Un an plus tard, jour pour jour, Le Trois retrouve deux acolytes majeurs du sauvetage du FC Sochaux-Montbéliard. Mathieu Triclot, président et co-fondateur des Sociochaux, et Léna Chatonnay, membre très active et désormais seule salariée de l’association. Les bonnes habitudes ne changent pas. Comme l’an passé, Léna arrive les bras chargés, avec des documents à faire remplir à Mathieu. « Signe là », lui indique-t-elle, l’étoffe d’une dirigeante d’entreprise.
La dynamique n’est plus la même cette année que la précédente. L’an passé, cette armée de supporters, regroupée en association, a été l’un des piliers du sauvetage du FC Sochaux-Montbéliard (FCSM) (lire ici). Cette année, après le sauvetage, l’heure a été à la consolidation de l’association.
En se fondant sur les exemples de clubs comme Bastia ou Guingamp, Mathieu Triclot et Léna Chatonnay, sont conscients du défi à relever. « Entre la première et la deuxième année, le nombre d’adhérents baisse de 90% dans ces clubs », expliquent-ils. « On est curieux de voir si cette loi est inexorable », poursuivent-ils. « Et de voir ce qu’on vaut maintenant en tant qu’association et pas que dans un contexte de sauvetage. »
Pour préparer cette nouvelle campagne d’adhésions, qui s’ouvrira le 13 septembre, Sociochaux travaille déjà depuis mai, en proposant diverses surprises aux supporters. Mais la dynamique est difficile à anticiper. Certains fans, même loin géographiquement, profondément attachés au club, continueront sans doute à soutenir l’association. Mais combien seront-ils ? Léna se rêve à 5 000 adhérents. Mathieu est plus pragmatique : 1 800. Léna s’emporte, en riant : « Tu es négatif ! »
Ils savent aussi que le sportif a un poids dans l’adhésion future des Socios, peut-être pas pour cette année, mais pour celle d’après. « On sait qu’il y a une attente sur la montée. Les exigences sportives sont gigantesques. Quelles demandes auront les supporters ? » Et de poursuivre : « On aura à affronter une atmosphère nouvelle. Il y a une attente forte sur une montée dans les deux années à venir. » La première année, ils étaient 11 000 supporters.
Maillots, bières et billets
Durant cette année à 11 000 supporters, plusieurs « réussites » sont à noter, relatent les membres de l’association. L’une des plus significatives a été la création du maillot des Socios, qui a véritablement « changé la dynamique » de l’association. Partout, en France, les deux acolytes remarquent des gens avec le maillot. « J’en ai vus à Saint-Malo ! », rigole Léna Chatonnay. Ce maillot est devenu un symbole d’appartenance et de fierté pour les membres de Sociochaux. Autre moment fort : le match des Socios, le 9 mars, où les adhérents ont pu se rencontrer en chair et en os. « C’était très émouvant », se souvient Léna.
Sociochaux a également noué des partenariats avec des associations comme le Secours catholique, le Secours populaire, l’Armée du salut et les Restos du cœur. Des billets ont été offerts pour permettre à des personnes éloignées du club de venir assister aux matchs. « Ils ont toujours trouvé preneurs », souligne Mathieu Triclot, fier que cette initiative soit née des adhérents eux-mêmes, qui, loin du club, ont voulu que les plus proches puissent en profiter.
Cette année, la fierté a aussi été de voir « l’affluence importante au stade, malgré le statut en national », commente Léna. Et aussi de voir, à chaque fois, « tout le stade qui se lève pendant le match. C’est une communion nouvelle qu’on ne voyait pas avant. »
Vers un modèle reproductible
L’association a été contactée, cette année, par de nombreuses personnes soucieuses de se regrouper en association pour sauver des clubs et trouver le bon modèle reproductible. « Malheureusement, le miracle ne se reproduit pas partout. Ce qui a été notre force, ici, c’est l’alliance investisseurs privés, collectivités, supporters », explique Mathieu Triclot. Et de poursuivre : « Cela montre que l’économie du foot est en extrême difficulté. Et que Sochaux n’est pas le seul à se poser la question d’un modèle de foot différent, pérenne. »
Et ce n’est pas tout… Les deux passionnés font la liste de toutes les – nombreuses – actions de l’année. La mise en place des bus des Socios, depuis Besançon, Maîche ou encore Belfort. La création d’une bière, également. « On a travaillé avec une brasserie à Bart et on a créé une bière ensemble. On a fait le premier brassin, on a tout préparé ensemble sur une journée. » Résultat : 5 000 bouteilles vendues en une semaine. Plus 10 000 bouteilles aux entrepreneurs locaux. Et Mathieu ne manque pas d’idées pour continuer. Il imagine une bière de Noël, à l’effigie d’un joueur devenu légende.
« Les ventes de maillots et de bière ont été irrationnelles », confie Mathieu Triclot. « Grâce à ça, nous ne sommes pas aux abois. » Cette assise leur permet de continuer à monter plusieurs projets l’an prochain, grâce à l’aide de commissions mises en place pour aider les Socios. Pour les futurs projets, un appel sera lancé fin octobre, après la clôture des adhésions.
Un tiers du conseil d'administration renouvelé
En clair, tout va plutôt très bien. Alors, quel défi pour l’année à venir ? La transmission. Car la mission de ceux qui prendront le relai est grande. Notamment pour celui qui reprendra le rôle de Mathieu Triclot, le président, lorsqu’il passera le flambeau. Au sein du conseil de surveillance du FCSM, il a un rôle de censeur. « C’était l’une des premières fois que les supporters se retrouvent dans cette position-là. Alors il faut être à la hauteur des questions. » Il a notamment pu participer au passage à la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG). Avec ce rôle, les Socios « veillent au cadre, qu’il soit respecté », détaille Mathieu. Toute une équipe au sein du conseil d’administration est derrière lui pour préparer ces moments.
Il faudra aussi dès cette année, «réussir à transmettre l’âme de l’association », relate encore Mathieu Triclot. Pour cela, les Socios se sont dotés d’une charge éthique. Ne pas accepter de cadeaux. Pas de parade. Pas de bénéfice. Pas de passe-droit. « On veut que l’association dure. Et pour cela, il est question de la transmettre avec de bonnes règles », commente Mathieu Triclot.
Léna l’affirme aussi : « La transmission est l’enjeu de l’année prochaine. Il faut donner des règles pour protéger l’association. » Et Mathieu d’ajouter : « Aussi, penser et border les dérives avant quelles n’arrivent. » Cela sera d’autant plus important que le conseil d’administration est renouvelé par tiers tous les ans (18 personnes le composent). En trois ans, il sera donc entièrement renouvelé. « Ce qu’on veut, c’est que l’association perdure après nous », conviennent, tout sourire, les deux membres des Sociochaux, dans la dernière ligne droite avant le lancement des adhésions.