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Damien Meslot : « Peu de régions ont un maillage industriel, une volonté politique et des laboratoires de recherche »

Damien Meslot, maire de Belfort, président du Grand Belfort et président du pôle métropolitain Nord-Franche-Comté.

Damien Meslot (LR), maire de Belfort et président du Grand Belfort, s’attarde sur le développement de l’hydrogène énergie. Celui qui vient d’être élu président du pôle métropolitain détaille les projets en cours, s’arrête sur les freins, notamment liés aux aides de l’État. Au cœur de cette interview : quelle place pour le nord Franche-Comté dans le déploiement de cette technologie ? L’élu donne sa vision et ses ambitions, qui s’appuient sur six projets clés. Selon lui, il faut déjà se concentrer sur ces projets.

Damien Meslot (LR), maire de Belfort et président du Grand Belfort, s’attarde sur le développement de l’hydrogène énergie. Celui qui vient d’être élu président du pôle métropolitain détaille les projets en cours, s’arrête sur les freins, notamment liés aux aides de l’État. Au cœur de cette interview : quelle place pour le nord Franche-Comté dans le déploiement de cette technologie ? L’élu donne sa vision et ses ambitions, qui s’appuient sur six projets clés. Selon lui, il faut déjà se concentrer sur ces projets.Après, ça doit suivre.

Que représente l’hydrogène dans le nord Franche-Comté ?

Le nord Franche-Comté bénéficie, dans le domaine de l’hydrogène, d’un écosystème territorial historique développé, et dont l’origine était la fédération de recherche FC Lab, qui travaille sur la pile à combustible depuis 1999. Cet écosystème a été dynamisé par les échanges opérés entre industriels, universitaires et politiques. Je crois en l’avenir de l’hydrogène-énergie et c’est pourquoi j’ai engagé une démarche proactive visant à pleinement intégrer les collectivités publiques dans la création de la filière industrielle de l’hydrogène-énergie. Pour être à la fois acteur de cette filière, mais aussi soutenir les autres acteurs. Nous avons profité du plan d’investissement d’avenir (PIA), avec le projet Tiga (Territoire d’innovation et de grandes ambitions, NDLR), pour développer un certain nombre de choses autour de l’hydrogène. Nous allons tourner autour de la fédération de recherches FC Lab ; son responsable a eu la médaille de l’innovation du CNRS, une très grande distinction (Damien Meslot évoque la médaille obtenue par Daniel Hissel. Toutefois, depuis janvier, il ne dirige plus le FC Lab. C’est Marie-Cécile Pera, NDLR). [Cette filière repose sur] la création, par Hynamics, d’une filiale d’EDF, d’une station de production et de distribution d’hydrogène décarbonné à destination des voitures, des bus et des poids-lourds, sur la création par le SMTC d’une flotte de bus à hydrogène, la création par Rougeot Énergie de l’institut national sur le stockage de l’hydrogène (Isthy) – un centre mondial, il n’y en a que cinq dans le monde –, la création par Faurecia d’un centre d’expertise mondial sur les réservoirs à hydrogène, le développement par Alstom de locomotives à hydrogène pour le fret, et la construction par Territoire Habitat de logements tirant leur énergie de l’hydrogène. Le coût global de ces projets est estimé à plus de 36 millions d’euros (hors Alstom et Faurecia).

Beaucoup de régions se positionnent. On entend parler du Grand Est, de l’Aquitaine. On sait avec qui on y va (FC Lab, Alstom, Faurecia…), mais sur quoi veut-on réellement placer le nord Franche-Comté ? Sur quelle partie de la chaîne de valeur veut-on aller ?

Tout le monde veut aller sur l’hydrogène. Tout le monde saute sur sa chaise comme un cabri en disant : « L’hydrogène, l’hydrogène, l’hydrogène ! » Qui a, à la fois, les centres de recherche comme le FC Lab, les industries comme General Electric, Alstom et les start-ups qui tournent autour de l’hydrogène et la volonté des collectivités. Il faut, à mon avis, associer les trois. Et je pense que très peu de régions ont, à la fois, un maillage industriel, une volonté politique et un maillage de laboratoires de recherche, qui ont une vraie expertise dans l’hydrogène. C’est ce qui fait la particularité du nord Franche-Comté par rapport aux autres régions.

