Vous démissionnez du conseil municipal de Belfort. Pourquoi ce choix ?
Je démissionne du conseil municipal, du conseil communautaire et de toutes mes délégations. Cette démission n’est pas un renoncement. Je n’arrête pas la politique. Je fais le constat, en siégeant au conseil municipal et au conseil communautaire, d’être dans une impasse. On ne peut pas peser. Cette démission, c’est une dénonciation du système mis en place par Damien Meslot (maire Les Républicains de Belfort et président du Grand Belfort, NDLR). Ce sont juste des chambres d’enregistrement et je ne peux pas l’accepter. Je veux agir politiquement. C’est la traduction concrète que je veux faire de la politique autrement, idée que nous portions avec En commun pour Belfort en 2020, lors de la campagne municipale. Je n’ai aucun regret. C’était du temps, de l’énergie et cela m’a beaucoup apporté.
Que veut dire faire de la politique autrement ?
Je vais dédier l’énergie et le temps au terrain, aux gens. C’est en étant au contact des gens que l’on peut construire les projets de demain. Ce n’est pas au conseil municipal que se construit l’avenir de Belfort. Je le ferai mieux en étant dehors. Nous voulons proposer, mais il n’y a aucune place pour cela. Ce cadre nous enferme et nous assèche. Il ne permet pas la réflexion politique. En conseil, vous êtes condamné au clash et à la polémique pour exister. Nous avons choisi de dénoncer ce fonctionnement. Nous allons justement au tribunal administratif, concernant le rapport des orientations budgétaires (lire notre article). Le boulot d’élue d’opposition est fait. Je veux reprendre la maîtrise de mon engagement. Il s’agit d’arriver au même but : une ville plus écologique, plus démocratique et plus solidaire.
Allez-vous mener des actions avec l’association En commun pour Belfort ?
J’ai été frappée, lors de la campagne de 2020, de la réaction des habitants : « Les politiques, on ne les voit qu’au moment des élections. » Le but, c’est justement d’être là, au plus près d’eux, en dehors des périodes électorales. Mais pour cela, il faut du temps.
Vous passez donc la main…
J’ai appris. Je crois avoir prouvé que j’étais une interlocutrice valable. Aujourd’hui, c’est important que quelqu’un d’autre puisse se former. Ce sera Karel Trapp. Il va apporter quelque chose de nouveau ; c’est important pour 2026. La politique, c’est quelque chose de collectif. C’est une décision prise avec le collectif.
Vous dénoncez également un sexisme ambiant ?
C’est quelque chose de terrible. Il faut regarder les choses en face. Le patriarcat, même s’il est plus fort à droite, existe aussi dans mon mouvement. Tout le monde doit balayer devant sa porte. Le fait d’être jeune et d’avoir des enfants, on vous le renvoie souvent. Être une femme politique, cela a une implication extrêmement forte et rien n’est fait pour faciliter la prise de responsabilité des jeunes femmes. Si on veut renouveler, il faut réfléchir à cela. Dès qu’il y avait un conseil, j’avais une baby-sitter pour mes enfants. J’avais demandé que la prise en charge soit sur le salaire brut et non pas sur le salaire net. J’avais reçu une bronca. Pourquoi ne prend-on pas en charge la totalité des frais de garde ? C’est très révélateur. Le fait d’être une femme en politique reste une difficulté supplémentaire. Mais je serai toujours là pour mener le combat de la place des femmes, notamment en politique.
Avez-vous d’autres exemples ?
Quand les femmes parlent de chiffres (elle intègre Marie-José Fleury et Samia Jaber, aussi élues d’opposition NDLR), les réponses sont toujours plus méprisantes. Et on a toujours tendance à dire qu’elles n’ont pas compris. Par ailleurs, quand un maire me montre un détournement d’une photo de moi qui circule dans leur réseau, cela témoigne de cette atmosphère. Et nous allons retrouver ce sexisme avec ma démission. On va dire : « Elle n’a pas les épaules. » On ne le dirait pas d’un homme. En 2008, quand Damien Meslot a démissionné du conseil municipal, je ne pense pas qu’on lui ait dit qu’il n’avait pas les épaules. La démission ne dit rien du futur.
Comment voyez-vous la place des femmes en politique ?
Une femme devra toujours se battre pour prouver sa crédibilité. Je l’ai acquise durement. On a voulu faire de moi la marionnette d’un autre (elle parle de Christian Proust, ancien président du conseil général, investi dans la campagne du collectif En commun pour Belfort, NDLR). Il a fallu que je construise une existence propre.
Croyez-vous en une union de la gauche ?
Chacune des trois listes de gauche de 2020 est consciente que si nous ne sommes pas unis, aucune victoire n’est possible. Il y a des divergences, c’est vrai. Il y a des obstacles à passer, mais les discussions servent à cela. Nous gagnerons en 2026, si nous sommes capables de nous fédérer, d’emmener une alternative et de mobiliser les gens avec nous. Une autre ville est possible. C’est un leurre de croire que cela se fait au conseil municipal. Un travail est en cours. Nous allons de l’avant pour construire. Une union, ce n’est pas que de la façade, c’est aussi un programme, une vision, une stratégie pour une ville et une agglomération. C’est à ce prix que les gens y croiront.