Les unités de soins palliatifs s’efforcent de tirer des enseignements de l’expérience mulhousienne, où des patients sont arrivés de façon massive. Et sont parfois confrontées à un manque de médicaments.
(AFP)
Les unités de soins palliatifs s’efforcent de tirer des enseignements de l’expérience mulhousienne, où des patients sont arrivés de façon massive. Et sont parfois confrontées à un manque de médicaments.
« Ce n’est pas parce qu’on est dans une période centrée sur les urgences qu’il faut oublier l’humanité. » Les spécialistes des soins palliatifs sont eux aussi sur le front face à l’épidémie galopante de coronavirus pour tenter d’éviter toute « submersion ».
Pour ces soignants chargés de soulager les personnes atteintes de formes sévères de covid-19, confrontées à l’angoisse, la douleur et l’asphyxie, et qui ne pourront pas bénéficier de la réanimation, l’enjeu est de tirer les enseignements de ce qui s’est passé en Alsace, région très touchée. À Mulhouse, notamment, les équipes n’étaient pas préparées à l’arrivée massive de patients, dit à l’AFP le Pr Régis Aubry, ancien président de la Société française de soins palliatifs (SFAP), qui travaille dans une unité d’un CHU de la région Bourgogne Franche Comté. Du coup, la SFAP, en concertation avec d’autres spécialistes (gériatres, réanimateurs, pneumologues…) se mobilise pour aider et former les collègues soignants. Pour certains patients, la réanimation peut relever de l’acharnement thérapeutique: « Faire du tri ? C’est ce que font les réanimateurs de tout temps », rappelle le Pr Olivier Guerin, président de la société française de gérontologie et de gériatrie (SFGG).
Une unité de soins palliatifs covid-19 créée à Besançon
Ainsi, avant même l’ère du covid-19, pour certaines maladies chroniques, comme « des insuffisances respiratoires graves (…), on sait que la réanimation n’est pas bénéfique au long cours ; on va les faire souffrir pour rien », estime le Dr Thibaud Soumagne, réanimateur au CHU de Besançon, qui est aussi pneumologue. Dans cet hôpital, comme ailleurs, une unité de soins palliatifs covid-19 a été créée.
Mais si les besoins en réanimation venaient à dépasser très largement l’offre disponible du pays, des gens qui auraient pu en bénéficier risquent d’en être privés. Quoi qu’il arrive, les démarches thérapeutiques proposées à l’ensemble des établissements de santé et médico-sociaux mais aussi à domicile, dans le cadre de l’épidémie, n’ont pas pour but l’euthanasie, rappelle la SFAP, qui a émis des propositions et fiches conseils thérapeutiques d’urgence à l’attention des endroits concernés par la saturation des hôpitaux ou qui risquent de l’être bientôt.
Le but est « d’assurer aux patients les plus sévèrement atteints un apaisement de leurs souffrances « en cas de difficultés ou de détresse respiratoires. Toutefois, avec « la pénurie de midazolam (Hypnovel) pour endormir, le manque de morphine qui semble s’installer ainsi qu’en pousse-seringues » électriques, le Dr Bernard Devalois, médecin en soins palliatifs à la maison protestante de Bagatelle, à Bordeaux, met en garde contre « la tentation d’euthanasie » que pourraient ressentir des soignants en Ehpad, face à des résidents plongés dans des souffrances horribles comme l’asphyxie. Bernard Devalois déplore à ce titre « l’absence de stock stratégique de midazolam » qu’il affirme avoir « proposé de constituer, il y a quinze ans, en cas de pandémie ».
Assurer une "prise en charge digne"
La morphine pour soulager la douleur et les difficultés respiratoires (dyspnée), le midazolam (Hypnovel) pour la sédation (endormir) et un médicament contre l’encombrement bronchique, associés, servent à adoucir la fin de vie, selon la SFAP. À défaut d’Hypnovel, d’autres produits injectables comme le Valium ou encore le Rivotril, sont envisageables mais « c’est une procédure dégradée », juge le Dr Devalois.
Les symptômes respiratoires sont très anxiogènes. Les anxiolytiques améliorent le confort du malade. Certains par voie orale sont utiles, mais ne peuvent plus être utilisés au stade ultime de la détresse respiratoire. Au stade d’asphyxie, l’urgence est alors de mettre en œuvre la sédation profonde très rapidement, préconise le Dr Devalois. Les agences régionales de santé (ARS) devraient demander aux pharmacies hospitalières de livrer des stocks suffisants des médicaments nécessaires aux Ehpad et aux petits hôpitaux, suggère-t-il.
Le Pr Claude Jeandel, président du Conseil national professionnel de gériatrie a réclamé au ministre de la Santé l’accès aux médicaments recommandés par la SFAP « pour une prise en charge digne de la détresse respiratoire asphyxique des très nombreux résidents ne relevant pas d’une hospitalisation qui décèderont en Ehpad ».
Le modèle actuel n’est pas adapté à la prise en charge structurée des personnes vieillissantes et malades chroniques en ville, constate pour sa part le Pr Guérin, faute selon lui, dans certains Ehpad, de médecin coordinateur, habilité à prescrire en situation d’urgence, et d’infirmière de nuit.