Quand on parle d’hydrogène, on parle souvent des usages. En l’occurrence, la création de richesse et d’industrie ne se fait pas forcément que sur les usages. Sur quoi peut se placer le territoire, en dehors de l’utilisation d’une flotte de bus. Que doit fabriquer le territoire, dans la technologie de l’hydrogène, qui serait créateur de valeur ?

Nous avons les bus à hydrogène, mais ce n’est pas un développement industriel, je suis d’accord avec vous. La production d’hydrogène, ce n’est pas un développement industriel, encore que, ça permettra aux bus, aux voitures, mais aussi aux industries de se ravitailler en hydrogène vert.
Le projet d’Alstom de locomotive fret à hydrogène, c’est un projet à 41 millions d’euros ; là-dessus, l’État, par son plan de relance, son plan hydrogène, les collectivités territoriales (la Région et le Grand Belfort), se mobilisent pour permettre que ce projet soit développé à Belfort. À terme, cela peut représenter des gros marchés et beaucoup d’emplois. Ce que nous faisons, c’est difficile pour les gens de s’en rendre compte. C’est un projet à quelques années. Nous faisons un pari sur l’avenir. C’est le même pari qu’avait fait – toute proportion égale par ailleurs – le général De Gaulle sur Ariane Espace et Airbus. Cela avait été lancé par des collectivités territoriales et des industries, mais avec une aide forte de l’État. Et là, nous espérons une aide forte de l’État. Et une aide des collectivités. Pour le moment, ce qui est le plus compliqué, c’est qu’il y a beaucoup de communication. Tout le monde veut parler de l’hydrogène, parce que c’est une mode.

On parait intelligent…

Souvent, il y a des gens qui parlent, mais qui ne savent pas de quoi ils parlent. Mais on s’en aperçoit rapidement. Chacun explique après qu’il peut amener des choses. Maintenant, je mets les gens au pied du mur. Je dis à l’Europe, je dis à l’État : « Vous dites que vous avez des plans de relance. D’accord. Voilà nos projets, ils sont prêts. Vous amenez combien ? » Pour le moment, nous n’avons de sous de personne.

"Je crois en la politique. Pour que cela marche, il faut que ce soient les politiques qui conduisent. Tous les grands programmes qu’a connus la France, c’était sous une impulsion politique"
Damien Meslot
Maire de Belfort

Vous avez évoqué les projets, les industriels, la recherche. Quelle compétence aimeriez-vous amener en plus dans ce territoire ? Estimez-vous qu’il y a un manque qu’il faudrait combler ?

Je vais vous répondre différemment. Je pense qu’il faut déjà enclencher nos projets, parce que, pour le moment, nous avons du mal. Il faut que l’État verse sa contribution, ce que pour le moment, il n’a pas fait; mais je ne désespère pas. Je crois encore un peu en la parole de l’État. À partir du moment où nous aurons développé des choses, nous allons attirer d’autres personnes. Nous avons par exemple H2sys, qui fait des groupes électrogènes à l’hydrogène, et qui est implantée. Une belle start-up. D’autres gens nous ont contactés. Nous voyons bien, qu’à partir du moment où l’on crée un écosystème autour de l’hydrogène, va se greffer autour toute une série d’autres industries.
Je pense qu’il faut arrêter de parler, il faut arrêter de faire de grandes conférences et de se gonfler comme des paons en parlant de l’hydrogène. Il faut agir. Il faut que, concrètement, nous montrions ce que nous sommes capables de faire. Il faut qu’Isthy sorte de terre. Il faut que la plateforme Hynamics sorte de terre. Il faut que nos logements sortent de terre. Il faut qu’Alstom avance. Quand tout ça aura commencé à exister, cela va agréger autour un certain nombre de choses.

