La conjoncture économique est délicate. Les entreprises affrontent depuis 2020 une succession de crises. D’abord sanitaire, puis économique, puis énergétique et enfin inflationniste. La visibilité est limitée et la navigation périlleuse, notamment marquée par le coût volatil des matières premières. Pendant le covid-19, les différents dispositifs de soutien à l’économie, notamment les prêts garantis par l’État (PGE), ont permis de maintenir l’activité et les entreprises à flots. Depuis, on redoutait une explosion des défaillances d’entreprises, qui n’étaient plus sous perfusion. On craignait une difficulté, notamment, à rembourser ces PGE.
Pour autant, en 2023, « la grande majorité des PGE ont été remboursés de manière régulière, sans avoir recours à un moratoire », confie Adeline Gaidot, commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises, à la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) Bourgogne-Franche-Comté.
La construction ciblée
Dans le ressort du tribunal de commerce de Belfort-Montbéliard, les défaillances (sauvegarde, liquidations judiciaires, redressements judiciaires…) sont passées de 114 en 2022 à 218 en 2023, soit une hausse de 91,23 %. À l’échelle nationale, on compte 55 492 défaillances d’entreprises en 2023, en hausse de 34 % par rapport à 2022, selon le décompte de la Banque de France publié début janvier.
Est-ce le mur de défaillances tant craint ? Pas exactement. Ce qu’il faut surtout noter, c’est que le niveau des défaillances retrouve son niveau d’avant covid-19. En 2019, 213 défaillances avaient en effet été enregistrées dans le secteur de Belfort-Montbéliard. Et cette donnée de 2023 est même inférieure au nombre moyen annuel de défaillances observées de 2010 à 2019, qui s’établit à 226,5 dans le ressort du tribunal de commerce, avec des pics à 286 ou encore 261 défaillances en 2013 et 2015.
65,6 % de liquidations judiciaires
En 2023, 218 procédures collectives ont été engagées dans le ressort du tribunal de commerce de Belfort-Montbéliard. La majorité sont des liquidations judiciaires (143), soit 65,6 % des procédures. Les redressements judiciaires pèsent 27,5 %, avec 60 procédures. On a compté aussi 3 procédures de sauvegarde et 6 liquidations judiciaires sur résolution de plan.
Le secteur de la construction a été particulièrement touché. 63 procédures concerne ce secteur, soit près d’un dossier sur trois (28,9 %). Le secteur de l’hébergement et de restauration, avec 42 procédures, a aussi été particulièrement touché. La dynamique de la fin d’année 2023 fait toutefois craindre une année 2024 difficile, avec un repli de l’activité économique, que constate déjà le secteur des bâtiments et des travaux publics (lire notre article).
« On doit dire que l’État est à leurs côtés »
Dans ce contexte, Adeline Gaidot invite les chefs d’entreprise à anticiper. « Nous avons un rôle de diagnostiqueur des difficultés », confie celle qui est en poste depuis juin 2023. « Nous avons des chefs d’entreprises qui sont sur tous les fronts”, observe-t-elle. Le contexte géopolitique ne facilite pas non plus le pilotage des entreprises. Et la « visibilité » des carnets de commandes est très courte.
Ce mardi, elle a rencontré les chefs d’entreprises du Territoire de Belfort pour présenter le rôle de sa mission et les dispositifs d’aides qui existent. Après avoir diagnostiqué les difficultés, le commissaire peut être un facilitateur auprès des différents acteurs : Urssaf, Banque de France, finances publiques, médiation du crédit… « Notre cible, ce sont plutôt les entreprises de 50 à 400 salariés », indique Adeline Gaidot, qui revendique un profil financier et qui propose justement un accompagnement en gestion financière de l’entreprise. « Beaucoup d’entreprises en ont besoin », convient-elle. Mais toutes les entreprises peuvent accompagnées par le commissaire.
Les entreprises sont souvent confrontées à des problématiques de trésorerie ou de besoin en fonds roulement détaille-t-elle. C’est très « important », insiste Adeline Gaidot, notamment dans des périodes où les matières premières sont en hausse ou « pour accompagner le financement de gros contrats qu’une grande entreprise se doit d’avoir ». « J’essaie de m’inscrire dans l’anticipation », poursuit-elle.
La commissaire veut aussi dire aux chefs d’entreprise qu’ils ne sont pas seuls. « L’État est à leurs côtés. » Depuis sa prise de fonction, elle a pu ainsi éviter deux défaillances dans la région, en intervenant auprès de l’entreprise. Mais les marges de manœuvre sont toujours « plus limitées » quand les procédure collectives sont engagées, insiste-t-elle. Lorsqu’une entreprise est en difficulté, ce sont souvent une « accumulation » de difficultés : une conjoncture délicate ; une filière fragilisée ; une gouvernance fatiguée…
L’enjeu est toujours clair : maintenir les emplois et la technologie, voire aider à une reprise qui assure la pérennité de l’entreprise. Le tout dans une région qui souffre d’un déficit d’image. Il y a pourtant des filières « magnifiques », replace-t-elle, avec « des chefs d’entreprise qui se battent pour leur activité, le savoir-faire et leurs salariés ».