« Est-ce qu’on doit se laisser mourir ? » La question émane d’une habitante de 85 ans, résidant à Phaffans. Elle est en ligne avec le docteur Denis Piotte, médecin généraliste à Valdoie et par ailleurs président d’Amaëlles, association d’aides et de soins à domicile. « Aucun médecin ne veut nous prendre », poursuit la personne âgée. Aucune agressivité n’est présente indique Denis Piotte, qui confie avoir encore des trémolos dans la voix quand il évoque cette histoire. Il ne peut pas prendre cette fois-ci la patiente. Mais il lui promet de faire quelque chose.
Quelques mois après, il est l’un des acteurs de l’ouverture d’une nouvelle maison de santé à Bessoncourt, ouverte du lundi au jeudi, proposant 16 heures de consultation. Trois médecins généralistes assureront des vacations. Ils seront salariés de l’association Amaëlles, qui emploie 400 personnes dans le Territoire de Belfort et qui ouvre ainsi une nouvelle activité. Ce centre doit répondre « à une situation extrêmement tendue », convient le praticien. « Pour vieillir avec dignité, il faut être entouré », assure-t-il. Mais il manque de médecins. Et c’est un maillon essentiel certifie le docteur. « Nous avons un système de soin à bout de souffle », ajoute-t-il, malgré les incitations à l’installation. Au quotidien, il voit des habitants du nord Franche-Comté faire 20 à 25 kilomètres pour avoir une consultation non programmée dans son cabinet.
C’est un projet typiquement « belfortain », estime Philippe Weber, directeur général d’Amaëlles, où la proximité des acteurs permet d’avancer rapidement et de concrétiser l’initiative (lire par ailleurs). Le centre s’installe à Bessoncourt où trois médecins – à Bessoncourt, Chèvremont et Rougement-le-Château – ont pris leur retraite le 1er juillet 2023 sans être remplacés, « laissant plus de 6 000 patients sans médecin traitant », informe l’agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté dans un communiqué de presse. Deux médecins retraités accompagneront une jeune praticienne, qui s’installera par la suite à Évette-Salbert. « J’aime beaucoup cette organisation intergénérationnelle », salue la docteure Frédérique Nassoy-Stehlin, présidente de l’ordre départemental des médecins, convaincue que le dispositif va « faire boule de neige ». Denis Piotte lance un appel à des médecins qui veulent se salarier pour assurer quelques vacations. Cela peut être « 4 heures, 8 heures, 12 heures… » énumère-t-il.
Si, à l’avenir, des médecins libéraux veulent s’installer dans le village, la structure n’aura pas vocation à perdurer. À Bessoncourt, la municipalité a investi 600 000 euros pour rénover une ancienne bâtisse de la commune, afin d’accueillir le centre de santé ; le Grand Belfort a soutenu le projet avec une aide de 150 000 euros et une subvention de 4 700 euros pour acheter de l’équipement. La commune planchait sur un tel projet depuis 4 ans, afin d’anticiper le départ du médecin généraliste. « Tout le monde s’inquiétait et s’inquiète encore », dévoile Pascal Arrighi, 1er adjoint.
« C’est un maillon supplémentaire », assure Damien Meslot, président Les Républicains du Grand Belfort. « Brique après brique », la situation doit s’améliorer, même si « le combat continue », convient-il. Le projet a été monté dans « un délai très court », apprécie Valérie Ganzer, directrice territoriale Nord Franche-Comté de l’agence régionale de santé. « Lorsque l’on travaille de manière partenariale, on arrive à des résultats visibles pour réduire les difficultés d’accès aux soins », félicite-t-elle. L’agence a mobilisé 76 000 euros pour le projet.
Dans quelques mois, un centre similaire doit ouvrir à Beaucourt, également porté par Amaëlles ; il doit ouvrir avant la fin du premier semestre. Dans le nord Franche-Comté, Voujeaucourt va accueillir un centre de santé également, mais avec un autre type de modèle. On espère son ouverture en 2024.
Centre de santé de Bessoncourt, 1, rue des Glycines. Ouvert les lundis et jeudis de 14 h à 18 h et les mardis et mercredis de 9 h à 13 h. Uniquement sur rendez-vous. Des créneaux d’urgence sont prévus. Une assistante médicale a été recrutée pour prendre les rendez-vous. Tél. : 03 84 98 17 54
Un réseau d’acteurs
L’État, l’agence régionale de santé, l’assurance maladie, l’ordre des médecins, la communauté professionnelle territoriale (CTPS) de santé Pourtour belfortain, le Grand Belfort, Bessoncourt et Amaëlles, qui porte le projet, se sont mobilisés pour créer cette maison de santé. « Nous n’avions pas ces organisations de professionnels », convient le docteur Pierre Bobey, président du CPTS. [Aujourd’hui], ils se mobilisent et montent ces projets. » Cette méthode est essentielle pour répondre au défi que pose cette crise médicale.