Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, était à Kiev ce jeudi matin pour signer des accords gouvernementaux. L’un d’eux concerne Alstom. L’Ukraine va commander 130 locomotives à Alstom, ce qui va profiter au site belfortain. Le montant de la commande atteint 880 millions d’euros.
Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, était à Kiev ce jeudi matin pour signer des accords gouvernementaux. L’un d’eux concerne Alstom. L’Ukraine va commander 130 locomotives à Alstom, ce qui va profiter au site belfortain. Le montant de la commande atteint 880 millions d’euros. Et on garantit 6 à 7 ans de travail à Belfort.
L’inquiétude était sur de nombreuses lèvres. On évoquait, comme Le Trois le dévoilait il y a plusieurs semaines, un plan de départs volontaires, voire un plan de sauvegarde de l’emploi (notre article). Si la commande de la SNCF pour le TGV du futur donnait du travail à l’usine Alstom de Belfort, elle ne réglait pas tous les problèmes de charge (lire notre article). L’usine, « centre d’excellence mondial d’Alstom pour les locomotives », note Alstom dans un communiqué, était en mal de commandes, avec la fin des contrats suisses et marocains. La signature de cet accord-cadre avec l’Ukraine ouvre donc de bonnes perspectives pour Belfort et devrait faire retomber la pression.
Ce contrat de 130 locomotives sécurise 150 emplois pour Alstom, ainsi que 600 emplois chez les fournisseurs pour les 6 à 7 ans qui viennent. La signature du contrat « est très importante pour le site de Belfort. Il va contribuer à maintenir un niveau de charge suffisant pour pérenniser l’activité industrielle sur le site et sécuriser 110 emplois », apprécie le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, dans un Tweet. Ce contrat s’insère dans un accord complet qui atteint 1,3 milliard d’euros.
La 🇫🇷 et l'🇺🇦 sont des partenaires économiques solides.
— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) May 13, 2021
Ma visite à Kiev a permis de signer des contrats stratégiques autour de la sécurité, du transport et du traitement des eaux.
Ces projets majeurs permettront d’améliorer le quotidien des Ukrainiens. pic.twitter.com/i07CT5z2DL
Alstom maîtrise les contraintes
Les locomotives achetées sont des locomotives électriques bitension (25 000 volts et 3 000 volts). « En plus de la fourniture des locomotives, Alstom offrirait également la maintenance complète associée, qui serait effectuée localement, dans les dépôts des chemins de fer ukrainiens », complète Alstom. Et 35 % de la production et de la maintenance pourraient, in fine, être localisées en Ukraine note Alstom dans son communiqué de presse. Si l’on reprend les schémas de contrats précédents (Kazakhstan par exemple) incluant une localisation de la production dans le pays, on commence par une production totale en France, puis l’envoi de modules en Ukraine où le tout est assemblé puis la construction complète de locomotives dans le pays.
« En raison de sa situation géographique au croisement des corridors ferroviaires européens et orientaux, l’Ukraine a adopté une stratégie adéquate pour accroître son trafic de fret et les revenus qui en découlent. L’électrification croissante et la modernisation du réseau ferroviaire ukrainien s’inscrivent dans cette stratégie », analyse Alstom. Selon Henri Poupart-Lafarge, président-directeur général d’Alstom, qui a fait le déplacement à Kiev, ce contrat conforte surtout la position de l’industriel « sur le segment des locomotives de fret lourd de forte puissance »
Avec des contrats au Kazakhstan et en Azerbaïdjan depuis 2010, Alstom maîtrise les chemins de fer russes dont l’écartement est de 1 520 (1 435 en Europe). « Les dernières locomotives Prima T8 développées pour ces marchés sont capables de résister à des froids extrêmes allant jusqu’à -50ºC, de transporter jusqu’à 9000 tonnes et de rouler à 120 km/h », détaille Alstom.
Creux de charge inéluctable
« Ça va donner une sortie du tunnel », salue André Fages, délégué syndical CFE-CGC, qui apprécie la vision « d’État stratège » observée dans la signature d’un tel accord-cadre entre la France et l’Ukraine. « C’est un très bonne nouvelle pour Belfort, embraie Eddy Cardot, de la CGT. Cela fait de nombreuses années que Belfort n’a pas enregistré une telle commande. On continuera de faire des locomotives à Belfort. Cela ne peut que pérenniser l’avenir du site. »
Le temps que cette commande soit opérationnelle, un creux de charge d’environ 18 mois est inéluctable ; il va débuter au cœur de l’été. « L’atmosphère était très sombre actuellement, concède André Fages. Les gens n’avaient plus de vision d’avenir. » La mise en place d’une activité partielle est, elle aussi, inéluctable. Le délégué CFE-CGC insiste sur « les formations qui doivent être mises en œuvre, pour permettre aux gens d’évoluer » Le retour de la charge complète est attendue pour 2023-2024. Des formations qui doivent être obligatoirement mises en place en cas d’activité partielle longue durée rappelle-t-il.
Eddy Cardot insiste pour déjà embaucher et former les gens, afin de « maintenir les compétences et d’être en capacité d’assurer [le moment venu] cette commande ». Pour passer la sous-charge, il invite aussi à transférer de la charge d’autres sites, à réinternaliser certaines activités comme le câblage ou à favoriser les passerelles entre les métiers. Sur le transfert de charges, une source bien informée confie la difficulté de mettre en place, pour une période si courte, un transfert d’activités, par exemple depuis Valencienne, qui nécessite de nombreux investissements pour adapter l’usine belfortaine à la fabrication de métro et tram, tout en transférant aussi de l’outillage.
Le contrat atteint 880 millions d’euros, soutenu fortement par l’État français. Il y a un prêt du Trésor de 350 millions d’euros et des crédits bancaires garantis par BPI Assurance export à hauteur de 400 millions d’euros. Selon nos informations, ce contrat doit être finalisé à l’automne entre Alstom et le réseau ferré ukrainien.