Deux lettres ont été adressées, ce jeudi 6 juin, à Florian Bouquet, président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours (CASDIS) et au préfet du Territoire de Belfort. Le syndicat Autonome, auteur de ces lettres, y indique : la procureure de la République du Territoire de Belfort a été sollicitée au titre de l’article 40 du code de procédure pénale pour « des faits graves » se déroulant au sein du Sdis du Territoire de Belfort.
Par téléphone, des sources proches du dossier affirment qu’une plainte a été déposée par un agent du Sdis. Contactée, Jessica Vonderscher, procureure de la République du Territoire de Belfort, confirme le dépôt d’une plainte et deux signalements syndicaux auprès du parquet du tribunal judiciaire de Belfort. L’affaire a été dépaysée et a été confiée au parquet de Montbéliard.
Joint par téléphone, le procureur de la République de Montbéliard, Paul-Edouard Lallois, explique que la plainte a été déposée pour des faits « faisant état d’éléments susceptibles de revêtir la qualification pénale de harcèlement moral ». « La direction est visée », confirme-t-il. Une enquête va être ouverte. « Je suis en train de désigner le service d’enquêteurs pour diligenter les investigations », précise encore le procureur expliquant que les démarches n’étaient encore qu’au stade embryonnaire. « Compte-tenu des éléments, l’enquête prendra du temps », conclut-il.
Par téléphone, Sébastien Boillot, pompier à la caserne Belfort-Nord, délégué syndical du syndicat Autonome, explique : « Il y a eu une personne en particulier victime, et d’autres qui témoignent régulièrement de leur mal-être lié à la direction. »
Ce mal-être, les organisations syndicales en parlent depuis plus d’un an. En novembre 2022, les pompiers ont démarré une grève qui concernait autant les officiers que les hommes du rang. Initialement, la grève concernait l’application de la loi de transformation de la fonction publique qui met fin aux régimes dérogatoires à la durée légale de travail, fixée à 1 607 heures (lire notre article). Mais elle s’est entérinée. Les pompiers ont choisi de la continuer pour témoigner de leur « mal-être », lié à leur communication avec la direction.
Un an plus tard, le 24 octobre 2023, les pompiers ont décidé d’en sortir, car le conflit s’enlisait avec la direction du Sdis. Mais ils souhaitaient que le mal-être en interne soit reconnu, via un protocole. Ce qui n’a pas eu lieu (lire notre article).
« Il fallait le faire »
Depuis, plusieurs sources confirment que les tensions ont continué. « Les syndicats ont tenté de trouver des issues », témoigne Sébastien Boillot. Mais une situation a particulièrement fait accélérer le dossier : le témoignage d’une personne en interne. Trois organisations syndicales, jointes par téléphone ce jeudi, évoquent une tentative de geste désespéré, liée à la situation professionnelle. L’agent s’est confié à des collègues, notamment syndiqués. Ces derniers, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, ont fait remonter un signalement auprès du procureur de la République.
Par téléphone, Pierre-Arnaud Fillatre, pompier à Belfort-Sud, à Danjoutin, délégué syndical Force ouvrière, complète : « Il fallait le signaler. Il y a un acharnement permanent et un gros manque de communication. Harcèlement, mépris et règlement de compte avec les officiers sont fréquents depuis la grève notamment. »
À ce stade, ni la direction du Sdis, ni le président du CASDIS, Florian Bouquet, ne souhaitent communiquer, n’ayant notamment pas connaissance des lettres envoyées. La préfecture du Territoire de Belfort, sollicitée également, n’avait pas non plus encore connaissance du courrier envoyé. Elle affirme que si les syndicats d’un service de l’État souhaitent être reçus, ils le seront par le préfet. Une demande qui a été faite, puisque dans son courrier, le syndicat Autonome demande justement une rencontre « afin de trouver des solutions appropriées ». Dans le courrier adressé à Florian Bouquet, le syndicat Autonome demande également de « prendre des mesures d’urgence nécessaires, afin de protéger l’ensemble des agents du Sdis et de rétablir des conditions de travail apaisées ».
Nos articles sur le conflit social au SDIS :
> Novembre 2022 : Les pompiers belfortains en grève pour préserver leurs acquis sociaux
> Décembre 2022 : Belfort : l’ancienneté des pompiers reconnue dans le calcul du temps de travail
> Décembre 2022 : SDIS 90 : de très fortes tensions enveniment la sortie de grève
> Mars 2023 : Apaisement fragile entre les pompiers et Florian Bouquet
> Septembre 2023 : Belfort : le feu de la colère couve toujours chez les pompiers
> Octobre 2023 : SDIS 90 : un an plus tard, une sortie de grève qui ne signe pas l’arrêt du conflit