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Territoire de Belfort : gronde et saturation des travailleurs sociaux

Les travailleurs sociaux du Territoire de Belfort sont très en colère. | ©Le Trois - E.C.
Reportage
Les signalements s’empilent, les agents manquent, les foyers de l’enfance sont saturés, les dossiers prennent du retard. Pour les travailleurs sociaux du Territoire de Belfort, l’heure n’est plus à la constatation. Il faut agir.

Les ballons rouges virevoltent au rythme du vent léger de cette matinée du 15 mars. Ils portent, chacun, un numéro, de 1 à 89. Devant l’hôtel du département du Territoire de Belfort, ils sont là pour symboliser les signalements, en attente, d’enfants en risque de danger ou en danger non traité, faute de moyens.

Ils sont environ 60 à faire du bruit, devant l’hôtel du département, armés de tambours, de sifflets et autres objets détournés pour faire du bruit. Ce jour, le collectif des travailleurs sociaux des quatre espaces de solidarité départementale du Territoire de Belfort a déposé un préavis de grève. 

Le départ de toute cette colère : le manque de personnel dans les centres. « 10 % de nos postes dans les ESD (espaces de solidarité départementale) sont vacants », expose Audrey, travailleuse sociale au Département. En conséquence : des délais de rendez-vous allant d’un mois à bien plus, des dossiers moins bien, voire mal traités. « Et un épuisement professionnel immense », résume-t-elle. « Nous ne sommes plus en mesure de fournir un service de qualité. » 

Pour trouver une solution, le collectif a demandé une audience au président du Département, Florian Bouquet, à la mi-février. D’abord fixée au 8 mars, elle a été repoussée au 28. « Cela a fait déborder le vase », témoigne une travailleuse sociale.

« Danger »

Un contexte qui se superpose à la saturation des foyers de l’enfance. « On est au bord du craquage. Sans notre conscience professionnelle, plus rien ne tiendrait debout. On a peur: pour les usagers, pour les enfants. »  Une dynamique qui crée encore plus de tensions, alors que le personnel manque cruellement. « Il faut absolument revoir la politique de recrutement. Tous les jours, nous avons des sollicitations d’urgence. Mais les places sont déjà prises, nous sommes au taquet. Nous ne pouvons plus faire face », résume Hafsa, assistante sociale. « Nous avons besoin d’une solution concrète, l’état des lieux, lui, est déjà dressé. »

Pour le syndicat Force ouvrière, le secteur du social est en « danger ». Il déplore des conditions « déplorables », « un manque de considération ». « Nous constatons des inégalités criantes. Celles des travailleurs sociaux qui sont en fait majoritairement des femmes et qu’on ne veut pas entendre, ni comprendre. »

Selon la coordination sur place, 90 postes ne sont pas pourvus. Soit 10% de l’effectif permanent. Francis Cottet, du syndicat, poursuit : « Il y a peu de considération pour nous, les agents du département, en général. Tout le monde doit être conscient que nous arrivons au point de rupture. La direction quitte le navire. Et le président du Département, lui,  se targue à côté de cela d’aimer ses agents. » 

Durant plus d’une heure, les agents se sont tenus devant l’hôtel du département, essayant d’y rentrer, dans le hall, pour se faire entendre avant de se faire reconduire vers la sortie. 

Les travailleurs sociaux du Territoire de Belfort sont très en colère. | ©Le Trois - E.C.

« Les travailleurs sociaux ont raison »

Florian Bouquet, président du conseil départemental du Territoire de Belfort (Les Républicains), joint par téléphone à l’issue de la mobilisation, se dit « entièrement conscient de cette situation ». Il considère que cette situation émane de l’Etat, qui s’est déresponsabilisé des politiques de l’enfance notamment en termes de santé. Et qui a fait reposer trop de responsabilités vis-à-vis de la protection de l’enfance sur les épaules des départements.  « Les travailleurs sociaux ont raison. Il y a des enfants en danger. Leur chiffre est exact. Chaque semaine, j’indique sur les tableaux devant l’hôtel du département le nombre d’enfants qui n’est pas placé », poursuit-il. 

Concernant le manque de travailleurs sociaux, là encore, la solution ne peut pas venir que du département, selon lui. « Il y a une dizaine de postes vacants. Entre les entrées, les sorties, les absences de longue durée que l’on ne peut pas remplacer car nous continuons dans la fonction publique à payer nos agents lors des arrêts maladies. »  Il estime également que le vivier à recruter n’est plus assez important. Les instituts de travailleurs sociaux « ne fournissent plus de main-d’oeuvre. La promo 2023 n’était pas remplie. » La faute, selon Florian Bouquet, au fait que le métier n’attire plus. « Cela forme une accumulation de maux, qui font que les travailleurs sociaux sont au bord de la rupture. »  Un argument balayé d’un revers de mains par les assistantes sociales présentes dans la manifestation, qui affirment que des candidatures sont reçues, mais restent non traitées, ou sont refusées. 

« Ce sera moi le responsable »

Le président du Département affirme être « le premier malheureux de cette situation », notamment sur les questions de saturation et de délais de traitement des dossiers. « Les enfants que l’on ne protège pas, le jour où il y aura un coup de fusil, ce sera moi le responsable. » 

Alors que les travailleurs sociaux lui demandent de réagir et de trouver des solutions, il affirme : « Je les entends et leur demande d’entendre mes contraintes. J’ai exercé mon devoir d’alerte auprès de la procureure et du préfet. Maintenant, si demain, un fait divers a lieu, je ne veux pas être le seul à porter le chapeau. » Il cite en exemple la saturation à 103% des foyers de l’enfance. « On déborde. Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités. » Il explique, également, avoir demandé à être auditionné par les membres de la commission d’enquête parlementaire sur la protection de l’enfance. « Je les invite à venir sur le terrain, je leur ouvrirai les portes des espaces de solidarité pour qu’ils puissent voir ce qui s’y passe vraiment. » 

« La com’ ne change pas le réel »

Les élus d’opposition de gauche du conseil départemental, du groupe Gres déplorent la campagne de communication faite par le département qui a pour slogan : « Le Département emploie les grands moyens pour ceux qui n’en ont pas. » 

Pour eux, le manque de salariés dans le domaine du social est notamment lié à des disparités salariales très importantes d’un département à l’autre. « Nous avons présenté une motion en janvier 2022 afin de revaloriser la rémunération des agents de la filière sociale et stopper les nombreux départs vers d’autres collectivités voisines » », rappelle le groupe. Il met en exergue le fait que les disparités salariales causent des départs. Et conduisent pour ceux qui restent à une augmentation de la charge de travail, du découragement, une perte de sens dans les missions. « La majorité départementale avait alors rejeté notre motion », exposent les élus. 

« Le président du conseil départemental ne nie plus les difficultés de recrutement, mais aucune réponse n’a été apportée au malaise des agents. Nous réitérons notre demande de conférence salariale, car les revendications légitimes des agents de cette filière méritent une réponse à la hauteur. Il est effectivement temps de mettre les moyens nécessaires pour renforcer les services sociaux départementaux et, ainsi, accompagner tous nos concitoyens qui ont besoin d’être aidés, notamment pour faire face à l’inflation et à la paupérisation de notre territoire », détaille le groupe. 

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