Des survols de la base aérienne 116 de Luxeuil-Saint-Sauveur à très basse altitude et haute vitesse. Des démonstrations aériennes. Des formations serrées. Des Mirages 2000 ont fait trembler le ciel de la Haute-Saône, avec le grondement furieux du réacteur M-53, ce mercredi après-midi. L’armée de l’air et de l’espace a honoré sur le tarmac de la BA 116 de Luxeuil-Saint-Sauveur un « emblème », pour reprendre les mots du général d’armée aérienne Jérôme Bellanger, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace. Le Mirage 2000 a célébré 40 années de vie opérationnelle.
Le Mirage 2000 a été lancé en juillet 1984, depuis la base aérienne de Dijon-Longvic, la BA 102, aujourd’hui fermée. Cinq versions étaient visibles ce mercredi sur le tarmac de la BA 116. La base haut-saônoise a accueilli l’évènement car le groupe de chasse ½ Cigogne, qu’elle abrite aujourd’hui, est la première unité qui a été dotée du Mirage 2000, en 1984. Si l’armée souffle les bougies 15 mois plus tard, c’est que l’année 2024 a été chargée : 90 ans de l’armée de l’air et de l’espace ; sécurisation des Jeux olympiques ; exercice Pegase, jusqu’au Pacifique… l’essentiel, comme le glisse le colonel Emmanuel Roux, commandant de la BA 116, c’est surtout de se retrouver et de célébrer la communauté du Mirage 2000. Les pilotes, mais aussi les mécaniciens, les ingénieurs. « Pour faire voler nos Mirages 2000, il faut une armée », a rappelé le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace. À la BA 116, on a une vingtaine de pilotes. Mais 300 mécaniciens actuellement pour faire voler la vingtaine d’aéronefs. Et la base abrite 700 militaires.

« L’heure du repos n’est pas venu » pour le Mirage 2000
Les aficionados du Mirage 2000 souligne « la pureté de son dessin », selon le général Jérôme Bellanger, dans son ordre du jour. On évoque sa ligne élancée et ses ailes Delta parfaites. « Ce chasseur de légende », dixit le général, dispose de qualités exceptionnelles. On loue sa manoeuvrabilité, permise par ses commandes de vol électriques. Et le général sait de quoi il parle. Il compte 2 400 heures de vol aux commandes de l’avion et 59 missions de guerre, comme l’indique sa biographie du ministère des armées. « C’est le premier avion de combat français » à avoir ces commandes électriques révolutionnaires replace le lieutenant-colonel Quentin, commandant du groupement de chasse ½ Cigogne, unité dédiée à la défense aérienne au-dessus du territoire national et de ses abords. « Il est agile, maniable », poursuit-il. « C’est un bon outil de combat, poursuit-il, de très près et de très loin. » Si ses lignes en font un pure chasseur de défense aérienne, on a vite découvert aussi ses capacités de chasseur bombardier.
« L’heure du repos n’est pas venu », a indiqué l’officier général, qui a dirigé les Forces aériennes stratégiques (FAS), la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire de 2021 à 2024. L’armée de l’air et de l’espace compte toujours sur ses Mirages 2000, dans la prochaine décennie (lire par ailleurs), pour se diriger tranquillement vers une armée de l’air totalement Rafale. À Luxeuil-les-Bains, les Mirages 2000-5 se retireront en 2029, pour laisser place à la principale partie du chantier de transformation de la base, qui devient à vocation nucléaire (lire notre article), avant d’accueillir des Rafales de dernière génération, à partir de 2032 ; c’est ce qu’avait annoncé Emmanuel Macron au mois de mars (lire notre article). Mais d’autres Mirages voleront, depuis Nancy, voire Djibouti, où une poignée d’aéronefs est affectée.

Dans 10 ans, l’iconique avion de chasse sera encore là, alors que l’armée de l’air et de l’espace sera centenaire. Ce qui fait dire au général Bellanger que le Mirage 2000 aura accompagné plus de la moitié de l’histoire de cette armée. C’est dire ce qu’il représente pour elle. « C’est un avion qui a très bien vieilli , certifie le lieutenant-colonel Quentin. Il a été vraisemblablement bien conçu et bien entretenu. » Le général de déclarer : « Longue vie au Mirage 2000 et à tous ceux qui le servent. » Avant de conclure avec un autre emblème de l’aviation militaire, un cri de ralliement : « À la chasse ! » Et à la salle de répondre : « Bordel ! »
Général Bellanger : "Il y a une brutalisation du monde"
Vous avez dit, lors de votre discours, que « la période est tout, sauf calme ». C’est-à-dire ?
Cela ne vous a pas échappé qu’il y a une brutalisation du monde, avec la force qui est employée de plus en plus de manière désinhibée. L’actualité est là : vous vous couchez avec une attaque israélienne sur le Qatar, vous réveillez avec une violation du ciel de la Pologne, avec des drones russes. Grâce à notre dissuasion nucléaire, on a toujours pratiqué la très haute intensité, parce que vous devez vous entraîner au raid nucléaire. On le fait depuis 1964. La deuxième jambe de l’armée de l’air et de l’espace, c’est la protection de l’espace aérien national et de ses abords, avec la posture permanente de sureté aérienne. À partir de ces deux missions permanentes, je peux vous dire que nous sommes prêts et qu’il faut continuer à se tenir prêts.
Que représente pour vous le Mirage 2000 ?
C’est un emblème. Quand vous avez appris à le dompter, vous ne faites plus qu’un. Et c’est vraiment le prolongement de ce que vous voulez faire. C’est un avion extrêmement fiable. D’ailleurs, les étrangers ne sont pas trompés : ils ont pris du Mirage 2000. C’est un système d’armes performant, avec un taux de fiabilité hors normes. C’est un avion extrêmement sûr. Il a véritablement mis le pied à l’étrier d’un avion omnirôle comme le Rafale. C’est grâce à cette expérience, à ces compétences et à cette performance qu’on a accumulées, que Dassault Aviation a pu produire derrière l’un des meilleurs avions au monde qu’est le Rafale.
Avec le cap « tout Rafale », cet anniversaire ne marque-t-il pas le début de la fin d’une époque ?
Certainement pas. Si c’était la fin d’une époque, on n’aurait pas rénové le Mirage 2000D (armement, recours à l’intelligence artificielle dans le pod de détection et désignation laser). Je compte beaucoup, d’abord, sur la fin du Mirage 2000-5 (celui de Luxeuil, NDLR) jusque dans les années 2030. Je vais en avoir besoin pour protéger l’espace aérien national, pour éventuellement accompagner le raid nucléaire, faire une intervention ou un raid conventionnel. Enfin, [je compte sur] le Mirage 2000D (de la base aérienne de Nancy, NDLR). Quand vous avez 50 Mirage 2000D, c’est quand même un tiers de la flotte. Si je ne l’ai pas, j’ai beaucoup de mal à assurer tous les contrats opérationnels. La [fin du] Mirage 2000D, c’est post 2030-2035 et c’est bien pour ça qu’on l’a rénové.