Sixième journée de mobilisation dans le nord Franche-Comté ce mardi 7 mars. Une journée « historique » selon plusieurs syndicats par le nombre de personnes réunies. À Belfort, les syndicats annoncent entre 6 et 7 000 manifestants. La police, elle, estime à 4 500 personnes. C’est la plus forte mobilisation depuis le tout début. Le record du 19 janvier a été battu. À Montbéliard, la CGT évalue à 6 200 et la police à 5 000 le nombre de manifestants. À l’échelle nationale, la CGT a annoncé 3,5 millions de manifestants dans toute la France, soit 1 million de plus que les 2,5 millions qu’elle avait décompté le 31 janvier, le précédent record dans cette mobilisation contre la réforme des retraites. Le ministère de l’Intérieur de son côté a chiffré à 1,28 million le nombre de manifestants, soit légèrement plus que son décompte du 31 janvier (1,27 millions).
Dans la cité du Lion, les cortèges s’illustrent par la même ambiance festive et familiale depuis le début des rassemblements, le 19 janvier dernier. Idem pour Montbéliard, malgré un léger accrochage entre des Gilets jaunes et les forces de l’ordre le samedi 11 février. Des efforts sont faits notamment pour innover dans les manifestations et rendre les rassemblements marquants. Via des marches aux flambeaux, des fanfares, des concerts ; comme ce mardi midi place Corbis à Belfort, danses et flashmobs… Chaque rassemblement qui passe est un peu plus festif que le précédent ; même si c’est bien pour témoigner leur colère que les manifestants s’élancent dans les rues, pointent-ils lorsqu’on leur fait la remarque.
Dans le cortège belfortain, les syndicalistes sont unanimes sur les raisons qui permettent de maintenir à chaque rendez-vous de bonnes conditions de manifestation : « Parce qu’on est tous là pour la même chose, dénoncer cette réforme injuste. Nous n’avons jamais été aussi unis.» CGT, CFDT, FO, Sud,Solidaires, CFTC, CFE-CGC, peu importe qui l’on interroge, tous témoignent d’une entente « jamais-vu des syndicats » qui permet de bien organiser les mobilisations que se soient en termes d’organisation ou de sécurité.
À #Belfort, les manifestants et manifestantes bloquent la place Corbis, en dansant ! #ReformeDesRetraites pic.twitter.com/4WSoSzXA5h
— Le Trois (@letrois_info) March 7, 2023
Une bonne entente entre syndicats et forces de l'ordre
« Vous remarquerez qu’aucun commerçant ne ferme son magasin quand on manifeste. Ils savent que ça se passe toujours bien », confie un représentant syndical de la CGT. « C’est normal, tout le monde va dans le même sens. Si Emmanuel Macron a réussi une chose, c’est à unir les syndicats », pense Sophie Knur, délégué syndicale santé Force Ouvrière. Francis Cottet, secrétaire général territorial FO, complète : « À Belfort, la tradition est celle de manifestations républicaines. Dans toutes les manifestations que j’ai pu faire, organisées par les syndicats, il n’y a jamais eu de débordements quelconque.» Personne n’est enrôlé dans la sécurité de la manifestation, explique-t-il. « Tout le monde se gère. Et il n’y a jamais eu de heurts ou de casses ». Lui aussi relève que les magasins ne ferment jamais leurs devantures, « ils savent que tout se passe bien. Et surtout, ça se passe toujours bien avec les forces de l’ordre », pointe-t-il. Des propos que valide une source policière belfortaine : « Il y a une relation de confiance avec les syndicats. Nous avons les informations sur l’organisation [du cortège] et vice-versa. Si besoin, nous pouvons modifier ensemble les itinéraires pour que cela se passe bien.»
