Pierre-Yves Ratti avec AFP
La compagnie ferroviaire Eurostar a annoncé ce mercredi 22 octobre avoir choisi le groupe industriel français Alstom pour construire 50 nouveaux trains, dont 20 en option.
Pour Belfort, c’est une excellente nouvelle. L’usine, pôle mondial des locomotives, va ainsi produire au moins 60 motrices (deux par rame commandée) ; la commande pourrait être portée à 100 motrices si les 20 rames en option sont levées. Belfort participe déjà à la fourniture des 115 rames du TGV du futur, pour la SNCF.
Cette commande représente un investissement de 2 milliards d’euros avant l’arrivée de la concurrence sur les liaisons transmanche. Les premiers trains issus de cette commande, baptisés Eurostar Celestia, qui ont vocation à remplacer des modèles anciens, devraient entrer en service en 2031, a indiqué Eurostar dans un communiqué. « Les 30 premières (rames) ont été commandées, 20 autres suivront », a précisé cette filiale de la SNCF, qui disposera de 67 rames une fois les 50 nouveaux trains livrés, soit « une augmentation globale de 30% » de sa flotte. Eurostar, qui opère dans cinq pays (Royaume-Uni, Belgique, France, Pays-Bas et Allemagne) et s’apprête à ouvrir une liaison jusqu’à Genève, espère avec cet investissement transporter 30 millions de passagers par an.
Alstom s’est de son côté félicité dans un communiqué de l’approbation de la première tranche de la commande, qui s’élèvera pour les 30 premiers trains à 1,4 milliard d’euros. Le groupe français a annoncé un investissement de 150 millions d’euros pour accroître la capacité de production de plusieurs sites français.
Belfort et neuf autres sites français
Dix des quatorze sites français d’Alstom seront ainsi impliqués dans ce projet, à commencer par le site de Belfort :
- Belfort, pour les motrices ;
- La Rochelle, pour les voitures passagers et la gestion du projet ;
- Villeurbanne, pour le système informatique de contrôle-commande, le système d’information
- voyageurs et les équipements embarqués ;
- Ornans, pour les moteurs ;
- Le Creusot, pour les bogies ;
- Tarbes, pour la traction et les armoires électriques ;
- EDC Toulouse, pour les circuits électriques ;
- Petit-Quevilly, pour les transformateurs ;
- Saint-Ouen, pour le design et la signalisation ;
- Valenciennes, pour les intérieurs.
Les nouvelles rames Eurostar Celestia seront « conçues sur mesure » dans une optique « haut de gamme », selon la compagnie ferroviaire. Ce modèle est une déclinaison de l’Avelia Horizon, le fleuron à deux étages d’Alstom, dont la SNCF a commandé 115 exemplaires.
Avelia Horizon, train à très grande vitesse, est le dernier modèle à deux niveaux d’Alstom, précise l’entreprise dans un communiqué. Il est capable d’atteindre plus de 300 km/h. Doté de deux motrices compactes et performantes et de neuf voitures articulées à deux niveaux, ce train pourra accueillir plus de 1000 voyageurs (en unité multiple). Sa vitesse maximale est annoncée à 320 km/h, tout en consommant 20 % d’énergie en moins que la génération précédente, grâce à une conception aérodynamique avancée et une traction optimisée. Les coûts de maintenance du train Avelia Horizon sont également réduits de 30 % par rapport à la génération précédente
Des livraisons espérées au milieu des années 2030
Grâce à un contrat de son actionnaire majoritaire avec Alstom, Eurostar avait « la capacité d’avoir des livraisons beaucoup plus rapidement » qu’avec les constructeurs concurrents, a expliqué à l’AFP la directrice générale d’Eurostar, Gwendoline Cazenave. Elle espère être livrée de la totalité des rames « au milieu des années 2030 », à raison de 15 rames par an. La compagnie ferroviaire entend aussi avec cette commande se préparer à l’arrivée prochaine de concurrents sur son segment le plus important, la ligne Paris-Londres, sur laquelle 8 millions de personnes sont transportées chaque année. Deux millions de passagers supplémentaires y sont attendus d’ici 2030.
Le transporteur ferroviaire italien Trenitalia et le britannique Virgin ont dit vouloir ouvrir une ligne entre les deux capitales d’ici 2029. D’autres compagnies, dont l’espagnole Evolyn et la néerlandaise Heuro, sont intéressées. Eurotunnel, la société qui gère le tunnel sous la Manche, ne cesse de chercher à attirer de nouveaux opérateurs, l’infrastructure étant en mesure d’accueillir jusqu’à 1 000 trains par jour, contre 400 actuellement (entre Eurostar, Shuttle et fret), avait indiqué son directeur général Yann Leriche.
Guerre des prix
Le groupe britannique London St. Pancras Highspeed, qui exploite la ligne à grande vitesse reliant Londres au tunnel sous la Manche, estime lui aussi qu’elle ne fonctionne qu’à 50% de sa capacité. Eurostar réclame, avant même l’arrivée des concurrents, des espaces supplémentaires, pour les voyageurs comme pour les trains, alors que les infrastructures sont déjà saturées autant dans la gare londonienne de St Pancras qu’à la gare du Nord à Paris.
En 2024, la capacité opérationnelle de St Pancras était de 1 800 voyageurs par heure, selon la compagnie, qui vise près de 5 000 par heure en 2028. Les usagers espèrent que l’ouverture à la concurrence engendrera une guerre des prix, les billets de train étant souvent bien plus chers que ceux de l’avion sur le Paris-Londres, malgré des premiers tarifs à 39 livres (ou 44 euros). Environ 19,5 millions de passagers sont montés dans un Eurostar l’année dernière, soit une hausse de 5% par rapport à 2023.