AFP par Nicolas GUBERT, Nathalie ALONSO
Tout est parti de l’annonce faite mi-mai par le PDG d’EDF Bernard Fontana: tout juste nommé, celui-ci annonçait devant le top 300 des cadres de l’entreprise un plan de 30% d’économies sur les charges de fonctionnement. De quoi corroborer sa réputation de chasseur de coûts? « On jugera sur pièce », souligne Gwenaël Plagne, secrétaire du CSE Central d’EDF, au lendemain d’une première rencontre officielle entre M. Fontana et les instances représentatives du personnel lors d’un CSEC mercredi. « On a vu des précédents plans d’économies, Mimosa et d’autres, chacun en général avait des noms de fleurs, on verra si celui-là s’appelle chrysanthèmes », ironise-t-il.
Le plan suscite des interrogations au vu des inconnues qui pavent la route d’EDF, entre le flou sur le prix de vente de son électricité et le mur d’investissements à affronter pour construire six nouveaux réacteurs nucléaires EPR2, et ainsi répondre à la volonté de l’Etat de fournir une électricité abordable, abondante et décarbonée. « On n’a pas encore une vision claire sur la façon dont va se traduire cette annonce de réduction des coûts », indique Amélie Henri, secrétaire nationale de la CFE-CGC chez EDF, premier syndicat au sein de l’entreprise. Comme source d’économies, M. Fontana « a cité, par exemple, la baisse du recours à la consultance », la « simplification de nos organisations et de l’exécution opérationnelle » et la volonté de mettre « fin aussi aux réunions à outrance ».
« On est loin du milliard quand on dit ça », a commenté Mme Henri, pour qui, lors des échanges, cet objectif ne semblait pas forcément « contractuel », mais visait plutôt à « impulser une dynamique ». « Il a tenu un discours qui s’est voulu rassurant », a indiqué Julien Laplace, délégué syndical central CFDT, qui n’était pas à la réunion du CSEC. Selon les informations qui lui sont remontées, le PDG a « modéré » son approche, indiquant que le montant d’économies était « symbolique », et pas forcément un totem.
Simplification
« Il a une volonté industrielle d’aller à l’essentiel », estime M. Plagne en citant l’exemple des turbines Arabelle. « Il y a 26.000 points de contrôle demandés pour les EPR2 contre 500 dans les standards internationaux, et donc aujourd’hui il vise plutot 1.500-1.600 », rapporte-t-il. Si le plan inquiète, selon lui, c’est qu’il coïncide avec la volonté du PDG d’aboutir à 40 TWh de propositions de contrats d’électricité nucléaire de long terme pour les industries très consommatrices d’énergies (électro-intensives), de l’aluminium à la chimie en passant par la sidérurgie… Là où son prédécesseur Luc Rémont a obtenu une dizaine de TWh. « On se demande s’il n’y a pas une volonté de brader le prix d’électricité aux électro-intensifs » pour doper leur compétitivité et l’économie française « au détriment des conditions de travail des salariés », a ajouté M. Plagne, décrivant « un rapport de forces » des industriels au détriment d’EDF.
Hormis ces points de vigilance, les instances représentatives du personnel ont globalement loué le caractère « abordable » du nouveau PDG. Sur le plan de la stratégie, M. Fontana s’inscrit dans l’ambition pour 2035 fixée par son prédécesseur de vendre plus d’électricité décarbonée et « confirme la volonté » de réaliser le programme nucléaire d’EPR2 « avec un axe fort sur la souveraineté industrielle de la France », dit M. Plagne.
Le représentant a également salué la volonté du PDG de réinvestir « rapidement de manière conséquente » à hauteur de 4 à 4,5 milliards d’euros dans ses barrages, et même pour certains ouvrages, sans attendre l’issue du vieux contentieux avec Bruxelles qui impose à la France de remettre en concurrence ses concessions. Il a aussi salué une « avancée intéressante » sur le délicat dossier du financement du programme des six nouveaux réacteurs nucléaires annoncé par Emmanuel Macron en 2022. Il a confirmé jeudi qu’une « entente » avait été « trouvée » entre l’Etat et EDF sur le mode de financement, en faisant allusion à une meilleur « répartition des risques » sur la période de construction entre l’État et EDF.