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Vellescot : l’écloserie de Philippe Courtot, un savoir-faire en danger

Philippe Courtot présente les alevins de son écloserie | ©Le Trois - J. B.
Reportage

Philippe Courtot est le seul pisciculteur de Franche-Comté à posséder une écloserie. Il devra bientôt prendre sa retraite. Son savoir-faire est en danger. Pour faire part de ses inquiétudes, il a convié préfecture et élus.

Jade Belleville

Au bord de l’étang de la pisciculture Courtot à Vellescot, Philippe et Martine Courtot admirent les installations artistiques de la plasticienne Zoé Bourdeau. Elles ont été installées dans les arbres et sur l’eau des étangs de l’exploitation pour alerter. « Elle a utilisé des couvertures de survie pour montrer l’urgence de la situation », explique Martine. 

Ce mercredi 22 mai, le couple attend plusieurs élus*, ainsi que le préfet du Territoire de Belfort, Raphaël Sodini et des membres de la direction départementale des territoires du Territoire de Belfort. Pour cause, Philippe Courtot, à la tête de la pisciculture, veut faire découvrir à cette assemblée son écloserie. À l’heure actuelle, il est le seul pisciculteur de Franche-Comté à faire fonctionner une installation de ce type. Cela l’inquiète.

« Depuis 1989, je suis pisciculteur professionnel », indique fièrement Philippe Courtot. Cette profession ne lui vient pas de nulle part. Sa famille pratique cette activité depuis le XVIe siècle, mais seul Philippe Courtot s’y est lancée de façon professionnelle. « Ce n’est pas seulement un métier, c’est vraiment une passion pour lui », confirme Martine, son épouse. Au sein de sa pisciculture, il s’occupe de la reproduction de deux espèces, le brochet et la carpe.

Un processus complexe

Pour faire comprendre son métier complexe, il détaille tout le processus à son assemblée. « A l’automne, on sépare les carpes mâles et les carpes femelles dans deux bassins différents », explique-t-il. Cela permet d’éviter une fécondation en dehors de l’écloserie. 

Les femelles sont les seules à aller dans l’écloserie. Elles sont plongées dans une eau plus chaude et oxygénée. « Ces deux facteurs permettent de les rendre matures plus rapidement et donc de les faire ovuler plus vite », indique Philippe.

Une fois qu’elles ont atteint leur maturité, on leur injecte de l’ovopel, un produit pour stimuler l’ovulation. Une feuille de calcul à la main, le pisciculteur détaille qu’il faut administrer un dixième de la dose le matin. Attendre 12 heures. Puis administrer le reste de la dose. Il doit aussi suturer l’orifice génital des poissons, car si les carpes délivrent trop rapidement leurs ovules, il ne peut pas les récupérer. 

Lorsque le moment est venu, il ne reste plus qu’à couper les sutures faites préalablement. « On applique des pressions sur l’abdomen pour faire sortir les œufs et on les récupère dans un bac », précise Philippe en mimant le geste. Dans ce bac, le sperme des carpes mâles est ajouté avec un diluant afin de faciliter la fécondation. 

L’écloserie en danger

S’ensuivent encore plusieurs étapes. Ils passeront encore six jours dans l’écloserie. Trois jours dans un bain d’eau à 21 °C, pour favoriser la division cellulaire. Trois jours encore dans de plus grands bassins pour poursuivre leur croissance. 

Derrière lui, des tubes grouillent de millions d’œufs qui sont prêts à éclore. « Pour deux ou trois carpes, on peut produire 2 à 3 millions d’œufs qui sont à 99% fécondés », ajoute-t-il. 

Une fois tout ce processus de reproduction terminé, le pisciculteur place les alevins dans des bassins spéciaux. « Ces bassins sont faits exprès pour eux, loin des prédateurs », conclut-il. 

Tout ce processus est un savoir-faire qui est aujourd’hui en danger. Philippe Courtot va prendre sa retraite d’ici peu de temps. Or, pour l’instant, aucun successeur n’est prévu. « Cela serait bien pour le territoire de conserver ce savoir-faire historique », remarque le préfet. L’assemblée est unanime. « On ne s’imagine pas toutes les étapes qu’il y a », admire-t-on. 

« J’ai trois fils et aucun d’entre eux ne souhaite reprendre l’exploitation », regrette Philippe Courtot. Pour le moment, il n’a aucun repreneur. Ce problème, il l’explique par deux facteurs : une administration trop complexe ainsi qu’un manque de clients. Le préfet, Raphaël Sodini, fait remarquer qu’il faudrait aider l’exploitation pour créer du lien avec des acheteurs potentiels. Ce sera d’ailleurs l’un des axes de travail de la préfecture dans les prochains mois : « Comment maintenir l’écloserie et comment favoriser le circuit-court ? »

*Le couple était accompagné du président du Département du Territoire de Belfort, Florian Bouquet avec deux techniciens, du président de la communauté de communes Sud Territoire (CCST), Christian Rayot, ainsi que Thierry Huver, le directeur départemental adjoint des territoires du Territoire de Belfort.

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