Tiga, dans le nord Franche-Comté, ce sont 29 actions, pour un investissement de près de 70 millions d’euros, avec des subventions et des aides de l’État qui étaient estimées à l’époque à une quinzaine de millions d’euros, soit un peu moins de 25 % de l’enveloppe. Aujourd’hui, un projet comme Isthy à Fontaine, porté par Rougeot, a-t-il son financement bouclé ?

Oui, le projet va être financé.

Avez-vous un calendrier ?

Isthy, mise en service prévue en 2022, pour un coût de 5,7 millions d’euros. Et nous avons quasiment bouclé le financement.

Pour Hynamics…

Nous sommes encore en discussions. Ce qui fait discussion pour le moment, c’est le prix de l’hydrogène, au kilo. Hynamics voudrait nous le vendre bien cher !

Ils le produisent comment, leur hydrogène ?

À partir de l’électrolyse de l’eau.

La production de l’hydrogène sera-t-elle faite à Danjoutin, au niveau de la station ?

Sauf erreur de ma part, elle fabriquera l’hydrogène par un procédé qui sera associé aux énergies renouvelables. Il s’agit d’un élément central, puisqu’elle pourra alimenter les futurs bus du réseau Optymo. Ce sera produit sur place.

"Je crois en l’avenir de l’hydrogène-énergie et c’est pourquoi j’ai engagé une démarche proactive visant à pleinement intégrer les collectivités publiques dans la création de la filière industrielle de l’hydrogène-énergie"
Damien Meslot
Maire de Belfort

En 2023, vous souhaitez qu’Optymo ait une partie de sa flotte en bus à hydrogène. Vous attendez une subvention de l’Ademe. Où en sommes-nous sur ce dossier ?

Je dois rencontrer les gens du SMTC dans les jours qui viennent, pour que nous puissions voir où cela en est. Le coût d’un bus à hydrogène est de 600 000 euros ; un bus normal, c’est autour de 300 à 350 000 euros. Le surcoût est de 8 millions euros.

Ghislain Montavon, le directeur de l’UTBM, estime que nous avons une fenêtre de douze à dix-huit mois pour nous positionner (relire son interview). Et qu’il ne faut pas rater ce rendez-vous. Qu’en pensez-vous ?

Nous sommes clairement dans le bon timing. Nous avons lancé les choses ; nous sommes déjà engagés. Bien sûr, plus vite on avance, mieux c’est. Autant l’État ne s’engage pas, autant la Région – même si nous n’avons pas la même vision politique – est plutôt pushing. Nous allons faire un Salon sur l’hydrogène (les 13 et 14 janvier 2021, NDLR) qui sera porté par la Région et le Grand Belfort, qui va nous permettre d’avancer. Nous avons défini un certain nombre de choses, il faut avancer dessus. Il faut être très pragmatique.

Nous avons vu la construction de consortium, notamment pour l’Airbus de la batterie. On l’évoque aussi pour un airbus de l’hydrogène. Pensez-vous que nous pouvons le faire à l’échelle locale autour d’Alstom ou de Faurecia, pour accompagner la dynamique insufflée ?

S’ils avancent sur l’hydrogène, cela va créer tout un environnement favorable à l’hydrogène, avec plein de petites boites qui vont venir se greffer dessus. Faire un gros consortium, le temps que l’on mette tout le monde d’accord, le train sera passé (sourire). Nous avons des projets. Nos projets sont réalistes, bien pesés. Nous allons avancer là-dessus. Il faut déjà que nous les réalisions. Quand on fait de l’athlétisme, du 110 mètres haie, on passe une haie, puis on s’attaque à la deuxième… Je pense qu’il y a des gens, qui sont des gens très intelligents, mais qui ont des grandes pensées. Il y a un moment, il faut avancer. Il faut dire ce que l’on veut faire concrètement et les moyens que l’on a. Et il faut que les ambitions et les moyens soient en adéquation. Les grands discours… (court silence) Moi, maintenant, je ne vais plus aux grandes conférences. Cela ne sert à rien. Nous savons ce que nous voulons faire. Nous avons défini nos choses. Nous allons avancer dessus.

