Sous la Tour Eiffel, 75 enfants terrifortains vivent une parenthèse de vacances

La journée des oubliés des vacances a eu lieu mercredi 20 août, organisée par le Secours populaire. | ©DR
La journée des oubliés des vacances a eu lieu mercredi 20 août, organisée par le Secours populaire. | ©DR
Reportage

Le Secours populaire a célébré le mercredi 20 août ses 80 ans avec la journée des « oubliés des vacances ». Toutes ses délégations étaient réunies à Paris, pour une fête organisée au Champ-de-Mars, exceptionnellement privatisé. Quarante mille enfants y ont participé, dont soixante-quinze venus du Territoire de Belfort.

Il est près de 3 h du matin en gare de Belfort, ce mercredi 20 août. Dans la nuit encore épaisse, les paupières se frottent, mais l’excitation est bien là. À peine descendus des voitures de leurs parents, un peu plus de 70 enfants se serrent les uns contre les autres sur le quai. Le train file dans la nuit. Il ne reviendra que vingt-trois heures plus tard.

À l’arrivée à Paris, les pas pressés conduisent d’abord vers le square Maurice-Gardette, où les enfants s’élancent pour se dégourdir les jambes, avant la première véritable étape : l’Atelier des Lumières. Dans l’obscurité de l’ancienne fonderie, les tournesols de Van Gogh recouvrent les murs. Les yeux s’écarquillent, certains filment, d’autres s’asseyent, happés par le spectacle. En sortant, Ambrine, 9 ans, a déjà les yeux tournés vers l’étape suivante : « C’est la première fois que je viens à Paris. J’ai hâte de voir la Tour Eiffel ! »

La découverte se poursuit au Champ-de-Mars, transformé pour l’occasion en vaste terrain de jeu solidaire (lire notre article), privatisé pour la journée. Très vite, le grand moment arrive : au pied de la Tour Eiffel, une scène s’illumine. L’influenceuse Léna Situations participe au premier jeu. Puis Vitaa, Ridsa, Bigflo & Oli enflamment les quarante mille enfants rassemblés. Au-dessus de leurs têtes, la Patrouille de France fend le ciel, et Lucas, 12 ans, passionné d’aviation, s’efface un instant de la foule. Il semble submergé par l’émotion : « C’est trop bien. »

Entre pique-nique géant, escalade, ateliers créatifs, rencontres sportives et selfies avec Jo-Wilfried Tsonga ou Marguerite, de la Star Academy, l’après-midi a des allures de colonie improvisée. Assise à un atelier avec l’une de ses protégées du jour, une bénévole belfortaine, Jeanne, sourit malgré les cernes : « On n’a pas beaucoup dormi (avec l’horaire de départ du train, ndlr), mais franchement, cela fait tellement plaisir de les voir comme ça. » Après le concert, l’après-midi s’enchaîne vite, très vite. Il est déjà temps de repartir. 

Solidarité 1 – fatigue 0

Dans le train du retour, certains enfants s’endorment aussitôt, la tête encore pleine d’images et de musique. D’autres continuent d’agiter les bras, surexcités par le concert, les avions ou la Tour Eiffel. Chez les accompagnateurs bénévoles aussi, la fatigue se lit sur les visages. Philippe, 57 ans, tient un paquet de chips à la main. Travaillant dans un institut médico-éducatif et famille d’accueil, il connaît l’accompagnement sur le bout des doigts. Mais c’était la première fois qu’il s’engageait avec le Secours populaire. « Quand les enfants ne peuvent pas sortir, ça m’embête », confie-t-il simplement. Paris, il aime bien, alors il a saisi l’occasion. « Les enfants en avaient plein les yeux. Ils ont râlé, mais ils étaient émerveillés, notamment par le métro », rit-il. Avant d’ajouter : « Et puis après, un jeu s’est installé : le premier qui verrait la Tour Eiffel. » Seule ombre au tableau : les longues files d’attente aux activités, l’après-midi. « Mais quand on est partis, c’était déjà oublié pour les enfants. »

