Depuis 2018, l’IUT de Belfort-Montbéliard propose au printemps à 25 de ses étudiants de suivre un module d’enseignement libre (MEL) consistant à vivre une préparation militaire découverte (PMD).
Depuis 2018, l’IUT de Belfort-Montbéliard propose au printemps à 25 de ses étudiants de suivre un module d’enseignement libre (MEL) consistant à vivre une préparation militaire découverte (PMD). Iouri Bernache-Assolant, maître de conférence en psychologie sociale, a mené une démarche expérimentale pour connaître l’influence de ces immersions sur soi et son rapport aux autres. Il a finalisé son étude et livre les premières conclusions. Entretien.
Pourquoi avoir organisé cette étude ?
Xavier Greffoz (lire par ailleurs) m’a sollicité, car il souhaitait avoir des indicateurs pour savoir s’il se passait quelque chose pendant ces périodes d’immersion militaire. Il m’a donc demandé de construire un questionnaire. On répondait aux mêmes questions en entrant dans le stage et à la fin. Et on regardait si les indicateurs bougeaient.
Qu’avez-vous regardé ?
Cette immersion a-t-elle des conséquences sur l’image de l’estime de soi ? Y a-t-il un renforcement à ce niveau ? Dans ce cadre, c’est du niveau intra-individuel. C’est propre à chacun. Ensuite, nous avons regardé des variables inter-individuelles et intra-groupe. L’effectif était composé de 25 personnes. L’idée était d’avoir accès à la façon dont on se représentait le groupe et comment cela évoluait. Par exemple, les étudiants devaient répondre à la question suivante : « Je me sens très lié au groupe de la PMD. » Chaque étudiant devait se positionner par rapport à une échelle de 7 intervalles : 1, on ne se sent pas du tout lié ; et 7, on est totalement lié. Nous avons aussi mesuré la perception de la cohésion du groupe, l’un des objectifs de ces formations. Nous avons également regardé l’auto-perception de leadership : comment chacun des participants s’est senti potentiellement leader du groupe, pour voir éventuellement s’il sort de sa zone de confort, voire s’il est amené à se découvrir leader. Nous avons, par la suite, évalué leur niveau d’identification à la France, en étudiant les mesures de nationalisme – une vision dominatrice – ou de patriotisme. La dernière mesure consistait à sonder les envies de poursuivre dans l’armée.
Quelles sont les principales conclusions ?
D’un point de vue statistique, on manque de puissance, car nous n’avons qu’un groupe de 25 étudiants. C’est un peu juste pour tirer des conclusions. Mais nous observons peu de variations dans le niveau intra-individuel. Il y a peu d’effets de la préparation militaire sur l’estime de soi. C’est très stable, mais le niveau était élevé à la base. On a aussi regardé l’émotion. On mesurait la colère, la fatigue, la tension, la confusion ou encore la dépression. On observe, à la fin de l’immersion, une baisse du niveau de tension. Cela signifie que les étudiants ont trouvé des repères au fur et à mesure de la PMD. Cette tension initiale était sûrement due à l’appréhension en arrivant dans ce nouveau contexte.
Quels sont les résultats les plus probants ?
Il y a une différence significative dans la mesure d’identification au groupe. Au bout de cinq jours, les étudiants se sont identifiés au groupe PMD. On observe également une augmentation de la perception de la cohésion du groupe. Autre conclusion intéressante : les participants se sont davantage perçus comme étant leader du groupe. Cette formation semble bien fonctionner pour la vie du groupe. Il semble y avoir la création d’une identité sociale, avec ce que cela implique en termes de communication, de solidarité, même si cela s’est fait dans un laps de temps très court et avec des étudiants issus d’horizons différents.
Quel rapport avec l’armée et la nation observe-t-on ?
Il n’a pas beaucoup bougé, même s’il y a une tendance à se sentir davantage français ; les symboles véhiculés dans ce contexte ont permis de renforcer cette identité. Il n’y a pas, en revanche, de variation sur les questions de nationalisme ou de patriotisme. En regardant les moyennes, on observe que les stagiaires ont plutôt une vision patriotique que nationaliste ; une vision d’amour pour son pays. Sur les mesures d’engagement, des étudiants ont manifesté vouloir poursuivre sur cette forme d’engagement (la réserve opérationnelle).
Le contexte sécuritaire peut-il influer ?
Les attentats ont pu augmenter ce sentiment. Dans un contexte menaçant, on a tendance à se replier sur son groupe, à chercher une protection et donc à augmenter son niveau d’identification. C’est plutôt un élément d’identification bienveillant et non pas une volonté de domination.
- Iouri Bernache-Assolant appartient également au laboratoire des dynamiques relationnelles et processus identitaires (Psy-DREPI) de l’université de Bourgogne-Franche-Comté.
Sensibiliser à la réserve opérationnelle
Cette préparation militaire s’appuie sur une idée mise en place par l’école supérieure des technologies et des affaires (Esta). En début d’année scolaire, les nouveaux étudiants suivent ce type de stage. L’IUT le met en place depuis le printemps 2018, sous l’impulsion de Xavier Greffoz, enseignant vacataire du département techniques de commercialisation. En 2019, cela a été reconduit et ça le sera en 2020. « Ce que je cherche, confie Xavier Greffoz, c’est de susciter une forme d’intérêt vis-à-vis de la réserver opérationnelle, de la chose militaire et des valeurs patriotiques. » Xavier Greffoz est lui-même réserviste, au sein de la délégation militaire départementale (DMD). Tous les étudiants de l’IUT Belfort-Montbéliard, de tous les départements, peuvent y participer. « L’idée est aussi de proposer une formation de type team-building », relève l’enseignant-vacataire. Et cela permet-il de recruter de nouveaux réservistes ? Pas facile à savoir. « Il y a quelques semaines, j’ai fait une conférence sur le maquis de la Planche des Belles-Filles à Ternuay à des réservistes qui étaient en stage. Et il y en avait deux, sur les quinze, qui avaient participé à la première édition de ce module d’enseignement libre », se souvient Xavier Greffoz. Le module a donc eu de l’écho. Ce dispositif est coordonné par la délégation militaire départementale, dirigée par le lieutenant-colonel Pierre Petey, en partenariat avec le 35e régiment d’infanterie. Le 10 décembre, l’IUT Belfort-Montbéliard, l’UTBM et l’Esta ont reçu le label Partenaires de la défense par le ministère des Armées.