La température de son tableau de bord affiche 0 °C. Nina Le Theix, une Belfortaine de 36 ans, est bloquée sur l’autoroute A36 depuis 19h, ce jeudi 21 novembre, en amont du péage de Colombier-Fontaine (Doubs), dans le sens Montbéliard-Besançon, à 1 km de la dernière sortie de la portion gratuite de l’autoroute (retrouvez notre direct). “J’ai les pieds qui gèlent”, arrive-t-elle encore à sourire ce vendredi matin, alors qu’elle retourne dans son refuge de circonstance, après avoir échangé avec des compagnons d’infortune. Après une nuit bloquée sur la route entre deux poids lourds, sans sommeil, la fatigue se fait sentir. les traits sont tirés. Selon la préfecture du Doubs, 2 000 à 2 500 camions ont été bloqués sur l’autoroute A36 cette nuit.
La voiture de Nina est bloquée entre plusieurs poids lourds. Elle n’a quasiment pas avancé depuis 19 h. Et plus du tout depuis 23 h. Elle est partie en direction de Dijon, vers 18h30, pour trois jours de formation. Par chance, elle avait fait le plein de carburant et avait emmené à manger. Son moteur a donc tourné toute la nuit lui permettant de rester au chaud. Ce n’est pas le cas de tout le monde. “On a vu une dame avec son mari, dans une voiture électrique, raconte Frédérique Lopin, 40 ans, bloquée elle-aussi. Ils n’ont plus de batterie depuis 1 h.
Les deux femmes se sont rencontrées dans la nuit. “J’avais un besoin de sororité imminente, au milieu des camions”, en rigole Nina Le Theix. Frédérique Lopin était, elle, en quête de cigarette et elle sollicitait les chauffeurs de camion. Nina, de son côté, a distribué quelques compotes à des automobilistes coincés comme elle. “On s’entraide comme on peut, ajoute la Belfortaine, même si beaucoup ne parlent pas français”.
Frédérique Lopin arrive d’Altkirch (Haut-Rhin) et se rend dans le Loir-et-Cher, avec un ami, Fabrice Guidet. “On en a marre, on est fatigué”, confie-t-elle. Pendant la nuit, ils n’ont vu aucun secours ou assistance, même s’ils ont bien entendu sur les ondes que des aides avaient été enclenchées. “Il n’y a rien, personne, pas d’autorité”, déplore Frédérique Lopin. “Ce qu’on a sur Autoroute Info, c’est léger”, abonde Nina Le Theix, qui écoutait régulièrement les ondes cette nuit pour se tenir informée.
La situation s’est débloquée vers 9h40. Nina Le Theix a pu prendre une sortie d’autoroute pour rebrousser chemin et retrouver son domicile, en optant pour le réseau secondaire.
“On a mis sept heures pour faire Montbéliard-Besançon, c’était dantesque”, a témoigné de son côté Jérémy Chevreuil, journaliste de France 3 Franche-Comté, parti à 19h de Montbéliard et finalement arrivé vers 2h du matin à Besançon, alors que sa voiture était équipée de pneus d’hiver. Pour sortir de l’autoroute, il a dû slalomer entre les camions. Ce trajet d’environ 80 kilomètres s’effectue en temps normal en une heure vingt.
De nombreux autres automobilistes et chauffeurs routiers ont aussi été longtemps bloqués dans la neige: après une amélioration sur certains secteurs, la chute des températures au petit matin a piégé tous les camions s’aventurant sur l’A36. “Sur ces milliers de poids lourds, il y a ceux qui n’ont pas compris, ceux qui n’étaient pas informés et ceux qui ont essayé” de s’engager sur la route, note la directrice de cabinet du préfet, Saadia Tamelikecht.
La circulation des poids lourds a été interdite sur l’A36 mais les difficultés de circulation peuvent perdurer, car “les plaques de verglas n’auront pas toutes fondu à 10 h”, note encore Mme Tamelikecht. “La situation est devenue délicate, mais nous n’avons à déplorer ni
accident, ni naufragé de la route”, selon elle. “On n’a pas eu à évacuer ou accueillir des personnes, mais des gens ont passé une partie de la nuit dans leur voiture”, a-t-elle convenu.