C’est une sorte de task force. D’ici 18 mois, l’association Apsiis ambitionne de lancer des projets intégrant des métiers d’ingénierie et de gestion de projet, des savoir-faire délaissés par General Electric. Et contribuer, ainsi, à la diversification du bassin d’emplois du nord Franche-Comté. Présentation de cet incubateur.
C’est une task force. D’ici 18 mois, l’association Apsiis vise à lancer des projets intégrant des métiers d’ingénierie et de gestion de projet, des savoir-faire délaissés par General Electric. Et contribuer, ainsi, à la diversification du bassin d’emplois du nord Franche-Comté. Présentation de cet incubateur.
Qu’est-ce qui fait la spécificité de Belfort ? D’avoir un métier d’intégrateur de systèmes ancré dans son territoire. « Ce sont des architectes industriels capables de concevoir des centrales électriques de tout type, partout dans le monde », rappelle Philippe Petitcolin, qui fut l’un des leaders de l’intersyndicale pendant le conflit social dans l’entité turbines à gaz de General Electric, en 2019.
Aujourd’hui, il préside l’association de préfiguration de sociétés d’intégration et ingenierie systèmes (Apsiis), dont les statuts viennent d’être déposés. « Nous sommes des ingénieurs concepteurs de centrales, des négociateurs de contrat, des planificateurs, des responsables de normes, de qualité », énumère Philippe Petitcolin.
Hydrogène et nucléaire
L’association vise à créer et à lancer des sociétés d’intégration et d’ingénierie, en partenariat, éventuellement, avec des groupes industriels qui auraient besoin de ces métiers. « Apsiis est un incubateur, explique Philippe Petitcolin. C’est un collectif de travail, là pour émettre des idées et concevoir des business models. »
Le fil conducteur de cet incubateur est le nord Franche-Comté. Le but est de générer de l’activité ici, que ce soit avec des acteurs locaux, nationaux ou internationaux. Et les sujets ne se limitent pas à la mobilité ou l’énergie. « Partout où il y a des systèmes complexes, le nord Franche-Comté tire son épingle du jeu », insiste Philippe Petitcolin.
Deux marchés sont ciblés : l’hydrogène et le nucléaire. Concernant le premier, Philippe Petitcolin observe que deux écosystèmes différents, l’énergie et la mobilité, vont devoir « travailler ensemble ». Un appui sera donc nécessaire pour les acteurs de ces écosystèmes. Sur le nucléaire, il observe que le marché mute, évoquant notamment le développement des small modular reactors (SMR). L’association veut aussi s’inscrire dans la dynamique des plans de relance européen et français, marqué par la transition énergétique et les enjeux de décarbonation. Pour France relance, 7,2 milliards d’euros ont été fléchés vers le déploiement de l’hydrogène-énergie (notre dossier complet). « Le champ des possibles s’élargit de jour en jour », remarque Philippe Petitcolin.
8 fondateurs
Huit personnes sont à l’origine de cette association. Quatre sont des délégués syndicaux de la CFE-CGC et de Sud, impliqués dans le combat social de l’entité turbines à gaz de General Electric en 2019 : Philippe Petitcolin, Jean-Louis Vignolo, Alexis Sesmat et Karine François. On compte aussi Jean Maillard, ingénieur consultant, Michaël Reuge, de l’agence économique régionale (AER), et un ancien directeur de General Electric. L’association rassemble des ingénieurs, des industriels, des universitaires et des collectivités locales. Une trentaine d’adhérents est visée d’ici quelques semaines.
Des industriels marquent leur intérêt
L’association va être structurée autour « d’un comité industriel et scientifique », explique Jean Maillard, autre membre-fondateur, ingénieur-consultant. Il a notamment travaillé pour la Vallée de l’Énergie. Ce comité est chargé de structurer et d’orienter les recherches (lire par ailleurs). « Il qualifie les projets », poursuit-il. L’un des enjeux est de construire des relations de confiance avec des partenaires, estime Jean-Louis Vignolo, autre membre fondateur et membre de l’intersyndicale (CFE-CGC) de General Electric, entité turbines à gaz. Des partenaires avec qui on partage des idées, des moyens et des ressources pour ensuite établir « une complémentarité économique ». « On peut se projeter loin et ramener de la valeur sur le territoire », appuie-t-il.
Des acteurs mondiaux comme Altran, plus grande société en conseils et ingénierie du monde, régionaux comme Ekium, ou locaux comme la PME Euro CFD ont manifesté leur intérêt pour cette dynamique. De grands énergéticiens ont aussi marqué leur curiosité.
« Nous sommes souvent confrontés à des problématiques d’expertise ou de taille », témoigne à ce sujet David Ferreboeuf, directeur de la région Grand Est d’Ekium, qui compte 1 300 collaborateurs. Ekium intervient notamment dans la rénovation de bâtiments industriels, l’augmentation de production et la construction d’unité neuve. Les opportunités autour de l’hydrogène dévoile des besoins, qu’une dynamique enclenchée par Apsiis peut aider à combler. Karim Loueslati, d’Euro CFD, reconnue pour ses compétences d’ingénierie par simulation numérique veut s’inscrire « dans une revitalisation de l’écosystème local » et appuyé les projets novateurs comme les jumeaux numériques. Lors de la première réunion de cette nouvelle entité, 38 personnes ont participé.
Maintenir l’emploi
Un dossier a été déposé au fonds Maugis pour avoir des ressources et recruter. Plus il y aura de main d’œuvre, plus les dossiers seront étudiés rapidement et lancés. Des subventions régionales seront aussi sollicitées explique Michaël Reuge, de l’agence économique régionale (AER), mobilisée par la présidente de Région Marie-Guite Dufay pour « maintenir l’emploi de la filière énergie sur le nord Franche-Comté ».
« Ce sont des compétences que General Electric laisse sur le bord de la route », observe Philippe Petitcolin. Mais rien n’empêchera de travailler avec l’industriel américain. « General Electric reste un acteur majeur. On aura vocation à créer des collaborations », valide Alexis Sesmat, autre membre fondateur, ancien de l’intersyndical (Sud). « Nous ne sommes pas en concurrence avec GE, qui se focalise sur les produits. Nous parlons de stratégie complète, avec l’intégration de produits au sein de systèmes complexes », détaille Philippe Petitcolin
Apsiis n’est pas amenée à vivre plus de 18 mois. « Nous visons très vite à rentrer dans le vif de sujet », explique Philippe Petitcolin. « Nous comblons une vallée de la mort entre l’idée et le business case », image Jean-Louis Vignolo. L’association doit aider à fournir cet important travail de structuration qui permet de se présenter avec un dossier ficelé devant les financeurs. En 2019, des salariés de General Electric avait lancé le collectif Ciibel pour agiter des idées. Et maintenir un souffle alors que l’ambiance était morose. Aujourd’hui, Apsiis veut transformer l’essai. Elle cherche des bras. Et des partenaires.
- Renseignements et contacts : https://www.apsiis.fr/page/1270872-presentation
Le circuit d’une idée en 3 étapes
Apsiis, c’est d’abord une plateforme d’échanges. Le focus sera placé sur une idée, jugée intéressante. C’est l’étape 1. Cette idée sera étudiée et approfondie, de manière générale. Elle arrive ensuite sur la table du comité industriel et scientifique, qui doit juger de sa pertinence. Si tel est le cas, on met une importante énergie dans des études économiques, de marché, de faisabilité. On monte le business model. « À l’issue de cette phase, nous sommes capables d’aller voir un financeur pour lancer le projet », estime Jean-Louis Vignolo.