En décembre 2019, vous avez annoncé l’installation d’une ferme solaire de 37 ha, à l’Aéroparc de Fontaine. Peut-on imaginer l’installation d’un électrolyseur, pour fabriquer de l’hydrogène vert ?

On aimerait bien que General Electric, qui a un moment en a parlé. Le problème avec General Electric, on ne sait pas trop… Tout est possible. Mais il nous faut un industriel qui le fasse.

"Je pense qu’il faut arrêter de parler, il faut arrêter de faire de grandes conférences et de se gonfler comme des paons en parlant de l’hydrogène. Il faut agir. Il faut que, concrètement, nous montrions ce que nous sommes capables de faire"
Damien Meslot
Maire de Belfort

On a besoin d’un industriel pour installer un électrolyseur à Fontaine…

Pour le moment, nos projets sont connus : c’est Isthy, ce sont les logements, ce sont les bus, c’est la plateforme (Hynamics, NDLR) et c’est de pousser au maximum pour les trains à hydrogène. Nous allons déjà faire ça. Après, nous sommes prêts à faire une autre étape. On nous dit : « Faisons, faisons, faisons ! » D’accord. Qui met du pognon sur la table ?

La question était surtout liée au fait que vous aviez une opportunité structurelle par l’installation de cette ferme. En l’occurrence, si vous avez un industriel qui peut suivre, c’est quand même intelligent.

Bien sûr, mais nous avons proposé… Nous avons des contacts avec General Electric… General Electric, c’est un peu compliqué, cela ne vous aura pas échappé (un plan social a été annoncé chez Hydro. Des menaces planent sur Steam, NDLR).

Il n’y a qu’eux qui peuvent faire ça ici ?

Non, il y en a peut-être d’autres qui peuvent le faire. Nous avions un projet avec eux. Nous discutions. Après… Nous sommes prêts à tout étudier, mais pour le moment, nous ne pouvons pas aller partout. Nous ne pouvons pas tout faire. Et sur l’hydrogène, il y a une idée par jour.

En parlant de méfiance, l’hydrogène, c’est l’exemple parfait des rendez-vous manqués. On l’a manqué il y a dix ans. La pile à combustible a plus d’un siècle d’existence. Comment fait-on aujourd’hui pour ne pas rater cette marche. Et sur quoi doit-on être vigilant pour ne pas passer à côté ?

Je crois en la politique. Pour que cela marche, il faut que ce soient les politiques qui conduisent. Tous les grands programmes qu’a connus la France, c’était sous une impulsion politique. Sans impulsion politique, nous n’aurions pas eu le Concorde, Airbus, Ariane Espace, le plan des centrales nucléaires. Je pense qu’il faut qu’il y ait une impulsion politique. J’ai décidé, il y a plusieurs années, de la donner. C’est long. C’est compliqué. Mais nous avançons. Et nous allons y arriver. Après, il faut aussi qu’il y ait des mesures d’État qui nous permettent d’y arriver. Il semble que l’État veuille le faire. Je suis un peu prudent. Mais il semble que l’État veuille aller dans cette direction.

Les 7 milliards, c’est donc un bon signal pour vous ? Même s’il se dit que de nombreux crédits sont redirigés…

J’ai un truc très simple : j’y croirai quand les sous arriveront ! On prend trop souvent des crédits d’un endroit que l’on met à un autre. On a Tiga. On a Territoire d’industrie. Mais tout ça, ça nous apporte des labels. Le problème du gouvernement d’Emmanuel Macron, c’est que c’est de la com’, de la com’ et de la com’. Et derrière, il n’y a pas grand-chose… C’est ce qui m’inquiète. Je ne veux pas faire de procès d’intention. Ces fonds, je serai le premier à dire merci si nous les avons.

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