À Montbéliard, l’entente est aussi très bonne entre les forces de l’ordre et les organisations syndicales. Une source policière montbéliardaise commente à ce sujet : « Le contact existe depuis de nombreuses années entre les responsables syndicaux et les services de police. On a des déclarations qui sont préparées et des parcours respectés. Les cortèges sont “revendicatifs” mais respectueux.» Il revient sur l’épisode de heurts survenu le 11 février dernier entre les Gilets jaunes et les forces de l’ordre : « L’événement était un épiphénomène à l’initiative des Gilets jaunes qui voulaient aller sur l’autoroute. Le reste des manifestants n’a pas suivi.»
Christian Munsch, président régional de la CTFC complète lui aussi : « Au sein de l’intersyndicale, on ne tolérerait pas que quelqu’un fasse quelque chose de mal en manifestation. On veille les uns sur les autres.» Il poursuit : « Et pour le moment, c’est une réussite. Cette ambition, ce ton bon enfant, c’est une grande satisfaction.»
"L'après" inquiète
Pour Benoît Guyon, représentant syndical FSU, cette bonne coopération et ces manifestations “bon enfant” que tout le monde note, que ce soit à Belfort ou Montbéliard, tiennent debout grâce à plusieurs aspects : des déclarations à la préfecture en amont, un encadrement des forces de l’ordre, et surtout « le rôle des corps intermédiaires », qui permettent que tout se passe bien.
Quand les syndicats voient à quel point la mobilisation contre la réforme des retraites est fédératrice dans le nord Franche-Comté où ils recensent selon leurs calculs plus de 12 000 personnes ce 7 mars, ils sont amers de voir que cela ne soit pas plus pris en compte par le gouvernement. Ils n’ont pas forcément d’espoir sur l’issue de cette journée, mais ils veulent montrer que le peuple est dans la rue pour contester. « Le gouvernement ne nous reçoit pas, ne fait pas d’effort. Il s’illustre par son silence. Beaucoup de Français, dont nous, les syndicats, ne le comprenons pas », explique Vladimir Djordjevic, président de l’union départementale de la CTFC. « Je suis inquiet de ce qui peut se passer après. Pas forcément à Belfort, mais de la colère partout en France. On ne pourra pas tout gérer, nous,les syndicats.» Son collègue Christian Munsch acquiesce, l’air songeur.
Des records de mobilisation en province
(AFP) La sixième journée de manifestation contre la réforme des retraites a été marquée par une nette reprise de la mobilisation en province, avec des chiffres proches voire supérieurs aux niveaux du 31 janvier dans de nombreuses villes, selon les syndicats mais aussi les autorités. Record battu à Brest: avec 22.000 participants recensés par la police – et 30.000 par les syndicats – la cité portuaire a dépassé le score établi lors de la deuxième journée de mobilisation fin janvier, devenu le mètre-étalon de mouvement social. Jauge également dépassée à Pau, où la préfecture a dénombré 15.500 manifestants et les organisateurs 22.000, et même pulvérisée à Rodez avec 14.500 à 25.000 personnes sous une pluie battante. “Quand on voit le temps qu’il fait, c’est exceptionnel”, reconnait David Gistau, chef de file de la CGT dans l’Aveyron. Moins spectaculaires mais tout aussi inédits, les chiffres des autorités à Bastia (2.000) Belfort (4.500) ou Guéret (6.500) confirment le regain de mobilisation observé dans plusieurs villes moyennes, ainsi que des métropoles comme Nantes (30.000). Dans de nombreuses autres localités, les comptages officiels étaient identiques ou très proches des performances enregistrées en début d’année, notamment à Lyon (25.000), Montpellier (25.000), Grenoble (20.500) et Rouen (13.500). Ailleurs, le rebond n’a pas atteint ces sommets, en particulier à Rennes (19.000), Lille (11.500), Tours (11.500) et Strasbourg (9.500). Comme à l’accoutumée, les estimations policières et syndicales ont parfois fait le grand écart, avec des rapports de un à quatre à Nice (de 7.000 et 30.000) et Le Havre (de 10.700 et 45.000), voire un à six à Saint-Etienne (de 8.800 à 50.000), la palme revenant encore à Marseille avec un ratio de un à huit, entre 30.000 et 245.000.