaît bien désormais, en cette chaude journée d’août 2024. En 2021, le directeur artistique de la compagnie Moulinage Cie, est allé à la rencontre de 23 personnes pour obtenir leurs témoignages, la connaissance qu’elles ont du quartier Champerriet, d’avant et de maintenant. Sept retraités, six habitants du quartier Champerriet, des membres d’associations, des travailleurs sociaux, des institutions, un élu, et des habitants de la commune.
Cet exercice lui est familier. Son premier spectacle a eu lieu en 2004. Il l’a conçu comme un sociologue, un journaliste, sur les mémoires ouvrières du pays d’Héricourt. Son mode de fonctionnement pour ses pièces est toujours sensiblement le même : recueillir le témoignage, et concevoir des spectacles sur la mémoire de ceux qui ont vécu les moments.
À Champerriet, il découvre le travail fait avec les habitants de quartier, par Marie-Pascale Guyon, professeure à l’IUT. Celle-ci a écrit sur ce collectif d’habitants. « Elle m’a conseillé de raconter cette histoire par le prisme du théâtre », raconte-t-il (découvrir l’histoire dans la partie I). C’est ce qu’il fait. Il y apprend comment six habitants se sont constitués en collectif, puis en association, pour faire renaître un quartier abîmé par la démolition de ses tours, par la déconstruction de ses services publics. Patrick Plaisance les a écoutés. Tous, sans exception. En passant par la maire, la directrice de l’ancienne crèche, les salariés de la Maison pour tous. « Ensuite, le but a été de ne pas toucher à l’écriture. Je n’ai rien réécrit pour que ce soit joli », raconte-t-il.
Une tournée avec capitale française de la culture
Il ne connaissait pas Bavans autrefois. En venant rencontrer les habitants, il a su directement. « J’ai su que j’allais faire quelque chose. »
Pendant un an, Patrick Plaisance et sa troupe s’imprègnent des six personnages. Et montent en actes l’histoire de l’émergence du collectif, les étapes-clé de la montée en puissance de leur engament citoyen. « Beaucoup de répétitions se sont tenues au cœur du quartier, ce qui a permis de montrer aux habitants que leur parole avait de la résonance », raconte-t-il.
Il y a eu une première représentation. Dans la cour de l’ancienne école, un an plus tard. La fédération nationale des centres sociaux s’y rend, la retient dans le cadre de son congrès national et demande à ce qu’elle soit jouée à Lille, du 11 au 14 mai 2023.
Cela se fait. Le collectif est ravi de voir l’ampleur que cela prend. Puis finalement, il y a la volonté de continuer, encore, à faire vivre la pièce. Avec au cœur, la volonté d’insuffler partout la notion d’éducation populaire. « Avant, je n’avais pas conscience de la puissance de la culture », confie Nevin, directrice de la Maison pour tous, qui a accompagné depuis le début le collectif. « Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Et la pièce a remobilisé le collectif. » Patrick Plaisance postule pour que la pièce soit jouée dans le cadre d’une tournée pour Capitale française de la culture. Le dossier est accepté.
La première représentation a eu lieu le 5 octobre, à Bavans. Six autres représentations seront encore jouées, d’ici le 2 novembre. A Pont-de-Roide, Montbéliard, Sochaux, Audincourt. On vous invite à y aller. C’est un spectacle construit autour de la parole des habitats de ce quartier de Bavans, « qui parle de là où on habite et qui fait écho en chacune et chacun d’entre nous, parce que nous habitons tous quelque part », lit-on dans un des rapports d’activité de la Maison pour tous de Bavans. Et qui résonne pour ceux qui y habitent encore, rencontrés cet été. [Troisième et dernière partie à lire ici]