À ses côtés, Mathieu, venu de Montbéliard, a lui aussi répondu pour la première fois à l’appel du Secours populaire qui cherchait des bénévoles. Pour participer, il a posé un jour de congé. « Ça m’a paru normal », raconte-t-il. « C’est bête de priver des enfants ou que certains soient lésés, car il n’y a pas assez d’adultes pour encadrer. » Lui non plus n’avait jamais vécu une telle expérience. Et cela lui a plu, même s’il rentrera chez lui à 2 h du matin pour reprendre le travail quatre heures plus tard.

Un peu plus loin, Nelly ajuste fièrement sa casquette couverte de dédicaces. Elle sourit, malgré les trente-six heures sans sommeil. Revenue de vacances la veille au soir, elle a repris la route pour accompagner le groupe. « Avec cette journée, les enfants pourront dire qu’ils ont vu des choses, ils pourront parler de leurs expériences à la rentrée. Et c’est important, car il y en a plein qui ne partent pas », insiste-t-elle. Dans son petit groupe, elle a veillé à ce que chacun reparte avec un souvenir, même un simple autographe. 

La journée en chiffres

40 000 enfants

160 activités sur les 20 hectares du Champ-de-Mars 

26 disciplines sportives

86 délégations

10 000 bénévoles

Redonner confiance

Dans le wagon du fond, Jacqueline Guiot, secrétaire générale de la délégation belfortaine, finit par s’asseoir. Toute la journée, elle a veillé, recompté, anticipé. Elle souffle enfin, entourée de bénévoles qui, pour beaucoup, vivaient leur première expérience avec le Secours populaire. « Ce qu’on vit aujourd’hui, ça compte », insiste-t-elle. L’enjeu dépasse la simple sortie. À l’origine de ces « journées des oubliés des vacances », lancées en 1979 par le Secours populaire, un constat alarmant : la moitié des enfants français ne partait pas en vacances. Aujourd’hui, cette proportion est encore d’un enfant sur trois, soit trois millions d’enfants privés de vacances chaque année en France.

« Les vacances, c’est un droit. Pour un enfant, ne pas partir, c’est le voir obligé de mentir à la rentrée. Là, ils pourront raconter des choses qu’ils ont vécues, même si ce n’est qu’une journée. Ils se seront fabriqué des souvenirs. » La responsable souligne aussi l’importance de l’expérience collective : seuls deux bénévoles « historiques » accompagnaient le groupe, aux côtés de vingt-six nouveaux venus. « On voulait ouvrir pour que de nouvelles personnes puissent participer à la solidarité. Ça donne la banane de voir autant de gens prêts à s’investir », sourit-elle.

[ En images ]

Éducation populaire

Pour elle, cette journée est aussi une façon de rappeler la mission du Secours populaire. « L’alimentation n’est pas notre priorité, même si c’est une nécessité. On veut se reconcentrer sur l’éducation populaire. Les institutions se déchargent sur nous, mais nous, on a envie d’autre chose. Et ça commence par des actions comme celle-ci. »

À Belfort, ce recentrage est aussi dicté par des contraintes bien réelles. Les moyens diminuent, comme partout en France. La délégation est passée d’une distribution alimentaire hebdomadaire à une toutes les deux semaines depuis janvier, faute de ressources suffisantes. Les fonds européens, qui représentaient une part essentielle de l’aide, ont chuté de 245 000 à 154 000 euros. « On prend ça avec philosophie », commente Jacqueline Guiot. « Mais il faut se réinventer. Et une journée comme celle-là en est la preuve. »

À l’arrivée en gare de Belfort, les parents récupèrent leurs enfants, certains encore coiffés de leurs casquettes colorées. Dans leurs sacs, des souvenirs. Et dans leurs têtes, l’impression d’avoir vécu, l’espace d’un jour, leurs propres « vacances de ouf ».

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