Le nouveau système de montage de l’usine Stellantis de Sochaux va atteindre très prochainement sa vitesse de croisière. Selon nos informations, plus de 1 100 voitures ont été produites ce jeudi 17 novembre, alors que l’on prévoit une production quotidienne, avec trois tournées, de 1 200 véhicules. Problème : les voitures produites s’entassent sur les parkings d’expédition, complètement saturés. Les voitures ne partent pas aussi vite que les parkings se remplissent. Selon les sources, on évoque jusqu’à la présence de 4 000 véhicules en attente sur les parkings sochaliens.
Les constructeurs automobiles sont confrontés à une pénurie de chauffeurs en Europe, assurant les transports des voitures neuves. Un observateur avisé du secteur note que les Ukrainiens et les Biélorusses représentaient une part importante des contingents des chauffeurs. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a donc aussi des conséquences sur ce marché.
Les réseaux logistiques sont, qui plus est, confrontés à « une congestion des ports et une instabilité du transport par le rail », informe la direction de Stellantis Sochaux. « Nous avions déjà un problème de fournisseurs (les semi-conducteurs, NDLR), maintenant ce sont des problèmes d’expédition », souffle Jean-Luc Ternet, délégué syndical CFTC. Force ouvrière dénonce « une situation ubuesque ». « C’est du grand n’importe quoi », commente Jérôme Boussard, de la CGT.
Une réorganisation de la logistique
Le constructeur automobile, né de la fusion de PSA et Fiat Chrysler Automobiles (FCA) en janvier 2021, est également engagé dans « une réorganisation de [sa] logistique aval », complète une porte-parole de l’usine Stellantis de Sochaux. « L’objectif [est] de passer d’un système reposant sur un transport exclusif (Gefco, NDLR) à une nouvelle organisation faisant appel à des acteurs plus diversifiés dans un souci de performance », détaille-t-elle.
En 2013, PSA cède sa filiale Gefco aux chemins de fer russes ; Gefco est depuis le printemps redevenu un acteur français après son rachat par la CMA-CGM (lire notre article). Le constructeur automobile traversait à l’époque une période très difficile. La vente apportait des liquidités. Gefco reste cependant le seul acteur logistique du constructeur pour les expéditions. « On était un peu captif », convient Laurent Oeschel, de la CFE-CGC. « On ne pouvait pas faire exactement ce que l’on voulait », observe un salarié bien au fait du dossier. Pendant le covid-19, confie-t-il également, Stellantis ne savait même pas forcément où étaient ses véhicules car les systèmes de Gefco et ceux de Stellantis ne communiquaient pas. Stellantis acte alors « de réinternaliser le pilotage logistique », indique Laurent Oeschel. Et de multiplier les acteurs pour l’expédition. C’est le projet Thor. « Un projet intelligent », valide le délégué syndical, mais la période instable ne favorise pas le déploiement.
« Solutions innovantes »
« À Sochaux, outre un suivi quotidien de l’affrètement des camions et des wagons, nous avons lancé un service d’enlèvement, directement par les concessionnaires », rassure l’usine du Doubs. De nouvelles zones sont sécurisées pour assurer le stockage, même si Stellantis est « en passe d’arriver au point d’équilibre », informe la direction de l’usine. « Notre priorité reste évidemment la satisfaction de nos clients qui attendent nos véhicules », garantit également l’industriel, qui explore « des solutions innovantes ».
Ce phénomène touche toutes les usines françaises et tous les constructeurs indique un porte-parole France de Stellantis. À Sochaux, le phénomène est accentué car le site est « une plaque tournante pour la distribution des véhicules Peugeot, Opel et Citroën en provenance des autres usines européennes ».
Les représentants du personnel redoutent surtout que cette situation ne se retourne contre les salariés de l’usine. Force ouvrière et la CFTC craignent d’être placés en activité partielle faute de place pour stocker les véhicules. Et de rappeler les échéances habituelles : que les stocks soient à zéro d’ici à la fin de l’année. « La direction ne veut pas payer d’impôts sur les stocks », explique Éric Peultier, de FO, dans un communiqué. Pourtant, « le parc retouche est très bas », indique Jean-Luc Ternet, soulignant que les performances de l’usine sont très bonnes.